En mars 2023, Bois-Larris, un centre de médecine physique et de réadaptation pour enfants situé à Lamorlaye dans l'Oise, fermait ses portes après la découverte d'une fissure menaçant la structure du bâtiment. Depuis, les parents des petits patients attendent une solution de soins adaptée à leurs enfants. La direction du centre dit attendre des directives que l'ARS affirme lui avoir déjà clairement signifiées il y a plusieurs mois.
C'est un petit garçon au regard et au sourire malicieux. Un petit garçon qui cache sa gomme dans son chapeau pour faire rire sa maman qui l'aide à faire ses devoirs. À bientôt 8 ans, Ewenn est atteint de troubles moteurs depuis sa naissance. Des troubles qui nécessitent une prise en charge lourde en rééducation, en psychomotricité, en sport adapté et en ergothérapie. Depuis qu'il a 1 an, Tifenn, sa maman, faisait plusieurs fois par semaine la route de leur domicile de Pont-Sainte-Maxence dans l'Oise. Appelé Bois-Larris, ce centre, géré par la Croix-Rouge, a fermé subitement en mars 2023 à la suite d'un arrêté de "péril et de désordre immédiat de bâtiment" : une fissure menaçait de faire s'effondrer l'édifice.
À Bois-Larris, c’est eux qui s’occupaient de tout. Ils nous mettaient aussi en relation avec les chirurgiens orthopédiques de Robert Debré. Ils faisaient les prescriptions orthopédiques (...) Aujourd’hui, on ne sait même pas où se diriger.
Tifenn Daflon, maman d'Ewenn
Cette fermeture, Tifenn Daflon, comme la majorité des parents, dit l'avoir apprise par hasard, "par les réseaux sociaux ou le bouche-à-oreille. Mais on n'a pas été prévenus." Ewenn a été redirigé vers un Sessad à Creil, déjà surchargé : "ils n’ont pas beaucoup de moyens humains, explique-t-elle. lls se débrouillent comme ils peuvent : si on a besoin d‘appareils, les appareilleurs viennent au Sessad mais ça se limite à ça. S'il faut une consultation avec un médecin, c'est compliqué. Ça devient compliqué pour eux aussi à gérer. Ils ont trop d'enfants. À Bois-Larris, c'est eux qui s'occupaient de tout et qui venaient vers nous pour nous dire qu'ils avaient pris tel ou tel rendez-vous. Ils nous mettaient aussi en relation avec les chirurgiens orthopédiques de Robert Debré. Ils faisaient les prescriptions orthopédiques : les orthèses pour les jambes d'Ewenn et le matériel pour qu'il puisse se déplacer. Les appareilleurs venaient à Bois-Larris pour faire les moulages sur Ewenn et faire les choses sur-mesure. Aujourd'hui, on ne sait même pas où se diriger".
Une offre de soins de haute qualité
Certains enfants ont été pris en charge dans des départements voisins, obligeant les parents à faire des centaines de kilomètres chaque semaine. D'autres encore sont suivis dans des centres de rééducation dont les pratiques ne sont pas adaptées aux enfants, "une perte de chance et d'autonomie", estime Tifenn.
Analyse quantifiée de la marche, exosquelette, école spécialisée... L'offre de prises en charge de Bois-Larris était l'une des meilleures de France en termes de rééducation fonctionnelle adaptée à l'enfant. Le centre accueillait plus de 1 000 enfants en hospitalisation ambulatoire ou en hospitalisation complète, jour et nuit. Depuis la fermeture, Tifenn n'a plus aucune nouvelle du centre malgré ses demandes écrites. Avec d'autres parents, elle a créé un collectif pour savoir si une offre de soins de la même qualité va bientôt être réorganisée : "on ne se bat pas forcément pour que le centre rouvre. On se bat pour que cette offre de soins reprenne peu importe où, que ce soit dans l'Oise ou dans le Val-d'Oise. Parce que dans les Hauts-de-France, il n'y a rien d'autre. Nous, on veut des solutions pérennes".
La réouverture de Bois-Larris est pourtant l'un des deux scénarios envisagés par la direction du centre. Mais la facture s'élèverait à 20 millions d'euros et le centre ne pourrait être à nouveau opérationnel qu'en 2027. "Donc ça ne peut pas être une solution à court terme, avoue Loubna Terbak, la directrice du centre. Il y a une autre solution que nous avons proposée à l'agence régionale de santé : on pourrait poursuivre les hospitalisations de jour, les hospitalisations en ambulatoire dans les Hauts-de-France, dans un site qui serait à identifier ensemble. Et mettre en place une activité d'hospitalisation complète dans l'hôpital pour enfants de Margency qui appartient à la Croix-Rouge française et qui se trouve à un peu moins d’une demi-heure de Bois-Larris. Pour pouvoir étudier cette piste et éventuellement lancer les diagnostics, nous avons besoin de savoir quelle orientation souhaitent donner les autorités compétentes à ce projet."
Dialogue de sourds
Un projet présenté fin 2023 à l'ARS qui a aussitôt opté pour la réhabilitation du site. Contactée par mail il y a quelques jours après les déclarations de Loubna Bertak, l'agence régionale de santé des Hauts-de-France a réaffirmé sa position : "La demande formulée par l'ARS est la réactivation de l'ensemble de l'activité sur le site de Lamorlaye. Aucune autre piste n'est à ce stade en discussion avec la Croix-Rouge".
Quant à la demande de soutien financier, la réponse de l'ARS est tout aussi claire : "L'engagement de l'ARS sur un tel montant n'est absolument pas une condition pour réinvestir le site de Bois-Larris, nous explique-t-on dans le même courriel. Tous les établissements de santé sont responsables du bon entretien et de la mise en sécurité des bâtiments qui accueillent des patients. Ils disposent pour ce faire, dans le budget alloué chaque année par l’ARS, de crédits destinés à assurer cet investissement courant."
L'ARS finançait en effet Bois-Larris à hauteur de 8 millions d'euros par an. Malgré la fermeture, 6 millions ont été versés au centre en 2023 pour effectuer la mise en sécurité du bâtiment. "Pour poursuivre ce que nous avons pu poursuivre comme la scolarisation des enfants grâce au prêt d'un local par M. le maire de Lamorlaye" jusqu'à la fin de l'année scolaire 2023, précise Mme Bertak.
Mais l'ARS reste ferme et demande la réactivation de l'ensemble de l'activité à Lamorlaye. Aucun financement public n'est à l'étude. Et aucune autre rencontre entre les deux parties n'est prévue selon l'agence régionale de santé.
Des parents épuisés
Nous avons envoyé à la direction de Bois-Larris les réponses de l'ARS à nos questions. Loubna Bertak maintient malgré tout que la Croix-Rouge "confirme travailler en étroite collaboration avec les autorités administratives et sanitaires. Elle les remercie pour leur soutien indispensable à l'émergence de la meilleure solution qui nécessitera leur approbation finale."
En attendant, les enfants de Bois-Larris sont pris en charge de manière "moindre par rapport à ce dont ils ont réellement besoin", déplore Tifenn. En avril, elle partira 15 jours avec Ewenn dans un centre de rééducation adaptée à l'enfant dans les Landes à ses frais. Le petit garçon est déjà allé deux semaines dans le Nord et trois semaines en Allemagne pour de la rééducation intensive. "Je suis en colère. Parce qu'on abandonne ces enfants. La situation au quotidien est déjà compliquée. C'est compliqué de devoir toujours se battre. C'est compliqué de devoir toujours trouver des solutions. Et là, en fait, on nous laisse comme ça : 'débrouillez-vous'. On nous demande toujours d'aller au-delà de nos limites et on est épuisés. Ce sont des enfants. Ils n'ont rien demandé. Ils ne méritent pas ça", conclut-elle, des sanglots dans la voix.
Avec Claire-Marine Selles / FTV