En cette période de sécheresse, cinq communes du Nord et du Pas-de-Calais ont décidé de couper l'eau des douches de plage sur les littoraux. Un confort jugé trop coûteux en eau et aujourd’hui remis en question, même si la mesure ne fait pas l'unanimité.
D’abord Wissant en juillet, puis en ce début du mois d'août dans le dunquerkois, le robinet des douches de plage a été coupé et ce jusqu'à nouvel ordre. Les maires on en effet décidé de renforcer la limitation des usages en eau car la préfecture a placé le territoire en niveau d'alerte.
"Il est important d’être dans des méthodes d’éco-citoyenneté et d’éco-responsabilité, c’était nécessaire. Il nous faut être exemplaires", explique Laurent Mazouni, adjoint chargé de la transition écologique pour la Ville de Dunkerque. Une dizaine de douches sont normalement ouvertes en période estivale et consomment plusieurs centaines de mètres cubes d’eau, notamment à Malo-Les-Bains.
Une décision prise alors que depuis quatre ans, les pluies se sont faites de plus en plus rares dans la région, notamment dans le delta de l’Aa et pour la première fois dans le Nord, le niveau de "crise sécheresse" a même été atteint dans le bassin de l’Yser.
Un arrêté préfectoral au cœur des décisions
Pour les villes concernées, cette mesure répond donc aux demandes émises par la préfecture du Nord dans l’arrêté du 29 juillet : réduire la consommation d’eau des particuliers et des collectivités aux endroits où elle n’est pas indispensable et fermer les fontaines à circuit ouvert. "Or nos douches sont clairement assimilées à cette notion", ajoute Laurent Mazouni. "Par solidarité, nous avons jugé préférable de participer à cette économie d’eau", abonde Alain Boonefaes, adjoint au maire chargé de la station balnéaire de Gravelines. Tous deux indiquent que la nouvelle a été plus qu’acceptée par les citoyens et les touristes.
Du côté des communes n’ayant pas suivi cet élan inédit, l’argument avancé est celui du respect des règles émises par la préfecture du Nord. Michel Delepine, le maire de Mers-les-Bains (quatre douches), explique : "Je préfère observer ce que disent les arrêtés. Pas pour me dérober mais parce que nos plages sont proches et c’est important que les règles soient cohérentes, pour être plus compréhensibles."
À Le Portel, le directeur des services techniques, Yann Poissonnier, tient tout de même à souligner que la ville a "communiqué sur le sujet pour sensibiliser les gens à une responsabilité civile". En laissant toutefois la possibilité de se rincer, puisque "ce n’est pas toujours évident de rentrer plein de sel". Même réponse de la Ville de Boulogne-sur-Mer, qui compte sur la présence et la vigilance de deux animateurs surveillants pour que les deux douches de la plage soient utilisées sans excès.
Revoir les priorités
"Mais c’est un service de confort que l’on pourrait sûrement revoir", admet Michel Delepine, maire de Mers-les-Bains. "Est-ce qu’on supprimera les douches, est-ce qu’on limitera sur des créneaux ?", s'interroge l’adjoint au maire de Gravelines, Alain Boonefaes. Des questions sur le futur des douches de plage qui restent en suspens, mais qui font leur chemin dans les esprits des communes du littoral.
Est-ce qu’on supprimera les douches, est-ce qu’on limitera sur des créneaux ?
Alain Boonefaes, adjoint au maire de Gravelines.
Là où Le Portel envisage d’utiliser l’eau de source à proximité pour ses douches, Gravelines entend "mener une réflexion de fond", et Dunkerque souhaite même aller plus loin. "Ce service de confort n’a plus lieu d’être", défend en effet l’adjoint chargé de la transition écologique de la ville, Laurent Mazouni. L’objectif ? Proposer des démarches "expérimentales et vertueuses", telle que la création d’un "nouveau service mutualisé et centralisé", selon ses mots.
Bien que Mers-les-Bains ne fasse pas partie des premières villes à avoir fermé l'accès aux douches de plage, son maire défend des actions communes : "La nature subissant d’importants chamboulements, je suis pour des actions plus fortes et plus puissantes, pas seulement ponctuelles. Il va bien falloir réorganiser nos collectivités", indique-t-il.
Vers une politique globale ?
Outre les collectivités, l’adjoint Laurent Mazouni invite même les différents acteurs du territoire à s’engager davantage : "Il est plus que temps que sur les bassins, nous soyons en alerte systématiquement. Il faut d’ores et déjà s’interroger à une échelle régionale et littorale. Il y a urgence à avoir une réflexion", assène-t-il.
Sur cette question d’une politique plus globale, la préfecture du Nord, contactée par mail, répond que "l’installation et la gestion de douches de plage relèvent des collectivités, auxquelles revient le rôle de s'assurer qu'un usage responsable en est fait, évitant tout gaspillage." La préfecture souligne également que les douches ne "figurent pas dans les usages à limiter en premier" en cas de sécheresse, du fait de leur "vocation de salubrité et sanitaire".
La "valeur de l'eau"
Peu importe, pour Dunkerque, puisque l’initiative s’inscrit dans une politique globale d’économie d’eau, comme cela a été le cas pour d’autres stations balnéaires de l’hexagone les précédents étés. Une vision qui gagne désormais le nord de la France et qui prend de l’ampleur sur le littoral du Dunkerquois ou la Côte d’Opale. L’enjeu, pour Laurent Mazouni : "Réhabiliter, au regard du changement climatique, la valeur que l’on peut donner à l’eau dans nos gestes du quotidien".
Nous devons réhabiliter, au regard du changement climatique, la valeur que l’on peut donner à l’eau dans nos gestes du quotidien.
Laurent Mazouni, adjoint chargé de la transition écologique pour la Ville de Dunkerque.
C’est dans cette optique que la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD) travaille actuellement à la refonte de ses politiques publiques liées à l’eau, avec par exemple, dans les salles de sport, des douches connectées qui indiquent le volume d’eau utilisé.
L’autre point essentiel est la sensibilisation, afin de mieux connaître cette ressource et sa valeur, comme l’explique Laurent Mazouni : "C’est une richesse à préserver, et pour cela, il faut la comprendre. Surtout parce que la nécessité d’une telle économie peut paraître paradoxale dans un territoire de pôle d’eau."