Le gérant de l'entreprise normande est prêt à déposer une nouvelle offre, lorsque les conditions seront réunies.
Encore un coup dur, pour les salariés de l'usine Tim à Quaëdypre (Nord), placée en redressement judiciaire cet été. Alors qu'il avait proposé, début novembre, une offre de reprise pour le site sauvant 40 de ses 304 emplois, l'industriel normand Guy Mathieu nous explique pourquoi il a été "amené à retirer [son] offre suspensive", à quelques jours de la date limite, pour des raisons de "délai légal".
Le tribunal de commerce de Tourcoing devait en effet se pencher le mercredi 27 novembre sur cette offre de "reprise totale du site et de l'activité" émanant de la société Sépode. Le président de cette dernière a finalement fait machine arrière le 22 novembre, un retrait (pas définitif) qu'il explique par l'attitude de Fil Filipov, l'ex-PDG de Tim qui avait repris le site en 2017 via sa société Atlas.
"Massacre de la clientèle"
Guy Mathieu soupçonne l'industriel bulgare de "cherche à récupérer la société" et de s'opposer à son offre. "Il y a une volonté que cette société ne soit pas reprise", souligne-t-il, l'accusant notamment d'avoir "faire monter artificiellement les capitaux propres de la société", de n'avoir réalisé "aucun investissement sur deux ans" et d'avoir "fait un massacre au niveau de la clientèle" .
"De 176 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2012, on est passé à 27 millions d'euros en 2019, et on prévoit 6 millions pour l'an prochain" pointe le Normand.
Autant dire que la liste des griefs est longue, et ce alors que M. Filipov est, pour le président de Sépode, "un des acteurs principaux de la situation actuelle de Tim". Et pas seulement parce qu'il a démissionné en mai dernier, en prévision de la vente de "toutes" les actions de l'entreprise.
"Mon projet le gêne"
Guy Mathieu en veut pour preuve l'organisation du site, jugée aberrante : "On parle d'une entreprise avec un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros [au moment de sa reprise] qui n'a pas un seul commercial. Aucun démarchage de client !" Même si Tim a des atouts, "c'est quand même un secteur concurrentiel, on ne vient pas frapper à votre porte pour devenir client !"
L'usine de Quaëdypre a d'ailleurs perdu l'américain Caterpillar, autrefois l'un de ses principaux partenaires. Et M. Filipov lui-même "ne veut pas rester client de l'entreprise une fois celle-ci reprise !", tempête Guy Mathieu, alors que sa société Atlas achetait auparavant les produits de Tim.
"Mon projet le gêne" estime Guy Mathieu, convaincu que Filipov "ne voulait surtout pas que ce soit repris".
Filipov poursuivi pour escroquerie
Le repreneur potentiel n'est d'ailleurs pas le seul à fustiger l'industriel bulgare : deux ans après la reprise, les salariés eux-mêmes estiment avoir été trahis et instrumentalisés par celui qui apparaissait comme l'homme providentiel. À tel point que FO et la CGT ont porté plainte pour escroquerie.
"Le tribunal de commerce avait dit que c'était la société Atlas qui allait reprendre, mais en réalité M. Filipov voulait être personnellement l'acquéreur des parts", avait d'ailleurs résumé vendredi l'avocat des salariés, Me David Brouwer. "On a découvert dans le cadre d'une expertise comptable que la société Atlas lui a rétrocédé les parts pour un euro symbolique, contre l'avis du tribunal de commerce."
Guy Mathieu en veut également à Xavier Bertrand, qu'il avait rencontré et qui a cessé selon lui de suivre le dossier. La région Hauts-de-France avait pourtant mis sur la table 3,5 millions d'euros, "mais c'était un chèque en blanc, aucun engagement n'a été tenu en retour" dénonce Guy Mathieu.
Partie remise ?
Aujourd'hui, le patron Sépode assure toutefois que les "les choses ne sont pas finies". "J'ai investi énormément de temps dans ce dossier, ces trois dernières semaines".
Il évoque même une nouvelle offre, qui pourrait sauver 43 postes, au lieu de 40. "Si les choses évoluent, c'est avec plaisir qu'on reviendra dans la course."