Sauver le château de Bouillancourt-en-Séry, une forteresse du 13ᵉ siècle, située dans la Somme : c’est le défi fou que s’est lancé une famille picarde. Après avoir été lauréat du Loto du patrimoine et quatre années de travaux, le public fréquente à nouveau les lieux, en cette fin d’année 2024. Retour sur un chantier hors norme.
Racheter un château, non pas pour y vivre, mais pour l’ouvrir à tous. Tel est le projet de Vincent et Fabienne de Lardemelle, en 2020, lorsqu’ils achètent le château de Bouillancourt-en-Séry, situé au cœur d'un village d’environ 535 habitants dans la Somme, à quelques kilomètres de la Seine-Maritime.
Rapidement, les nouveaux propriétaires comprennent que la tâche sera rude. En novembre 2023, ils se retrouvent par exemple avec une toiture percée et un étage inondé. "Parfois, je me demande si je suis dans un château ou dans un bateau qui coule", ironise Vincent de Lardemelle, seau à la main, en train d’écoper inlassablement.
Je n’avais pas mesuré l’urgence. Je ne pensais pas qu’à quelques années près, on pouvait tout perdre. Ça fait de la peine, quand tu vois des plafonds magnifiques comme ça qui sont en train de se dégrader.
Vincent de Lardemelle, propriétaire du château
Un défi technique et financier
Pour sauver la charpente et la toiture, datée du 18ᵉ siècle, la famille picarde compte sur plusieurs entreprises locales. Durant huit mois, différents corps de métiers se relaient et travaillent d’arrache-pied.
Tous les artisans saluent le projet : "Il fallait penser à le faire avant que ça se dégrade vraiment. Des chantiers comme ça, ça marque, on ne fait pas ça tous les jours. On s’en rappellera", sourit Sébastien Larobe, artisan couvreur. "Il faut le préserver, il n’y a plus beaucoup de châteaux dans le coin", acquiesce Thierry Briffard, maçon.
Montant total des travaux : plus de 930 000 euros. Les propriétaires ont investi 220 000 euros de leur poche et ont ensuite trouvé différents financements : 300 000 euros de la part de la fondation du patrimoine et de la mission Berne, 20 000 euros par la fondation Airbnb, le reste vient de la DRAC et la région.
Au début de l’été 2024, le chantier se termine. "On est super contents du résultat", se satisfait Vincent de Lardemelle. "Les jours de pluie, je viens et j’écoute. La dernière fois, la pluie tombait et il n’y avait pas une goutte dans les tours, c’était formidable."
"Avant, c'était une course contre le temps car, chaque jour, le château se dégradait. Maintenant, c’est différent, on peut regarder les choses de manière plus sereine. On peut se dire qu’on fera des travaux dans deux, trois ou quatre ans. Le lieu est sauvé et protégé. Pour l’intérieur, on va prendre le temps de l’imaginer et de le faire."
Un tiers-lieu ouvert à tous
Depuis la fin des travaux, les lieux sont animés : une association réalise de la permaculture, une épicerie participative est accessible à tous, des artistes et artisans viennent en résidence, tandis que des visiteurs louent un hébergement à la nuit. Grâce à la fondation Airbnb, la flamme olympique, portée par Fabienne de Lardemelle, fait même étape au château.
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Insuffisant pour les propriétaires. Ils veulent voir davantage de personnes franchir les grilles du château et imaginent diverses animations : festival musical "Jardins en scène", soirées contes, visites guidées ou éclairées à la bougie avec les commentaires d’un historien...
"Quand j’arrive ici, je ne sais pas qui je vais trouver, c’est génial", assure Fabienne de Lardemelle.
Le château est en train de devenir un terrain d’expérimentation.
Fabienne de Lardemelle, propriétaire du château
"Ce château n’est pas à nous, il appartient à tous, c’est notre projet d’ouverture", martèle Vincent de Lardemelle. "On a le sentiment d’être pas grand-chose dans l’histoire de ce château. Il date du 13ᵉ siècle : il a vu bien d’autres propriétaires et il en verra d’autres après moi", conclut humblement Vincent de Lardemelle.
De nouveaux projets sont en cours, comme la transformation de l’écurie en un restaurant. De quoi assurer un bel avenir à cette bâtisse du Moyen Âge.
Avec Dominique Patinec / FTV