100 ans de la radio - Radio Mercure, doyenne des radios libres de l'Oise : "l'antenne trafiquée était sur la balançoire"

La crise sanitaire empêche Radio Mercure de célébrer la Fête de la radio lancée par le CSA cette semaine, mais son fondateur nous raconte la naissance de sa radio associative et évoque ses ambitions pour l’avenir. Entretien. 

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Il y a 100 ans, la première émission de radio était diffusée depuis la Tour Eiffel. Il y a 40 ans, la bande FM était libérée. 2021 constitue donc un double anniversaire, que les radios françaises sont invitées à célébrer cette semaine pour la Fête de la radio, à l’initiative du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Mais dans l’Oise, Radio Mercure n’a pas les moyens d’y participer.

À cause du contexte sanitaire, l’association a placé ses deux salariés - le rédacteur en chef et son adjoint - au chômage partiel depuis le mois de mars. Malgré une trentaine de bénévoles, l’activité est réduite depuis plusieurs mois tandis que les deux têtes pensantes se concentrent sur l’organisation d’un futur événement : les 40 ans de Radio Mercure, le 18 juillet prochain.

Entre anniversaire national et préparation locale de la reprise, le fondateur (et rédacteur en chef adjoint) de la radio associative, Jean-Claude Saint-Pol, revient sur l’histoire et les ambitions de la doyenne des locales de l’Oise, fière de son "public d'âge mûr" (mais pas que !). Entretien.

Comment avez-vous lancé Radio Mercure ?

Jean-Claude Saint-Pol : J’allais avoir 20 ans. C’était au premier étage de la maison de mes parents à Villers-Saint-Sépulcre, dans ma chambre avec sa tapisserie à fleurs, que j’avais quand même traitée acoustiquement. J’avais cassé ma tirelire pour acheter un émetteur de 100W à 2000 francs et une antenne CB trafiquée installée sur le portique de la balançoire dans le jardin, puis finalement sur la cheminée, bien aidé techniquement par mon père.

J’ai ouvert l’antenne le samedi 18 juillet 1981, à 15h00. J’étais seul avec mes magnétophones à bande, mais dès le weekend suivant, j’avais deux animateurs ! Des gens qui avaient écouté et qui voulaient faire de la radio. L’équipe de bénévoles s’est constituée durant l’été et, dès septembre, on s’est constitué en association loi 1901.

François Mitterrand, tout juste élu, avait promis la libéralisation des ondes. Mais la loi n’allait être votée qu’en novembre. Racontez-nous cette transition.

Au début, on était juste toléré. On s’était octroyé une fréquence sur la bande FM, mais il fallait quand même officialiser notre présence…

Ce n’est qu’en janvier 82 qu’on a obtenu notre dérogation pour utiliser la fréquence. En 40 ans, on en changera 4 ou 5 fois, ça bouge toujours avec les radios qui disparaissent. Mais c’est de la rigolade quand on a connu les traces de pied de biche dans les studios, les CRS qui venaient confisquer le matériel. C’était à la fin des années 70, quand j’étais animateur sur une radio un peu anar. Deux jours après, on redémarrait grâce aux dons des auditeurs ! On planquait l’antenne, on surveillait à la fenêtre, dès qu’on les voyait revenir on rangeait tout.

Quelle est la raison d’être de Radio Mercure ?

Depuis le début, c’est de permettre aux gens de s’exprimer : j’ai installé un filet, aux gens de le remplir en venant partager leur passion. On vient avec ses disques (d’ailleurs on passe encore des CD et des vinyles) et ses invités, pour présenter une émission thématique sur le cinéma, le théâtre, l’astronomie, etc… Ce n’est pas une radio qui s’écoute toute la journée : chaque émission a son public, sa niche, comme Claude et Marcel qui ont plus de 80 ans et qui animent la même émission depuis près de 40 ans.

Et puis nous avons toujours voulu faire de l’événementiel. Dans les années 80, on enregistrait la messe de Noël à minuit et on la diffusait le matin pour les petits vieux qui n’avaient pas pu y assister. En 1985, on avait aussi négocié une véranda roulante pour externaliser le studio : c’était vachement bien !

Aujourd’hui, on a une belle équipe pour les événements sportifs, on peut faire du direct, cela fait des années qu’on suit Chambly et on essaye de faire Beauvais, à domicile comme en extérieur.

Selon le CSA, les radios françaises comptent 40 millions d’auditeurs, pour une moyenne de 2h45 d’écoute quotidienne. Connaissez-vous votre audience ?

Elle est mesurée, mais les prix pour accéder aux résultats ne nous permettent pas de la connaitre. Je sais juste que nous avons eu un creux entre 2010 et 2013, que ça s’est amélioré depuis que nous sommes installés à Beauvais et que, il y a trois ans, nous avions 6000 auditeurs quotidiens. Aujourd’hui, les podcasts représentent 50% de l’écoute, mais ce n’est pas l’audience qui nous anime. Sans publicité, on n’a pas de comptes à rendre.

Justement, comment la radio est-elle financée ?

Par des subventions du ministère de la Culture, mais elles sont réduites à peau de chagrin. Il n’y a plus de subventions locales. Nous avons de l’auto-financement avec un système d’adhésion de collectivités et d’associations en échange de quoi nous annonçons leurs événements à l’antenne, type thé dansant ou balade à vélo, mais les confinements cette année nous causent un gros manque à gagner.

Malgré ces contraintes, des nouveautés arrivent. Quels sont vos projets et vos rêves pour l’avenir de Radio Mercure ?

On est en pourparlers pour couvrir Le Blues autour du Zinc (un festival de musique à Beauvais, ndlr), une émission sur les musiques orientales est en préparation et on devrait enfin reprendre une émission de jazz qu’on a perdu il y a 30 ans grâce à un jeune professeur de musique. Il faut juste qu’on vérifie qu’il a un minimum d’éloquence avant de l’embarquer. On voudrait aussi recruter des animateurs pour des concerts, des pièces de théâtre diffusées en direct ou des créations de pièces radiophoniques.

Les gens demandent de la musique, des informations locales, pratiques, sportives, pas politiques. L’idéal serait de faire une matinale, mais il faudrait des équipes de reportage qui se lèvent à 4h00, avec des frais de déplacement ou un réseau de correspondants, d’autres gens pour colporter et monter les sons… Ça coûte des sous et c’est compliqué pour des bénévoles associatifs. Même une émission hebdomadaire, c’est une journée de boulot, de l’engagement. Il y a 40 ans, les gens se bousculaient. Aujourd’hui, ils ont d’autres chats à fouetter. Ou ils ont peur, "C’est une grosse radio, y’a des vieux, c’est pas pour moi...", alors qu’ils ratent des opportunités incroyables.

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