"Emmerder" les non-vaccinés : les dessous de l'entretien polémique d'Emmanuel Macron avec Olivier Beaumont, journaliste au Parisien

Les prises de position d'Emmanuel Macron publiées par Le Parisien mardi 4 janvier ont nourri la polémique jusque sur les bancs de l'Assemblée. Olivier Beaumont, grand reporter politique pour le quotidien et originaire de Beauvais revient sur les propos du président de la République.

"Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder" : un entretien de six pages dans le journal Le Parisien et cette citation mise en exergue auront suffit à enflammer l'hémicycle. Depuis leur publication mardi 4 janvier, les propos d'Emmanuel Macron ont secoué entre autre l'Assemblée nationale où était examiné en première lecture le projet de loi sur le pass vaccinal - depuis adopté à 214 voix pour et 93 contre.

Alors qu'élus de tous bords y vont de leur réaction, nous avons demandé à l'un des journalistes auteurs de l'article de revenir sur sa production. Olivier Beaumont est grand reporter politique pour le quotidien et originaire de Beauvais. 

Un président ne devrait pas dire ça ?

Olivier Beaumont : "Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron tient ce genre de propos. Il est habitué à avoir parfois un langage soutenu, parfois un langage familier. Quand vous parlez avec ses collaborateurs ou ceux qui le connaissent très bien, ils le disent : dans les cercles privés, c'est quelqu'un qui peut avoir facilement un langage assez charretier. Quelque part, il a dit les choses comme il les pensait. Et je le rappelle, c'est un exercice face à des Français, pas quelque chose de très formaté comme ça peut l'être lors d'une interview avec des journalistes."

Justement, quel est le contexte de ces propos ?

OB : "Il a face à lui sept lecteurs du Parisien-Aujourd'hui en France. Il y avait une aide-soignante, une enseignante, un retraité, un agriculteur... Donc il y a plusieurs thématiques qui ont été abordées, notamment la question de la crise sanitaire et cette infirmière qui interroge plusieurs fois le chef de l'Etat sur la situation de l'hôpital et de tension dans les services de réanimation.

[…] Emmanuel Macron, dans cette conversation qui a duré en tout deux heures, à un moment donné il partage, il est en empathie avec ces lecteurs. Il finit par se lâcher. Il a cette phrase, ce mot : "Je n'ai pas fini de les emmerder." Il le dit plusieurs fois dans l'interview. Ça arrive à la fin d'une démonstration. Il explique effectivement la politique qu'il a depuis le printemps dernier avec l'instauration du pass sanitaire. Le deuxième temps a été les tests gratuits qui sont devenus payants. Le troisième acte pour lui est effectivement le pass vaccinal."

S'exprime-t-il comme un président ou comme un candidat ?

OB : "C'est une interview qui intervient dans un contexte qui est très particulier: on est à quatre mois de l'élection présidentielle. D'ailleurs, dans cette interview il balaie d'autres sujets, que ce soit sur l'Europe, mais aussi la situation de l'éducation - il fait des propositions en ce sens pour les enseignants. Il évoque aussi la situation sécuritaire et le climat politique avec la montée des extrêmes, particulièrement de l'extrême-droite aujourd'hui en France.

C'est un premier acte d'une campagne. Il le dit d'ailleurs dans cette interview. Il dit qu'il n'y a pas vraiment de suspens, qu'il a très envie d'y aller. On sent qu'il a des fourmis dans les jambes. Il est dans une dichotomie aujourd'hui. C'est très compliqué, il a encore ses habits de président de la République, pas encore tout à fait ceux de candidats. En tout cas, cette interview est un pas de plus vers la candidature."

Dérapage ou stratégie politique ?

OB : "Quand il tient cette phrase, Emmanuel Macron n'oublie pas de faire de la politique. Qu'est-ce qu'il voit aujourd'hui ? C'est qu'il y a 91% des Français qui sont vaccinés. […] Lui, il joue la majorité de l'opinion. Il se dit qu'il y a 91% des Français qui sont pour le pass vaccinal, ou en tout cas qui se sont fait vacciner et des Français qui ne voient pas pourquoi ils auraient à subir les contraintes que d'autres leur font porter. Notamment par rapport à la situation de saturation aujourd'hui dans les hôpitaux.

Donc là, il envoie un message politique fort. Je pense qu'il crante aussi son électorat qui, lui, est très favorable au pass sanitaire. C'est aussi une façon d'obliger les oppositions, notamment Les Républicains qui ne se sont pas clairement positionnés par rapport aux anti-vax aujourd'hui. Il les force à prendre position par rapport à ça."

Au final, une opération gagnante ?

OB : "Il y a une polémique mais ça le met au centre du jeu. On ne parle que de lui aujourd'hui, de cette phrase. Je pense qu'après coup, on dirait que c'était plutôt un bon coup politique. En tout cas, c'est clairement comme ça que c'est ressenti au niveau de l'Elysée."

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