Plusieurs associations, constatant une nette hausse des placements en centres de rétention administratifs (CRA) de migrants venant de Calais, dispositif censé désengorger la "Jungle", dénoncent des mesures abusives et "contre-productives".
Depuis le déplacement du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, à Calais le 21 octobre, venu présenter des actions visant à répondre à l'urgence migratoire et désengorger le bidonville, 664 migrants, en grande majorité des réfugiés de guerre, ont été déplacés dans sept CRA à travers la France - Nîmes, Mesnil, Toulouse, Rouen, Metz, Marseille, Vincennes -, selon la Cimade. Ils ont tous été quasi-systématiquement relâchés. "Au début, le ministère pouvait dire que cela correspondait à une logique de lutte contre l'immigration irrégulière", mais aujourd'hui "la machine à disperser tourne à plein régime: elle enferme, elle humilie. Elle ajoute de la violence à la violence, du traumatisme au traumatisme, déjà subis entre le parcours de l'exil et les campements de Calais", proteste Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, association qui prodigue de l'assistance juridique aux étrangers retenus dans ces centres.
Ces mesures d'éloignement, effectuées en parallèle de celles proposant aux migrants qui le souhaitent de rejoindre des centres d'accueil et d'orientation en France, dits de "répits", sont diligentées par la préfecture du Pas-de-Calais pour répondre à la situation migratoire particulièrement tendue dans le Calaisis, notamment dans la "Jungle", où s'entassent près de 6000 migrants. "La hausse très importante de la pression migratoire enregistrée à Calais depuis un mois, environ, a nécessité une adaptation à la hausse de notre dispositif d'éloignement, en ciblant plus spécifiquement les personnes en situation d'intrusion sur le tunnel ou le port", avance la préfecture. Ce que conteste totalement la Cimade: "On est dans une situation ubuesque, puisqu'on va enfermer de façon massive des Syriens, des Afghans ou des Irakiens dont on sait pertinemment qu'on ne pourra pas les renvoyer vers leur pays. Ce système est d'une absurdité totale, puisque 95% des personnes qui ont été placées en rétention sont déjà ressorties".
Mesures "totalement contre-productives"
Le placement décidé par la préfecture dans un centre de rétention n'est valable que cinq jours et seul le juge des libertés et de la détention (JLD) possède le pouvoir de prolonger ou pas la rétention d'un étranger. Or, celui-ci décide quasi systématiquement de libérer les migrants. Ainsi, sur les 46 individus (majoritairement Syriens, Afghans, Irakiens et Soudanais) arrivés à Nîmes par avion depuis le centre de rétention de Coquelles près de Calais le 21 octobre, tous ont été relâché sauf un Afghan, qui pourrait être prochainement expulsé, selon le JLD nîmois Jean-Louis Galland. "La préfecture du Pas-de-Calais m'avait dit que cette mesure servait à désengorger Calais, tout en sachant très bien qu'on ne pouvait pas les expulser. A partir du moment où on place quelqu'un en rétention alors qu'on ne peut pas l'expulser, car ces personnes viennent de pays en guerre, c'est un détournement de pouvoir et donc une privation de liberté illégale", explique-t-il.Même constat à Metz, établi par Lucie Feutrier-Cook, directrice adjointe du pôle migrants à l'Ordre de Malte: sur les 47 migrants arrivés le 27 octobre, "tous ont été libérés au 5e jour" et plusieurs auraient affirmé qu'ils repartaient sur Calais. Ce que confirment les associations calaisiennes Salam et l'Auberge des migrants, selon lesquelles, une fois relâchés, la plupart d'entre eux reprennent le chemin vers le nord. "Cette privation de liberté vexatoire les conforte dans leur idée qu'ils ne sont pas les bienvenus en France et qu'ils ont donc intérêt à tenter de rejoindre l'Angleterre", avance le militant associatif Philippe Wannesson, auteur du blog "Passeurs d'hospitalités". Pour lui, ces mesures d'éloignements contraintes sont "totalement contre-productives". "Les personnes relâchées suite à une décision judiciaire doivent quitter le territoire, sauf si l'OQTF (obligation de quitter le territoire) a été annulée", maintient pourtant la préfecture.