Le club très fermé des grands officiers de la Légion d'honneur accueille Henri Roqueplo, décoré ce 21 mai en mairie de Chantilly. Aujourd'hui âgé de 95 ans, le vétéran se dit "honoré" d'être ainsi récompensé pour son parcours dans la Résistance puis dans l'armée française.
Engagé à 17 ans dans la Résistance puis officier pendant la guerre d'Indochine (1945-1954), Henri Roqueplo a été élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur ce 21 mai, honneur réservé à une centaine de personnes en France.
"Initialement, ce devait être le président de la République qui devait me remettre les insignes. Mais ce dernier a fait savoir qu'il ne pourrait pas se le permettre vu la période, avec les différentes élections," raconte l'homme âgé de 95 ans, dont l'élévation a été actée dès novembre 2021. Vous savez que seulement une personne de même rang peut vous remettre les décorations, c'est finalement un général qui a pu me les transmettre. C'est très protocolaire : il faut avoir l'accord de la grande chancellerie et on ne leur force pas la main, à ces gens-là !" La dignité de grand officier est - en quelque sorte - le quatrième échelon de la Légion d'honneur : Henri Roqueplo avait été décoré chevalier de la Légion d'honneur le 28 mai 1962, promu au rang d'officier en 1996, puis commandeur en 2007.
Né le 7 mai 1927 dans le XVe arrondissement de Paris, Henri Roqueplo rejoint ses grands-parents pendant la Seconde Guerre mondiale, qui habitent alors en zone libre à Argenton-sur-Creuse (Indre). Là, encore mineur, il intègre la résistance locale en 1944. Affecté ensuite au 5e régiment des chasseurs d'Afrique (5e RCA), il participe à la campagne de France et celle d'Allemagne, où il reste en tant que force d'occupation à la fin du conflit. Il reçoit la croix de guerre 1939-1945 et son régiment rentre à sa base de Tizi-Ouzou (Kabylie, Algérie). Le jeune Henri est alors accepté à Saint-Cyr. "Il fallait que je reprenne des études, j'avais tout laissé tombé à cause de la guerre," ponctue le vétéran.
"Missions quasi-impossibles" en Indochine
En 1951, devenu chef de commando, il part pour la guerre d'Indochine. Il raconte une expérience militaire intense, au cours de laquelle il est par deux fois blessé au Tonkin. "Mais je m'en suis remis rapidement, précise le nonagénaire. En tant que chef de commando, on devait montrer l'exemple, avoir du courage, montrer toutes les qualités possibles."
On nous demandait de partir pour des missions quasi-impossibles, souvent de nuit, notamment pour de la reconnaissance en zone viêt'. C'était le grand risque, mais il fallait y aller !
Henri Roqueplo, ancien résistant et vétéran d'Indochine
Il a alors sous sa responsabilité "huit Européens et 120 Vietnamiens dont la plupart, catholiques, ne souhaitaient pas devenir communistes. (...) Je m'étais beaucoup attaché à ces Vietnamiens et ils me le rendaient bien," raconte Henri Roqueplo, la voix empreinte de nostalgie. Il quitte le Tonkin en 1953 et sert au sein des dragons parachutistes à Castres (Tarn) puis en Algérie.
De Washington à la Picardie
Des anglicismes surgissent parfois au détour du récit d'Henri Roqueplo, qui s'empresse aussitôt de les traduire : sans doute un reliquat de son séjour de 10 ans à Washington. "En 1960, j'ai quitté l'armée pour me marier. On proposait alors aux anciens officiers militaires des postes dans les ambassades et consulats en Afrique, dans les pays nouvellement indépendants. J'avais postulé, puis on m'a proposé de travailler à Washington. J'ai accepté. C'était un peu notre voyage de noces," plaisante Henri Roqueplo, devenu alors archiviste pour l'ambassade de France.
Lui et sa famille rentrent en France en 1971 "pour les études de nos trois enfants" et s'installent définitivement à Chantilly, dans l'Oise. Il travaille alors à France Galop où il assure la direction de la publication, la formation des jockeys puis la fonction de chef du personnel à l'hôpital des Jockeys de Chantilly. Il s'investit bénévolement à l'office de tourisme de la ville, mais aussi à la société d'entraide de la Légion d'honneur et à l'Union nationale des combattants (UNC).
Aujourd'hui, Henri Roqueplo s'attache à rester le plus autonome possible. "J'ai quelques séquelles, du mal à marcher et à entendre, s'excuse le jeune veuf, qui a malheureusement perdu son épouse en septembre 2021. Mes trois enfants viennent me voir régulièrement. Je fais ma lessive, mes repas, et je me force à marcher chaque jour une demi-heure, même si ça me fait souffrir un peu. C'est une habitude militaire qui m'est restée !" conclut-il dans un éclat de rire.