À la découverte des graffitis cachés du château de Pierrefonds : "au fil des siècles, beaucoup de personnes ont laissé des traces de leur passage"

Bâti à la fin du XIVe siècle, détruit, abandonné puis restauré par Viollet-le-Duc à partir de 1857, le château de Pierrefonds a eu plusieurs vies. Aujourd’hui encore, hors des circuits de visites ouverts au public, il recèle des pièces secrètes dont les murs sont couverts de graffitis. Les plus anciens datent du Moyen Âge.

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On dit que l’on pourrait remonter 500 ans d’Histoire rien qu’en déchiffrant les murs du château de Pierrefonds. Mais pas n’importe quels murs. Ceux des pièces cachées. Des pièces interdites aux visiteurs. "Il y a plein d’endroits inaccessibles au public, confirme Emma Bencteux, guide conférencière du château. Et dans certains de ces endroits, il y a des graffitis. Les plus anciens datent du Moyen Âge et de la construction du château. Si vous voulez voir, suivez-moi."

Des témoignages de la vie du château

Direction les fondations du premier château de Pierrefonds, édifié à la fin du XIVe siècle. De couloirs étroits en escaliers de pierres, nous voici dans la tour Artus dans les ruines du château construit par Louis d’Orléans à la fin du XIVe siècle. C’est l’une des parties les plus anciennes de Pierrefonds.

Au centre de la salle, protégé par une rambarde, le cachot qui descend à plusieurs mètres de profondeur. "Il y a trois cachots à Pierrefonds. Le prisonnier était descendu avec une corde, explique Emma qui se retourne et pointe du doigt des dessins gravés dans la pierre. Et regardez : ici, vous avez des graffitis. Ces personnages font partie des plus anciens graffitis que nous avons au château. Ils datent de juste après la construction de Pierrefonds. Là, vous avez un personnage en croix. Ce sont probablement les prisonniers qui gravaient ça sur les murs. Il y a beaucoup de dessins de pendus. Parce que la mort, c’était certainement ce à quoi ils pensaient le plus. Ça nous donne des indications sur la façon dont les prisonniers passaient le temps. Ils utilisaient les murs comme feuille de papier. Ils ont gravé la pierre avec toutes sortes d’outils : la pierre, c’est du calcaire, elle est dure, mais on arrive quand même facilement à la graver. Ça pouvait être un moyen de compter les jours, de compter les semaines et de compter les mois."

Changement de tour et changement d’époque. Nous voici plusieurs centaines d’années plus tard dans une salle de la tour Alexandre dont les murs de pierre blanche laissent voir des dessins aux contours noirs. "C’est une de mes salles préférées, avoue la jeune guide conférencière. Et ici, il y a plein de choses. Tout d’abord, ces têtes couronnées. Peut-être des rois de la fin du Moyen Âge, vu la forme de la couronne. On a aussi des visages qui sont esquissés, qui sont presque effacés. Et là-bas, vous pouvez voir des personnages nus. Ce ne sont pas des graffitis gravés comme ceux de la tour Artus. Ce sont des graffitis dessinés probablement au crayon ou au fusain. On ne sait pas d’où viennent ces dessins. Tout ce que l’on sait, c’est que des gens venaient visiter le château alors même qu’il était en ruines. L’accès n’était pas fermé ni protégé. À cette époque, on peut venir explorer les ruines."

Car au XVIIe siècle, Louis XIII ordonne sa destruction ainsi que celle d'autres places fortes appartenant à des princes opposants. C'est Richelieu qui sera chargé d'assiéger Pierrefonds et de détruire à coups de canon. Les tours sont éventrées, les bâtiments détruits, les planchers et les charpentes brûlés…

Pendant 200 ans, le château va devenir un vestige abandonné et ses ruines, un lieu de promenade romantique sur les pierres duquel on peut venir laisser une trace. "Ici, on n’est plus du tout au Moyen Âge. On est à l’époque moderne. Il y a des dessins dans cette salle qui sont du XIXe siècle. Regardez : dans l’encadrement de cette fenêtre, il y a des graffitis gravés, ceux-là, avec des dates et des prénoms : 1785, 1699, 1813… À ces dates-là, le château était en ruine."

Abri et hôpital pendant la Première Guerre mondiale

D’escaliers en escaliers, nous descendons dans les profondeurs du château pour visiter le deuxième niveau des caves où le temps s’est arrêté au moment du premier conflit mondial. Passé la grosse grille de métal qui s’ouvre avec une longue et vieille clé, Emma nous entraîne dans une salle voûtée. "Ici, vous avez un graffiti qui commémore les bombardements en août 1918 sur la ville de Pierrefonds au moment de la dernière offensive allemande. Les habitants de la ville étaient venus se réfugier dans le château."

Abri pour les civils, le château jouera aussi plusieurs rôles militaires au fil de la Première Guerre mondiale. Pour les découvrir, il faut prendre de la hauteur jusqu’au toit de la chapelle du château. Emma nous montre un graffiti sur lequel "il y a même la date : le 25 août 1918. C’est probablement un Américain qui l’a gravé. Il y a son nom au-dessus : Sanford. Pendant la première guerre, le château a servi de cantonnement pour les soldats français, mais à la fin de la guerre, il a servi d’infirmerie et d’ambulance pour les soldats américains. Il y a beaucoup de graffitis de soldats américains."

Les graffitis historiques sont une part de l’histoire intime du château. Il arrive qu’Emma en découvre encore de nouveaux en se promenant dans le dédale de cette forteresse rebâtie par Viollet-le-Duc. Des traces du passé que l’équipe du château protège et garde secrète. Mais restez à l’affût, car de très rares visites sont parfois organisées. Et si vous venait l’envie de laisser votre propre trace sur l’un des murs de ce monument historique classé comme le font malheureusement certains visiteurs, sachez que ce genre de dégradations est strictement interdit et puni par la loi.

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