La famille d'un patient de Valenciennes (Nord), plongé depuis mai dans le coma à la suite d'un accident, s'oppose à ses médecins, qui jugent sa situation désespérée. L'équipe médicale souhaite arrêter les soins, mais cette décision va contre les intentions manifestées par le patient dans ses directives.
C'est une décision cruciale au moment où revient le débat sur la fin de vie: le Conseil constitutionnel confirme qu'un médecin peut, quand le cas d'un patient est jugé désespéré, écarter les indications données au préalable par celui-ci.
Le cas d'un patient valenciennois
Les directives anticipées, que tout un chacun peut décider de rédiger, sont un document écrit dans lequel une personne dit à quel point elle souhaite être maintenue en vie, au cas où elle se trouverait un jour dans l'incapacité d'exprimer son choix.
"Je souhaite que l'on continue à me maintenir en vie même artificiellement dans le cas où j'aurais perdu définitivement conscience"
Un patient valenciennois, 2 ans avant un grave accident
C'est le cas d'un patient valenciennois plongé dans le coma depuis plusieurs mois, à la suite d'un grave accident. Deux ans avant d'être renversé par un véhicule utilitaire, le quadragénaire avait exprimé sa volonté d'être maintenu en vie coûte que coûte. "Je souhaite que l'on continue à me maintenir en vie même artificiellement dans le cas où j'aurais perdu définitivement conscience" avait écrit l'homme de 44 ans, dans un courrier adressé à son médecin traitant et mentionné par nos confrères de France Bleu Nord.
Mais dans la situation de ce patient complètement dépendant d'une machine pour respirer, le corps médical ne souhaite pas en arriver à une situation d'acharnement thérapeutique et préconise l'arrêt des traitements puisqu'il n'y a aucune perspective d'amélioration. Ce que stipule la loi lorsque "les traitements apparaissent manifestement inappropriés ou non conformes à la situation médicale".
L'avocat de la famille considère que la loi va à l'encontre des libertés personnelle et de conscience. Celui du centre hospitalier de Valenciennes estime qu'aucune liberté n'est totale et que les médecins ne sont pas obligés de s'obstiner déraisonnablement dans les soins.
Le choix des médecins
Peu de Français ont recours à ces directives, alors qu'il s'agit d'un outil particulièrement important pour orienter l'action du médecin. Nombre de professionnels de santé estiment qu'elles permettraient d'éviter souvent des cas inextricables de conscience. Pour autant, elles ne résolvent pas tous les cas, comme le montre la situation dont le Conseil constitutionnel a été saisi.
Cette situation est prévue par la loi de 2016, qui donne aux médecins le droit de choisir in fine. Elle estime, en effet, que les directives ne s'appliquent plus si elles apparaissent "inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient".
Respect de la "dignité"
C'est sur la validité de cette loi que devait trancher le Conseil constitutionnel, saisi après plusieurs défaites en justice de la famille du patient, secondée par une association. Le Conseil a finalement approuvé sans réserve cette loi, confirmant de fait le pouvoir des médecins de contourner dans certains cas les volontés écrites des malades.
Pour le Conseil, le législateur était dans son rôle en prévoyant une telle porte de sortie aux médecins, notamment car le patient ne peut être totalement en mesure d'apprécier sa situation en amont.
La loi vise ainsi à "assurer la sauvegarde de la dignité des personnes en fin de vie", estime le Conseil constitutionnel, sans aller jusqu'à directement évoquer la notion d'acharnement thérapeutique.
Il juge par ailleurs que la loi est suffisamment claire en évoquant le cas de directives "manifestement inappropriées" à la situation médicale du patient, alors que les défenseurs de la famille estimaient ces termes trop flous. "Ces dispositions ne sont ni imprécises ni ambiguës", estime le Conseil qui, enfin, rappelle que le médecin ne peut prendre sa décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale.
En nuançant le rôle des directives anticipées, cette décision est de nature à alimenter des débats publics tout juste relancés en France.
Une convention citoyenne
La fin de vie fait en effet régulièrement ressurgir des polémiques, notamment par rapport à d'autres pays européens, comme la Belgique, les Pays-Bas mais aussi l'Espagne, où la législation a changé ces dernières années pour autoriser l'euthanasie de manière encadrée.
Le président Macron a évoqué à la fin de l'été un changement de législation sur la fin de vie, mais il veille à ne pas prendre position personnellement sur le sujet. Il en renvoie la responsabilité à une convention citoyenne qui doit se réunir à partir de décembre. Cette convention, composée de 150 Français en train d'être tirés au sort, formulera au printemps prochain des propositions qui seront censées orienter les choix de l'Etat.
Avec AFP