Alors que le site de Saint-Saulve ne fait pas partie du projet retenu par la justice quant à la reprise d'Ascométal, retour sur l'histoire mouvementée d'une usine qui a déjà subi de nombreuses suppressions d'emplois.
Le site d'Ascoval fait partie du paysage valenciennois depuis de nombreuses années. Plus connue sous son ancien nom, du temps de Vallourec, l'usine a connu de nombreux revers. Vallourec, pour "Valenciennes, Louvroil, Recquignies". Son histoire commence dans les années 70. L'entreprise spécialisée dans la fabrication de tubes en acier décide d'ouvrir l'usine de Saint-Saulve, composée d'une aciérie et d'une tuberie.
Avril 2015 : le plan de restructuration
En 2015, un grand plan de restructuration frappe pour la première fois l'usine. Le 29 avril, Vallourec annonce des suppressions de postes pour la partie tuberie et cherche un repreneur pour l'acierie. 2000 postes sont menacés. Les salariés se mobilisent et organisent des manifestations au mois de juin pour sauver leurs emplois.
Nacim Bardi, alors représentant CGT au comité d'entreprise de Vallourec, expliquait : "Nous ce qu'on veut c'est un repreneur, on veut travailler, on veut couler de l'acier, on veut des gens qui viennent pour le long terme."
Juin 2015 : le soutien d'Emmanuel Macron
Mêmes acteurs, mais à des postes différents. Le 29 juin 2015, Emmanuel Macron est ministre de l'Économie. Il se rend à Saint-Saulve pour apporter son soutien aux salariés de l'entreprise. "Je suis venu dire ici (...) que les annonces qui ont été faites doivent donner lieu à des décisions qui seront organisées avec deux règles simples : il n'y aura aucune fermeture de site et aucun départ contraint", affirmait alors le ministre face aux employés de l'aciérie.
A ce moment-là, l'Etat cherche des entrepreneurs sur la scène internationale pour trouver un éventuel repreneur, qui garantissent le maintien des emplois. "Il s'agit d'une aciérie qui est au plus haut niveau de qualité et de qualification, qui a fait l'objet de plus de 130 millions d'investissements depuis 2008", rappelle alors Emmanuel Macron.
Octobre 2015 : suppression de 451 postes
La nouvelle tombe le 12 octobre 2015 : Vallourec confirme la suppression de 451 postes, presque la moitié des effectifs de Saint-Saulve. Le 31 janvier, le laminoir ferme définitivement.
"Sévèrement affectées par la surcapacité et la concurrence mondiale d’opérateurs « low cost », les activités européennes de Vallourec vont être rationalisées en centralisant les activités de laminage en Allemagne, tandis que les activités de finition seront concentrées en France", explique alors l'entreprise.
A ce moment-là, Vallourec a bénéficié de plusieurs millions d'euros de subventions de l'Etat, au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). D'après la CGT, ce montant s'élève à 17 millions d'euros.
Juillet 2016 : l'entreprise est partiellement vendue à Ascométal
En Juillet 2016, Vallourec annonce être en phase de négociations avec Ascométal pour lui céder 60% du site de Saint-Saulve. "L'offre d'Ascometal, basée sur un projet industriel et commercial renforcé, prévoit la reprise des 320 salariés hautement qualifiés du site", annonce Vallourec dans un communiqué. Ascometal prendrait "le contrôle exclusif des opérations" du site, tandis que les deux actionnaires s'approvisionneraient auprès de l'acierie,
Mais à l'époque, Ascométal se relève à peine d'un redressement judiciaire prononcé en 2014. Cette année-là, l'entreprise est plombée par une dette de 360 millions d'euros, avant d'être reprise par Franck Supplisson et des investisseurs français et européens.
Novembre 2017 : demande de redressement judiciaire pour Ascométal
Le 22 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Strasbourg place Ascométal en redressement judiciaire pour une durée de six mois, à sa demande. Presque 1500 salariés sont concernés dans toute la France, dont plusieurs centaines à Dunkerque et Saint-Saulve. "Plusieurs industriels ont marqué leur intérêt" pour "tout ou partie" de l'entreprise, expliquait alors Me Guilhem Bremond, avocat d'Ascométal.
Dès le lendemain, le secrétaire d'État au ministère de l'Economie Benjamin Griveaux assure que le gouvernement reste "attentif" aux discussions pour une reprise du groupe Ascometal. "Pour que la reprise puisse être un succès, il est nécessaire qu'elle s'appuie sur un projet jugé crédible sur le plan industriel, social et évidemment sur le plan financier."
Quelques semaines après, Xavier Bertrand annonçait son soutien au projet du groupe Liberty, et avançait le fait que les 15 millions d'euros de la région disponibles pour un éventuel investissement sur le site dépendrait du groupe choisi et du maintien (ou non) de l'emploi sur le secteur.
29 janvier 2018 : Ascométal cédé à un groupe dont le projet exclut le site de Saint-Saulve
Lundi 29 janvier, au matin. Le tribunal de grande instance de Strasbourg rend sa décision et choisit le projet du Germano-Suisse Schmolz + Bickenbach. Or, dans ce projet ne figure pas le site d'Ascoval. Cette décision, qui va à l'encontre de l'avis des trois présidents de région concernés par Ascométal, suscite de vives réactions de la part de personnalités politiques et des représentants syndicaux.
En tout, 299 emplois sont menacés sur le site, ainsi que de nombreux emplois indirects. "On est dégoutés. Je n'ai pas les mots pour vous dire à quel point on est dégoutés", explique Nacim Bardi, délégué CGT sur le site. "Pendant un mois, on a travaillé calmement avec tout le monde, l'Etat, les repreneurs... On s'est bien fait avoir. Emmanuel Macron est un grand menteur."