Plus de 40 jours de grève pour 32 salariés du groupe Gima Agko qui refusent le reclassement proposé par l’entreprise. La direction a décidé de supprimer les postes des weed-ends et des jours fériés pour les requalifier la semaine. Les grévistes dénoncent un plan au rabais.
Un baraquement fait de bois de palettes, des fauteuils, des tables, une télévision écran plat… Des salariés ont installé ce piquet de grève, au confort relatif, depuis déjà plus de 40 jours. Preuve qu’ils ont décidé de tenir devant leur usine Gima Agko, un groupement international de mécanique agricole.
Un plan de requalification professionnelle
L’entreprise fête ses 30 ans cette année et emploie 750 salariés. Situé à Beauvais, le site partagé entre Agco et Gima représente le plus grand employeur privé de l’Oise. Ici, les salariés fabriquent des boîtes de vitesses pour les tracteurs. Mais depuis le 25 mai dernier, 32 salariés grévistes ont cessé le travail. Ils protestent contre la suppression de leurs postes les week-ends et jours fériés. La direction a décidé de repositionner le contrat de ces salariés en semaine. "Vu notre niveau de commande, l’activité de production du week-end n’est plus justifiée. On a la chance de pouvoir leur proposer des postes en semaine pour maintenir les emplois et les compétences", se justifie Arnaud Mouchy, directeur des ressources humaines de l’entreprise Gima.
Avec ce reclassement en semaine, on va se retrouver en bas de l’échelle.
Yvan Dolique, technicien d’atelier gréviste
Pour ces salariés, rencontrés sur le piquet de grève, ce plan de reclassement va entraîner une perte de rémunération et de qualification. "Avec ce reclassement en semaine, on va se retrouver en bas de l’échelle", déplore Yvan Dolique, technicien d’atelier. "Ce que veulent les salariés, c’est garder leur emploi, qu’ils soient reconnus comme professionnels. Là, on va les reclasser à des postes basiques, type balayeurs. C’est lamentable", ajoute Laurent Dormard, délégué syndical CGT.
Je vais aller voir mon banquier et lui dire que je perds 600 euros de salaire ? Ce n’est pas sérieux.
Habib, usineur qualifié gréviste
Habib a 30 ans d’ancienneté, il est usineur qualifié et depuis l’annonce de la direction, il craint de ne plus pouvoir joindre les deux bouts. "Je vais aller voir mon banquier et lui dire que je perds 600 euros de salaire ? Je vais lui demander de réduire mon crédit de maison ? Ce n’est pas sérieux."
Christophe, 17 ans d’ancienneté, le dernier salarié embauché aux postes du week-end, craint la dégradation de ses conditions de travail. "Je travaille sur une ligne entière, je fais mes montages, ma production et je forme des intérimaires. Là, je vais me retrouver à un poste toute la journée où je ne vais pas être actif. Je n’aurai plus d’évolution possible."
Les propositions des syndicats
Pour les syndicats, la situation est incohérente. "L’année dernière, en 2023, on a fait une année record avec 26 000 pièces et là, on nous annonce 16 000. La crise est là, mais on a proposé de mettre les salariés en activité partielle pour maintenir leur poste le week-end. La direction a refusé", explique Laurent Dormard, qui fait référence à l’année 2009, lorsque l’entreprise avait dû faire face au même scénario de baisse d’activité. Les équipes du week-end avaient alors été placées en chômage partiel durant 14 mois.
Face à une direction inflexible, les syndicats ont formulé plusieurs propositions : préserver les contrats du week-end en changeant de poste de travail, organiser un plan de formation et maintenir les salaires et les qualifications malgré le reclassement. Mais la direction a refusé toute négociation, invoquant un souci d’équité. "Si nous maintenons le salaire week-end des équipes d’usineurs qui viennent de l’assemblage et qui passeront en semaine, il y aura un différentiel de 400 euros par rapport aux collègues qui font la même chose. Je vais avoir 200 salariés devant mon bureau qui vont faire la queue pour me demander une augmentation. C’est ingérable", se défend le directeur des ressources humaines.
Des soutiens officiels
Les salariés en cours de requalification ont jusqu’au 20 juillet pour refuser l’offre. Passé ce délai et sans réponse de leur part, la direction considère que l’offre est acceptée. Les grévistes devront alors signer un avenant à leur contrat pour un retour au travail en semaine. À trois jours de l’échéance, les grévistes espèrent encore une sortie de crise. Ils sont soutenus par le maire de Beauvais, Franck Pia et la présidente de la communauté d’agglomération du Beauvaisis, Caroline Cayeux. Ils ont tous deux signé un courrier, envoyé à la direction de Gima, dans lequel ils "sollicitent en urgence une suspension de la procédure en cours et une prolongation du délai de réponse initialement prévu d’un mois, permettant d’appréhender sereinement la suite des discussions."
Malgré ces oppositions, la direction campe sur ses positions et refuse de suspendre la procédure. À quelques jours des congés prévus le 25 juillet pour tous les salariés, la tension monte pour les grévistes.
Avec Naim Moniolle et Ambre Crozet / FTV