Le Racing Club de Lens a présenté la saison dernière des comptes à l'équilibre selon le rapport annuel publié jeudi par la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), dégageant même un très léger bénéfice.
La saison 2015-2016 du Racing Club de Lens s'est conclue sportivement par une 6e place au classement de la Ligue 2 et par l'arrivée, fin mai, de nouveaux propriétaires : la société luxembourgeoise Solferino (Joseph Oughourlian, Ignacio Aguillo, Gilles Fretigne) associée à l'Atlético de Madrid, devenu en juillet actionnaire minoritaire des Sang et Or (34,6%). Côté finances, le club artésien est parvenu à l'équilibre, malgré sa relégation en Ligue 2 et une perte de 10,1 millions d'euros enregistrée la saison précédente en Ligue 1.
Selon le Rapport Financier du Football Professionnel Français 2015/2016, publié jeudi par la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), Lens a même dégagé un léger bénéfice de 747 000 euros. Certes, ce n'est pas autant que ce qu'avait annoncé le président lensois Gervais Martel qui prédisait en février 2016 que le club allait "entre 3 et 3,5 millions d’euros". Mais le RCL s'est plutôt bien extirpé d'un contexte très difficile marqué par l'effondrement de ses recettes liées à la relégation et l'absence de financement de son ancien actionnaire majoritaire, l'Azerbaïdjanais Hafiz Mammadov. Les Sang et Or ont toutefois dû vendre pour près de 13 millions d'euros de joueurs pour parvenir à cet équilibre.
Recettes en forte baisse
Le document publié par la DNCG n'est qu'une synthèse, beaucoup moins complète et renseignée que les comptes annuels de la SASP Racing Club de Lens qui - à ce jour - n'ont toujours pas été déposés au greffe du tribunal de commerce d'Arras. Par ailleurs, la DNCG appuie son analyse sur un périmètre plus large qui engloble non seulement la SASP, mais aussi sa filiale à 100%, la SCI Sang et Or, qui détient le Centre Technique de La Gaillette, ainsi que l'association RC Lens. Mais les principaux indicateurs figurent dans le document et peuvent être comparés au rapport DNCG paru l'an dernier.Côté recettes, la rélégation a fait du mal. Les produits hors transferts sont passés de 25 à 17,2 millions d'euros (-31,5%). La revalorisation des droits TV en Ligue 2 a permis à Lens d'empocher une enveloppe proche des 8 millions d'euros, mais celà représente quand même une baisse de -45,1% par rapport à ce que le club avait touché en finissant dernier de Ligue 1. Les recettes billetterie ont fondu de -41,1 %, les rentrées publicitaires de -5,8% . Seuls les "autres produits" (dans lesquels sont inclus le merchandising et les ventes de la boutique) progressent de 76%.
Produits hors-mutations | 2015-2016 | 2014-2015 | Evolution |
Droits TV | 7,958M€ | 14,513M€ | -45,1% |
Sponsors - publicité | 2,470M€ | 2,622M€ | -5,8% |
Recettes billetterie | 3,632M€ | 6,166M€ | -41,1% |
Autres produits | 3,117M€ | 1,771M€ | +76% |
Total | 17,177M€ | 25,072M€ | -31,5% |
Un déficit d'exploitation couvert par des ventes de joueurs
Club structurellement déficitaire, le RC Lens affichait en fin de saison dernière une perte d'exploitation proche des 14 millions d'euros, plus conséquente qu'en 2014-2015 (-11,2 millions). Le club est pourtant parvenu à réduire ses charges de plus 5 millions d'euros (-14,2%). Celles-ci s'élevaient au 30 juin 2016 à 31,1 millions. C'est sur la masse salariale, limitée et encadrée par la DNCG, que le principal effort a été fait (-22%).Charges hors-mutations | 2015-2016 | 2014-2015 | Evolution |
Masse salariale | 15,293M€ | 19,620M€ | -22% |
Coûts des transferts | 0,676M€ | 1,174M€ | -42,4% |
Autres charges | 15,183M€ | 15,510M€ | -2,1% |
Total | 31,152M€ | 36,304M€ | -14,2% |
Plusieurs cadres ont été libérés à l'été 2015 (Ahmed Kantari, Jérôme Le Moigne, Yoann Touzghar) ou étaient arrivés en fin de contrat (Adamo Coulibaly, Rudy Riou, Ludovic Baal), ce qui a permis de dégraisser l'effectif. La DNCG avait interdit en contrepartie à Lens de recruter à titre onéreux et même de recruter tout court lors du mercato hivernal.
Près de 13 millions d'euros sur "mutations de joueurs" ont par ailleurs permis dès l'été 2015 de couvrir le déficit d'exploitation de la saison. Les jeunes Jeff Reine-Adelaïde et Yacine Fortune ont été cédés précocement à Arsenal, et Baptiste Guillaume a été vendu au LOSC. Le tout pour environ 9 à 10 millions d'euros. Lens a également perçu des pourcentages à la revente et des indemnités de formation sur trois anciens joueurs (Serge Aurier, Geoffrey Kondogbia et Gaël Kakuta), ce qui a permis d'encaisser 2 à 3 millions d'euros supplémentaires.
L'augmentation des comptes courants d'associés (avances consenties par les actionnaires), passés de 6,3 à 10,7 millions d'euros, montre également que la reprise par Solferino a sans doute aidé à boucher les derniers trous.
Dette financière en hausse
Côté bilan, on observe une augmentation des dettes financières qui passent de 4,6 à 18,9 millions d'euros (+311%). Jusqu'à présent, un emprunt contracté auprès de Swiss Life constituait la principale dette financière du Racing. Si l'endettement est monté aussi brusquement, c'est qu'il intègre visiblement désormais les 11 millions d'euros que le club doit rembourser au Conseil régional des Hauts-de-France pour la rénovation du Stade Bollaert-Delelis.En octobre 2012, l'ex-président socialiste, Daniel Percheron, avait fait voter un montage complexe pour boucler le financement des travaux en vue de l'Euro-2016 tout en évitant de plomber les comptes fragiles des Sang et Or. Il avait été décidé que la région Nord Pas-de-Calais emprunterait 11 millions d'euros au Crédit Agricole sur 25 ans, à un taux préférentiel de 2%. A charge ensuite au RC Lens de la rembourser via une augmentation de loyer du Stade Bollaert-Delelis versée à la ville Lens, propriétaire de l'enceinte, qui devait ensuite reverser ce "surloyer" à la région.
Déjà contesté à l'époque par plusieurs élus, ce montage a fait l'objet d'une enquête de la Chambre Régionale des Comptes qui doit bientôt remettre ses conclusions. Mais la nouvelle majorité régionale et le club ont préféré prendre les devants et remettre les choses à plat. "Nous avons commencé le remboursement de cet emprunt et c'est le club qui va nous rembourser directement", nous a-t-on indiqué au cabinet de Xavier Bertrand, le président (LR) des Hauts-de-France. "On est en train de discuter avec le club pour fixer ces modalités de remboursement, avec des minima et des maxima à respecter, mais dans tous les cas, on aura une convention opérationnelle pour la saison 2017-2018."
Si l'emprunt pour la rénovation figure désormais au passif, la livraison du nouveau Stade Bollaert-Delelis dope aussi l'actif du club. Selon le rapport de la DNCG, les "autres immobilisations" (qui comprennent notamment les immobilisations corporelles) sont passées de 46,2 millions à 73,2 millions d'euros, ce qui permet à Lens d'afficher une situation nette positive de 40,2 millions. Pour autant, il s'agit surtout d'une présentation comptable car le stade ne constitue pas un actif monétisable. Si le RCL dispose du plein usage commercial de l'enceinte jusqu'en 2052 par le biais d'un bail emphytéotique, Bollaert appartient toujours à la Ville de Lens et ne peut être vendu par le club pour couvrir une dette.
Quelles perspectives pour la suite ?
La reprise du RC Lens par Solferino en mai dernier va permettre de stabiliser les finances après les tumultes du long feuilleton Mammadov. Les nouveaux actionnaires ont injecté 5,6 millions d'euros ce qui a permis notamment de recruter de nouveaux joueurs pour l'actuelle saison (Cristian Lopez, John Bostock, Adama Guira, Nicolas Douchez, Kevin Fortuné...), sans carcan de la DNCG, ce qui n'était plus arrivé depuis longtemps. Pour autant, il n'y a pas eu de folies et le recrutement s'est fait à bas coût.
Les ventes de Wylan Cyprien à Nice (estimée à 2 millions d'euros + pourcentage à la revente), de Jean-Philippe Gbamin à Mayence (annoncée à 5 millions) et de Taylor Moore à Bristol City (environ 2 millions) ont également rempli les caisses et permettront sans doute de couvrir une grande partie du prochain déficit d'exploitation. Le club a également signé de nouveaux contrats de sponsoring, notamment avec Auchan, qui devraient gonfler ses recettes commerciales.
Reste un enjeu majeur : celui de la montée en Ligue 1, synonyme d'un pactole financier assuré avec des droits TV autrement plus conséquents qu'en Ligue 2. Pour le moment, les Sang et Or tiennent le bon bout avec une 2e place à 10 journées de la fin. Mais le classement reste extrêmement serré. Si les joueurs d'Alain Casanova échouent à grimper à l'étage supérieur, les actionnaires devront soit mettre la main à la poche, soit vendre une nouvelle fois quelques uns des joueurs les plus cotés de l'effectif (Bourigeaud, Bostock, Duverne...).