L'équipe nationale chinoise de breaking, discipline connue du grand public sous le nom de breakdance, a élu domicile à Beauvais jusque fin septembre. Ce stage intensif, dirigé par l'une des figures de la discipline, Mounir Biba, installé dans la ville, permet à l'équipe de découvrir les grandes compétitions internationales.
Allongés sur des tapis, dans l'Elispace de Beauvais, de jeunes sportifs s'étirent pendant que d'autres plaisantent. L'ambiance est bon enfant, on se croirait presque en colonie de vacances. Presque. Car ce groupe d'athlètes chinois est ici pour préparer les Jeux olympiques en breaking.
Dans ce gymnase, pendant deux mois, 13 danseurs suivent un stage d'été. Huit font partie de l'équipe nationale. Les cinq autres ont été sélectionnés parmi les espoirs les plus prometteurs. Le rythme est intense, mais si des rires fusent souvent, c'est parce que ses membres sont très jeunes. 18 ans en moyenne quand le plus jeune n'a que 13 ans.
Beauvais, la ville de Mounir Biba
Ces athlètes n'ont pas choisi de s'installer provisoirement à Beauvais par hasard. La ville est d'abord celle où habite leur entraîneur, Mounir Biba. Il est le plus titré en France, et a aussi remporté 13 titres mondiaux.
Si Mounir Biba se déplace régulièrement en Chine où un programme d'entraînement a débuté en janvier 2022, il tient aussi à ce que son équipe fasse le déplacement jusqu'en France, chaque été. "Ce sont des jeunes, la plupart ne sont jamais sortis de Chine, explique-t-il. Et pour l'équipe principale, il y a encore un an, ils n’étaient jamais sortis de Chine". Alors leur entraîneur a voulu qu'ils puissent participer à des compétitions internationales en amont des Jeux olympiques avant de faire face à des athlètes plus aguerris à ce genre d'expérience. "C'est extrêmement important qu'ils puissent sentir l’énergie, rencontrer d’autres danseurs internationaux reconnus, qu’ils puissent se confronter à eux et aussi se rendre compte de leur potentiel et savoir où ils en sont individuellement aujourd'hui", ajoute Mounir.
Le planning est donc chargé : Slovaquie, Pays-Bas, puis Portugal et enfin Belgique fin septembre pour les championnats du monde, avec la possibilité de se qualifier directement pour les JO. Des compétitions et une évolution suivies de près par Toufik Elhayani, qui filme au quotidien les danseurs pour un futur documentaire. Son teaser montre l'intensité et l'ambiance que les athlètes sont venus chercher ici.
Développer la culture du breaking en Chine
Rien n'est donc laissé au hasard dans la préparation du groupe. Chaque exercice est réfléchi. En cercle, les danseurs s'avancent un par un au centre et doivent enchaîner les pas, se dirigeant tour à tour, vers des plots de couleurs différentes. "Green ! Grey !", crie Mounir Biba, alors que la traductrice s'empresse d'énoncer les couleurs en Chinois... L'exercice est conçu pour apprendre à utiliser tout l’espace, à travailler sur le volume et à ne pas rester statique. "L'origine du breaking, c'est le cercle, raconte Mounir Biba. Il faut apprendre à l’utiliser, dialoguer avec tout le monde et pas seulement avec son adversaire."
Les jeunes athlètes écoutent attentivement, car c'est ce qu'ils sont venus chercher auprès de leur entraîneur expérimenté. La discipline est encore récente dans leur pays et ils ont donc du retard à rattraper. "Mounir Biba travaille très dur, et il sait à la fois enseigner le breaking et travailler la condition physique, estime le manager adjoint de l'équipe, Hawking Liu. En Chine, dans le programme olympique, le gouvernement met davantage l’accent sur l’entraînement physique, ce qui n’est pas le cas des autres équipes nationales..."
Un programme unique 100% dédié au breaking
Quand elle a su que le breaking s’inscrirait au programme des Jeux olympiques, en tant que sport additionnel, la Chine n'a pas lésiné sur les moyens. Le premier programme totalement dédié au breaking a vu le jour. Pendant ce stage d'été par exemple, les athlètes s'entraînent du lundi au samedi, à raison de 6 heures par jour. Et l'équipe qui les entoure n'hésite pas à faire appel à des intervenants extérieurs pour s'inspirer de cascadeurs, apprendre à gérer son stress, sa respiration ou encore expérimenter de nouvelles techniques. Ce jour-là, deux coachs sportifs débarquent avec une valise. À l'intérieur, des vestes et des shorts contenant des électrodes. Elles vont stimuler les fibres musculaires. Une trentaine de minutes de pratique équivaut à 3 à 4 heures de sport...
Une vision tournée vers l'avenir
Avec ce programme novateur, la Chine a lancé un pari sur l'avenir. Le but est d'obtenir les meilleurs résultats possibles l'an prochain, mais également de préparer la suite. Cette philosophie, misant sur la jeunesse, a séduit Mounir Biba, qui avait commencé à collaborer avec le pays dès fin 2019. "Ils ont des ambitions qui collent aux miennes, j’ai la chance de travailler dans de bonnes conditions et d’avoir carte blanche, c'est très agréable", confie-t-il.
Pour le moment, les résultats de ces dernières semaines ont agréablement surpris l'entraîneur, mais le chemin reste long. Durant la compétition de breaking aux Jeux olympiques, seuls 16 B-Boys et 16 B-Girls s’affronteront dans des battles. En attendant, les danseurs chinois suscitent l'admiration des jeunes Beauvaisiens. Ils se produiront mardi 22 août sur le parvis de la cathédrale pour une démonstration.
Des centres sociaux et centres de loisirs pourront également profiter de leur venue. Sans parler des retombées en termes d’image. "Les JO, ce sont d’abord des disciplines sportives qui sont réalisées dans tous les pays et notre rôle puisqu’on accueille les JO, c'est de pouvoir être ouvert sur tous les pays", estime le maire de la ville, Franck Pia. Les centres de préparation sont ouverts à toutes les délégations étrangères et je dirais que c'est aussi un élément très fort d’attractivité pour notre territoire parce que les Chinois sont d’ailleurs très contents d’être à Beauvais et de pouvoir visiter la capitale."
Les coupoles et les freezes donneront peut-être l'envie à de jeunes danseurs de découvrir le breaking, car Mounir Biba, qui s'est officiellement battu pour l'intégration du breaking aux Jeux olympiques, voit bien plus loin que 2024.