Deux avocats ont déposé une plainte contre l'ARS pour mise en danger de la vie d'autrui. Ils estiment que l'agence régionale de santé n'a pas garanti la sécurité sanitaire des individus présents au procès qui se tenait le 11 mars dernier à Compiègne.
L'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France aurait-elle manqué à ses obligations et échoué à appliquer le principe de précaution ? C'est en tout cas ce qu'estiment Maîtres Crépin et Combes. Parce que le 11 mars dernier, l'ARS n'a pas émis d'avis défavorable à la tenue du procès dans lequel ils assuraient la défense de leur client, ils portent plainte pour mise en danger de la vie d'autrui. Une plainte déposée ce lundi 23 mars auprès du parquet de Compiègne.
"Un entêtement administratif judiciaire"
Le 11 mars, la France est encore en période de doute : "C'est le moment des huis-clos et de l'interdiction des regroupements de plus de 1000 personnes", explique Me Crépin. Le lendemain, ce seront les établissements scolaires qui fermeront leurs portes. "La veille de l'audience, nous avons reçu un courrier de l'ARS nous indiquant qu'il suffisait d'appliquer les gestes barrière et de respecter une distance d'un mètre entre les individus, se souvient l'avocat. Mais à Compiègne, on était déjà au milieu du feu."C'est une affaire assez classique : mon client est détenu depuis près de deux ans pour une infraction de stupéfiant, sans violence. Il n'y avait pas de raison objective de maintenir le procès, si ce n'est un entêtement administratif judiciaire.
À 8h30, justiciables, forces de l'ordre, avocats et magistrats – une trentaine de personnes – sont présents dans la salle d'audience dédiée au procès. Les consignes de l'ARS sont appliquées et un banc sur deux est condamné. Des mesures insuffisantes, juge Me Crépin. "Dès le 12, le président de la République affirme qu'il faut éviter d'être en contact avec plus de cinq personnes par jour", rappelle-t-il. Le procès sera finalement renvoyé, mais pas pour les raisons avancés par l'avocat.
Le renvoi n'a pas été appliqué pour raisons sanitaires, ma demande ayant été rejetée au motif que si les avocats étaient contaminés, ils pourraient se faire remplacer. C'est parce que la procureur était malade – pas du coronavirus – que l'audience a été reportée.
"Plainte confinée mais pas enterrée"
"Nous estimons donc que l'ARS, avec ces mesurettes, n'a pas fait preuve de prudence pour assurer la sécurité des individus, ce qui constitue un délit à priori", poursuit Me Crépin, qui base son argumentation sur l'article 223-1 du code pénal. Suite à la plainte des deux avocats, une enquête devra être diligentée par le parquet de Compiègne.Dans cette affaire, nous portons plainte dans l'intérêt général. Pour les surveillants pénitentiaires, pour certains de nos confrères qui se sentent moins libres de s'exprimer et pour nos clients. Il s'agit d’identifier les responsabilités dans un intérêt sanitaire et humain.
"Pour l'heure, notre plainte est confinée mais pas enterrée", conclut Me Crépin. Jusqu'à présent, et depuis le 16 mars, les tribunaux sont fermés. Il faudra donc faire preuve de patience et attendre la fin du confinement pour que les premiers résultats soient annoncés.