Natacha Bouchart, la maire LR de Calais, a pris ce jeudi un arrêté municipal interdisant "toutes occupations, prolongées et répétées de la Zone industrielle des Dunes", à proximité du terminal ferry, afin d'empêcher les distributions de repas aux migrants.
"La ville empêchera la distribution de repas", avait annoncé Natacha Bouchart, mercredi, à l'occasion de la visite du ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux. Ce jeudi, l'arrêté municipal est paru. Il n'interdit pas textuellement et explicitement les distributions de repas aux migrants qui tentent de rejoindre l'Angleterre, mais "toutes occupations, prolongées et répétées de la Zone industrielle des Dunes", à proximité du terminal ferry
Cet arrêté fait toutefois référence à "la présence régulière, persistante et massive d'individus et de groupe d'individus sur la Zone industrielle des Dune aux fins de distribution des repas de migrants" et "d'occupations (...) de nature à troubler la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques" et "de nature à engendrer des tensions permanentes entre les ethnies en présence."
"Une atteinte au vivre-ensemble"
"Que des responsables politiques puissent faire ainsi entrave à la solidarité, intimider des citoyens qui veulent porter assistance, ça remet en cause certains fondements de notre société", a réagi Vincent Deconinck, du Secours Catholique du Pas-de-Calais. "Je sais bien qu'on est en période de campagne électoral avec une surenchère nauséabonde mais il y a là une atteinte au vivre ensemble et à la protection de l'enfance en danger (en référence aux migrants mineurs qui se trouvent à Calais NDR)".
"Il s’agit ni plus ni moins que de la non-assistance à personne en danger", s'est indigné de son côté Jacky Hénin, l'ancien maire communiste de Calais, dans un communiqué. "C’est un positionnement abject qui donne presque envie de vomir".
Bras de fer entre les associations et les autorités
Avec d'autres associations d'aide aux migrants, le Secours Catholique avait écrit mardi au ministre de l'Intérieur pour dénoncer l'absence de structure d'accueil à Calais, où les migrants - dont de nombreux mineurs - reviennent, malgré le démantèlement en octobre du bidonville de la "Jungle". Les signataires de cette lettre menaçaient de "recommencer, comme par le passé, à organiser de nouveau une distribution alimentaire de rue" si les pouvoirs ne mettaient pas en place un dispositif adapté.
"Nous n'empêcherons pas les distributions de repas, mais tout ce qui fait qu'il peut y avoir fixation", leur avait répondu mercredi Bruno Le Roux lors de son déplacement à Calais. " Il y a des centres pour cela, des centres d'accueil pour faciliter la prise en charge avec la plus grande humanité mais il n'y aura pas ce genre de centre sur le territoire".
Bataille judiciaire autour de douches
Le mois dernier, le Secours Catholique avait contesté un arrêté municipal bloquant l'accès à l'un de ses bâtiments pour empêcher l'installation d'un conteneur équipé de douches destinées aux migrants. Une benne avait été posée devant le portail. L'association avait saisi le tribunal administratif qui avait condamné la mairie de Calais le 20 février, estimant qu'en faisant procéder à l'installation de cette benne, la municipalité avait "porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété" et avait laissé entendre qu'un arrêté interruptif était plus approprié.
La ville avait répliqué en annonçant que, même si elle retirait la benne, elle allait prendre cet "arrêté interruptif de travaux" pour empêcher l'installation des modulaires. La maire, Natacha Bouchart, s'était défendue de "stigmatiser les migrants eux-mêmes" mais avait indiqué qu'elle refusait "que notre territoire soit à nouveau pénalisé par un phénomène migratoire dont les Calaisiens ne sont pas responsables." Le Secours Catholique a saisi depuis le Défenseur des droits sur ce dossier.