Sophie Djigo, philosophe et enseignante de classe préparatoire est la cible d'une violente campagne de harcèlement orchestrée par l'extrême-droite. Son crime : avoir organisé une sortie pédagogique autour des conditions de vie des exilés de Calais. Plus de 1000 personnes ont signé une tribune de soutien.
Elle ne s'attendait pas à un tel déchaînement de violences. Sophie Djigo, philosophe et professeure de classe préparatoire au Lycée Watteau de Valenciennes, avait prévu d'organiser ce 2 décembre une sortie pédagogique à Calais. L'objectif, les sensibiliser aux conditions de vie des exilés du littoral et montrer l'organisation de la solidarité sur place.
Mais son projet a circulé jusqu'à atteindre les cercles de militants d'extrême-droite, y compris l'ex-candidat à la présidentielle Eric Zemmour, déjà multiplement condamné pour incitation à la haine. Celui-ci signe un tweet dans lequel il accuse la professeure "d'endoctrinement" au service du "grand remplacement", un concept développé dans les sphères de la droite extrême sans aucune validité scientifique.
Cela a suffi à placer une cible sur la tête de la professeure de philosophie : insultes, menaces, adresse personnelle mise en circulation... Une protection policière a été accordée à Sophie Djigo.
"Une offensive coordonnée et décomplexée"
Pour répondre, ce sont plus de mille personnes qui ont assuré la philosophe de leur soutien plein et entier dans une tribune parue sur le site web du Monde, ce 5 décembre. De nombreux professeurs ou chercheurs sont signataires de cette tribune, dans laquelle on retrouve aussi quelques personnalités plus publiques comme la prix nobel de littérature Annie Ernaux ou le député du Nord Ugo Bernalicis.
"Sophie Djigo est à la fois une philosophe et une militante, dont l’action solidaire, particulièrement efficace et déterminée, est liée à une profonde réflexion de chercheuse et à une activité enseignante intellectuellement exigeante, reconnue et de haut niveau dans le système de l’enseignement public supérieur" rappellent les auteurs de la tribune.
"Le rectorat a, du reste, décidé de la soutenir en portant plainte pour diffamation. Et pourtant, elle a dû renoncer à l’organisation d’une rencontre entre ses élèves et les bénévoles de l’Auberge des migrants, à Calais, par crainte d’une descente violente des associations xénophobes qui en ont divulgué la date."
L'ensemble des signataires exigent "une réponse gouvernementale claire" face à "une véritable offensive coordonnée et décomplexée, plus particulièrement dans le Nord en ce moment, où d’autres collègues universitaires subissent collectivement des attaques similaires."
La réaction de Sophie Djigo
Contactée par nos soins, Sophie Djigo se dit extrêmement touchée de cette solidarité exprimée et y voit la reconnaissance de son travail. Exténuée par la situation qu'elle traverse, l'enseignante salue la dimension collective de ce qu'elle est en train de vivre car, dit-elle : " beaucoup d'autres enseignants-chercheurs, partout en France, sont victimes d'intimidations." Forte du soutien de ses élèves et d'un certain nombre de leurs parents, elle dénonce ces menaces comme " une atteinte à la liberté académique et pédagogique." Aujourd'hui en arrêt maladie pour une durée de deux semaines, Sophie Djigo a porté plainte pour cyberharcèlement et menaces de mort, mais ne sait pas encore quelle suite judiciaire sera donnée à cette situation éprouvante.