Dans le cadre du projet de Loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS), des députés de gauche ont déposé un amendement prévoyant d'augmenter la taxe sur les produits brut des jeux de hasard, dont les paris hippiques. Une décision qui ferait perdre plusieurs dizaines de millions d'euros à une filière dépendante de cette ressource. Les professionnels du secteur annoncent une manifestation à Paris le 7 novembre prochain.
Annoncée par le gouvernement en septembre, puis retirée, l'augmentation de la taxe sur les paris hippiques a refait son apparition lundi 28 octobre à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de Loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) via un amendement déposé par quatre députés du groupe Ecologiste et Social. Une mauvaise surprise pour les professionnels des courses de chevaux.
Le texte, qui souligne que "le produit brut des jeux du marché en ligne a connu une hausse de 11% au premier semestre 2024", prévoit de faire passer la taxe sur les produits bruts des jeux des paris hippiques dans le réseau physique (PMU, hippodromes) de 6,9% à 7,5% et de 6,9% à 15% pour les paris en ligne.
Entre 20 et 50 millions d'euros de manque à gagner
Dès le lendemain, France Galop, la Société d'encouragement à l'Élevage du Trotteur Français (SETF) et la Fédération des Courses Hippiques (FNCH) exigeaient dans un communiqué "le retrait immédiat de l’amendement (...) qui met en péril l’activité de plusieurs centaines d’acteurs agricoles, d’éleveurs et d’entraîneurs."
Le manque à gagner lié à la hausse des taxes pourrait atteindre entre 20 et 50 millions d'euros, selon les sources. Une somme non négligeable pour une filière qui dépend en grande partie des recettes du PMU, via les allocations versées aux professionnels (primes à l'élevage et prix de courses).
"Je crains la disparition de la filière", s'indigne Henri-François Devin. Pour cet entraîneur cantilien, c'est l'équilibre économique qui est en jeu : "On est déjà très lourdement imposés. Depuis la Covid, on a subi des hausses conséquentes sur les matières premières, comme le fourrage, le grain, les aliments. On n'a pas de marge et on aura beaucoup de mal à répercuter nos coûts sur nos clients, dont on a les chevaux en pension".
66 000 emplois menacés selon les professionnels
Même sentiment chez son confrère Julien Philippon : "Depuis dix ans, on a réussi à tenir en maîtrisant les coûts d'organisation des courses. Mais les allocations ont augmenté moins vite que l'inflation, alors que nos frais ont pris +50%. L'alourdissement de la fiscalité peut mettre toute la filière à feu et à sang".
Ces deux entraîneurs s'inquiètent pour la pérennité de leurs activités, dont dépendent leurs salariés et autant de familles. Selon l'Institut français du cheval et de l'équitation, la filière emploie près de 66 000 personnes en France, dont 29 000 dans les courses, auxquels s'ajoutent les emplois indirects (producteurs de céréales, transporteurs etc.).
"C’est plein de gens qui se lèvent tous les jours pour aller bosser comme des malades, ce ne sont pas uniquement des beaux chapeaux les jours de Grands prix", rappelle Eric Woerth, député Renaissance de la 4e circonscription de l’Oise. L'ancien maire de Chantilly, comme d'autres députés de tout bord, a déposé un sous-amendement afin de sortir les paris hippiques de la surtaxe : "Je pense que les jeux à gratter et les autres paris en ligne peuvent être plus taxés, parce qu'il n'y a pas de filière derrière, ce sont seulement des plateformes".
Journée "filière morte" le 7 novembre
"Il y a une différence entre nous et la Française des Jeux qui reverse à des actionnaires", confirme Philippe Levasseur, président de l'Association des courses d'Amiens. Selon lui, si le texte était voté en l'état, un cercle vicieux se mettrait en place : moins de ressources pour les entraîneurs et les jockeys, ce seront moins de chevaux aux départs des courses et une attractivité en berne pour les hippodromes et in fine, moins de recettes de paris.
Associations et syndicats appellent à une journée "filière morte" le jeudi 7 novembre et tous les acteurs à venir manifester à Paris sous le mot d'ordre "Halte à la taxe, oui à nos emplois !"
L'occasion de rallier à leur cause l'opinion publique et les élus locaux, dont les maires de villes à hippodrome (il y en a onze dans les Hauts-de-France) : ils perçoivent une redevance proportionnelle aux enjeux des courses hippiques et pourraient, eux aussi, ne pas trouver leur compte dans l'amendement.