Datée du XIVᵉ siècle, la tour Montmignon à Friville-Escarbotin est menacée de démolition. Rongée par la mérule, elle présente un risque pour la commune. Et les travaux de réhabilitation sont trop chers. Une association de sauvegarde du patrimoine de la Picardie maritime a donc lancé une campagne de dons pour sauver ce témoinde l'histoire locale.
Les gargouilles de la tour Montmignon veillent sur Friville-Escarbotin depuis le XIVᵉ siècle, mais leur avenir est en sursis. Des désordres architecturaux fragilisent l'édifice depuis une quinzaine d'années. Mais c'est surtout la mérule qui voue la bâtisse à la démolition.
"Il y en a partout. Elle a mangé tout l’escalier. Il est à terre. Elle est montée jusqu’à la toiture et je ne veux pas que la toiture s’en aille parce qu’elle est neuve. C’est pour ça qu’on a condamné les fenêtres et les portes. Pour pas que ça se propage en dehors de la tour", explique Nicole Moret, maire de la commune.
Une facture de travaux trop lourde
Des devis pour les travaux ont été faits. Pour gratter le champignon, traiter le bâtiment et en reconstruire l'intérieur, la facture s'élève à 890 000 euros. Trop cher pour une petite commune comme Friville-Escarbotin. Le conseil municipal a voté la démolition de la tour Montmignon au printemps dernier. À contrecœur. "C’est vrai que ça me ferait mal de la voir partir quand même. J'ai l'espoir qu'on puisse la garder, avoue Nicole Moret. C’est toute une histoire. C’est un patrimoine. Il y a beaucoup de personnes qui la connaissent depuis toujours et qui l’ont connue quand elle était belle. Ça a été un peu tout : un presbytère, la bibliothèque avant qu’on ne la transfère à la mairie. Ça représente beaucoup pour les gens. Beaucoup m’ont dit qu’il ne fallait pas démolir, mais je leur explique que tout l’argent que je vais mettre là-dedans, je ne vais pas pouvoir le mettre ailleurs. Et pour le moment, on n'a que les moyens pour la démolir."
D'autant que la tour est contiguë à la salle municipale qui accueille le club des aînés tous les mardis après-midi. Une salle qui risque des dommages si des morceaux de l'édifice tombent. Il y a donc urgence. À démolir ou à réhabiliter. À condition de trouver les fonds.
Jean-Mary Thomas, président d’une association de sauvegarde du patrimoine de la Picardie maritime, veut essayer de sauver le bâtiment pour plusieurs raisons. C'est d'abord le plus ancien édifice historique de la commune, les autres datant tous du XIXᵉ siècle. "Il y a aussi un fait intéressant, mais on n’a que deux témoignages : il y aurait eu à l’intérieur un bas-relief représentant une bataille entre les habitants et ce qui semblait être des soldats. Ces soldats seraient des Anglais et des mercenaires. Apparemment, ce bas-relief aurait représenté une bataille locale en lien avec la bataille d’Azincourt de 1415", révèle Jean-Mary Thomas.
Un patrimoine local à la valeur sentimentale
Après en avoir discuté avec la maire, il parvient ainsi à la convaincre de lui donner un peu de temps pour réunir de l'argent grâce à une campagne de promesses de dons. "On ne peut pas laisser tomber cet édifice comme ça. Il n'a peut-être rien d'extraordinaire, mais il a un petit peu d'allure avec ses deux gargouilles et sa tour ronde. Mais le mettre par terre, ça me paraît un petit peu dur."
Demeure seigneuriale jusqu’à la révolution, elle devient, sous l'Empire, l'atelier où est fabriquée l'une des pièces maîtresses des métiers à tisser dont les plans ont été volés en Angleterre par les espions de Napoléon pendant le blocus continental. La tour devient le presbytère, l'école de filles, la bibliothèque municipale et un syndicat de l’initiative jusqu'à il y a une quinzaine d'années.
Pour les Escarbotinois, la tour Montmignon a la valeur sentimentale du patrimoine local. "Ici, la tour Montmignon, c’est d’abord un repère dans le paysage, raconte Anne Mancaux, qui a grandi à Friville-Escarbotin. Et puis c’est un patrimoine sentimental pour beaucoup d’Escarbotinoises parce que la tour est liée à l’école de filles voisine et donc à l’enfance. L’intérêt de cette tour aussi, c’est qu’elle nous montre qu’Escarbotin existe depuis longtemps. Et ce sont nos racines. Quel que soit notre âge. Je pense que si cette tour tombe, il y a tout un pan de l’affect des gens qui l’ont connue qui tombe aussi."
La campagne de promesse de dons doit créer une dynamique de mobilisation. Pour ensuite obtenir des financements auprès de la Fondation du patrimoine. Et lever 700 000 euros. La mairie a donné jusqu'à fin novembre à l'association pour récolter des dons. La fin de l'année devrait sceller l’avenir de la Tour Montmignon.
Avec Paul Thiry / FTV