Quand le droit français et le droit allemand s'opposent...
Le dernier procès de la Seconde guerre mondiale n'aura sans doute pas lieu. 74 ans après le massacre d'Ascq, l'un des pires de la guerre de 1939-45, le droit français fait obstacle à un nouveau jugement.
Rappel des faits
En avril 1944, les soldats allemands exécutent 86 hommes et en blessent une trentaine d'autres sur une voie ferrée à Villeneuve-d'Ascq, en représailles après le sabotage d'un train de marchandises par la Résistance. Les trois plus jeunes victimes avaiten 15 ans, la plus vieille 76 ans.
Ils ont tous été assassinés au motif qu'un train avait déraillé
Le procès du massacre d'Ascq s'ouvre à Lille en 1949, en présence de sept ancien soldats nazis, mais sans Heinz Münter, qui est condamné à mort par contumace. Les autres prévenus seront sont graciés par le président René Coti en 1956 lorsque la France et l'Allemagne, en se rapprochant, veulent tirer un trait sur le passé. Heinz Münter, lui, disparaît en échappant à la peine capitale.
L'ancien SS retrouvé
Après avoir échappé près de 70 ans à la justice sous une fausse identité, Heinz Münter a été repéré presque par hasard, alors qu'il cherchait sur internet à retrouver un album SS qu'on lui avait volé à la suite d'un prêt.
L'occasion pour Alexandre Delezenne, arrière-petit-fils de la victime de 76 ans, de réclamer justice. Il a saisi la justice allemande il y a plusieurs années pour faire rejuger Heinz Münter, aujourd'hui âgé de 95 ans. "Ils ont tous été assassinés au motif qu'un train avait déraillé" rappelle-t-il.
Des enquêteurs allemands dans le Nord
Voilà donc quatre ans que les policiers allemands enquêtent autour de Villeneuve-d'Ascq, dépêchés par le procureur de Dortmund pour chercher les descendants des victimes.
Le 7 novembre 2017, le procureur de Celle, en Allemagne, a demandé au ministère français de la Justice s'il pouvait poursuivre Heinz Münter.
Le bureau de l'entraide pénale internationale a donné sa réponse mardi matin : il est impossible de rejuger l'ex-SS car il a été condamné pour "crimes de guerre" et non "crimes contre l'humanité", ce qui l'empêche d'être rejugé dans un autre pays. À cela s'ajoute la prescription des faits.
Une déception pour Alexandre Delezenne, mais également pour Sylvain Calonne, président de la société historique de Vilelneuve-d'Ascq qui a assisté les enquêteurs allemands en leur apportant de nombreuses archives.
"Le seul espoir, c'est que le procureur de Celle passe outre, mais je crains que l'avocat du prévenu ne le rende caduque. Ce ne sera qu'une condamnation morale."