Radio Campus Amiens fait partie des 21 radios associatives des Hauts-de-France qui seront mises en péril si le projet de loi des finances 2025 est voté en l'état. Il devrait réduire de 35% les subventions du fond de soutien à l'expression radiophonique. L'antenne anticipe déjà des coupes de budget.
C'est un jour de visite à Radio Campus Amiens. Les bénéficiaires d'une association d'insertion professionnelle viennent découvrir le lieu et les professionnels qui l'animent. Rien d'insolite puisque cette radio associative, comme beaucoup d'autres, fait découvrir son domaine en plus d'animer l'antenne.
Cette double casquette sera peut-être de plus en plus difficile à tenir puisque le gouvernement fait des coupes dans le budget de la culture. D'ici à quelques semaines, leurs subventions nationales pourraient être réduites. Le projet de loi de finances pour 2025 envisage une réduction de -35 % du FSER (Fonds de soutien à l'expression radiophonique).
"D'ici à 3-4 ans, on perdra deux postes"
"Pour nous, cela correspond à 25 000 € en moins la première année et c’est un système de pallier. La conséquence, c’est que si une année, on a un peu moins, l’année suivante, on a encore moins. Et les subventions de la Région sont aussi calculées en pourcentage de cette subvention nationale, donc d’ici à 3-4 ans, on perdra deux postes. C’est un effet domino immédiat. Si on perd une personne, on a moins d’aides donc on fait moins d’activités et on est moins subventionnés. Le cercle vertueux devient un cercle vicieux", explique Emmanuel Jendrier, directeur de Radio Campus.
Parmi les employés de cette radio associative : Hugo Souchu. Lui, à découvert la radio lors d'un service civique et il a continué à y travailler dans le cadre de son alternance en journalisme. Aujourd'hui en contrat à durée déterminée, il craint pour sa place : "Pour moi, il y a eu un avant et un après cette annonce. Je me voyais être pérennisé en CDI, mais ça rebat les cartes parce que moins de subventions, c’est moins de chance d’ouvrir un poste et je comprends la position financière de la radio à ce sujet. Je dois sûrement aller voir d’autres horizons. Je risque carrément de changer de métier parce que j'ai des obligations financières et je dois avoir de quoi subvenir à mes besoins".
Si cette réforme préoccupe tant la radio et les 750 autres radios associatives en France (dont 21 dans les Hauts-de-France), c'est parce qu'elles fonctionnent essentiellement grâce à des subventions. Dans le budget de Radio Campus : un tiers de FSER, un tiers de subventions régionales et un tiers de recettes issues de leurs partenariats avec des associations pour faire de l'éducation aux médias et à l'information. Ici, c'est un credo, la publicité est bannie depuis toujours.
Renoncer à la radio en direct ?
Ces partenariats font partie des missions principales de ce type de radio comme l'explique Rémi Upravan : "Je suis journaliste dans le cadre de la quotidienne qui s’appelle info-club-sandwich et j’ai une deuxième casquette de médiateur et d’animateur. Je vais dans des structures et je leur apprends mon métier pour leur faire découvrir l’univers de la radio. J’aime bien cette idée d’aller voir les gens, mais aussi de les faire venir parce que les gens, ils se rendent tout de suite beaucoup plus compte de notre milieu quand ils viennent nous voir."
Ce double rôle est essentiel pour limiter l'influence des fausses informations, selon lui : "On vient en complémentarité des autres médias commerciaux ou de service public. Lors du festival du CNRS à Saint-Valery-sur-Somme, on l’a couvert pendant deux heures et on a donné la parole à tous les chercheurs présents. Nos confrères l’ont couvert et ont annoncé l’évènement, mais ils n’étaient pas là pour mettre en avant les chercheurs le jour J. Si les subventions n’existaient pas, on n'aurait pas mis une parole scientifique en valeur durant deux heures. Et on sait qu’il y a un retour de l’obscurantisme et que les chercheurs ont du mal à se faire entendre".
C'est de ce type de diffusion dont la radio devra se passer si la coupe budgétaire est actée. Pour maintenir un semblant d'équilibre financier, l'équipe devra faire davantage d'ateliers au détriment de l'antenne : "Si mon collègue n’est plus là demain, je vais devoir enregistrer l’émission et faire des choses moins vivantes, mais aussi retourner dans la facilité de moins chercher les sujets, de moins creuser les sujets, mais surtout, de me reposer sur mes acquis. Ça peut avoir énormément de répercussions. Et puis, le plateau en direct qui était subventionné et qui ne l’est plus aujourd’hui et bah peut-être que je ne le ferai plus. C’est une offre dégradée."
"10 millions d’euros sur le budget global de la culture, c’est une goutte d’eau"
Outre l'inquiétude de voir leurs moyens diminuer, les membres de Radio Campus se sentent victimes d'une injustice inefficace. "On pourrait comprendre qu’il y ait une évolution, mais là, il y a un budget global de la culture qui reste stable et il n’y a que deux lignes qui baissent. Et sur les deux, il y a celle des radios associatives qui est en fait toute petite parce que 10 millions d’euros sur le budget global de la culture, c’est une goutte d’eau. Ça ne va pas changer grand-chose à la dette de l’État. Par contre, ça va tuer notre activité. Et, c’est bien plus long à reconstruire qu’à détruire. Ça pourrait avoir des conséquences très durables sur l’activité, même si l’argent revenait", se désole le directeur.
Pour tenter de mettre fin à ce projet, la radio a déjà organisé plusieurs éditions spéciales dédiées à leur combat. Elle a déjà contacté les élus locaux ainsi que les députés et sénateurs pour les sensibiliser sur le sujet. Dans les prochains jours, l'ensemble des radios associatives concernées par la réforme pourrait organiser une journée d'action commune.
Avec Camille Di Crescenzo / FTV