Le 23 mai 1430, Jeanne d’Arc est capturée par les Bourguignons à Margny-les-Compiègne dans l’Oise alors qu’elle tente de lever le siège de Compiègne. Elle sera détenue dans différentes geôles de l’Aisne et de la Somme avant d’être vendue aux Anglais en novembre 1430 et exécutée à Rouen le 30 mai 1431.
"Il faut se remettre un peu dans le contexte de l’époque", prévient d’emblée Jacques Tanguy, guide-conférencier à Rouen.
Nous sommes en pleine de Guerre de cent ans. La France est coupée en deux et a deux rois : le roi d’Angleterre, Henry VI, allié au duc de Bourgogne dont les armées occupent le nord de la France et Charles VI, qui tient - difficilement - les provinces au sud de la Loire.
Un contexte politique en mutation
"Quand Jeanne arrive dans la vallée de la Loire en avril 1429 pour participer à la levée du siège d’Orléans assiégée par les Anglais, c’est l’époque où le duc de Bourgogne commence à douter de la pertinence de son alliance avec le roi d’Angleterre", raconte Jacques Tanguy. Un doute tel que Philippe le Bon, duc de Bourgogne, n’empêchera pas son ennemi Charles VII de se rendre à Reims, alors entourée de zones contrôlées par les Bourguignons, pour y être sacré roi de France le 17 juillet 1429.
Jeanne n’a pas compris. Elle veut continuer.
Jacques Tanguy, guide-conférencier
"Dès ce moment, il semble bien que le duc de Bourgogne se soit résolu à quitter l’alliance anglaise, explique Jacques Tanguy. Il va commencer à y avoir des tractations qui aboutiront en 1435 à la paix d’Arras qui va permettre une réconciliation entre Charles VII et le duc de Bourgogne. Mais Jeanne n’a pas compris. Elle veut continuer". Continuer à livrer bataille contre les Anglais et leurs alliés bourguignons.
Après Orléans, la Pucelle se met en tête de délivrer Paris qui est sous le joug des Bourguignons. "Il ne va pas y avoir une aide considérable de la part de Charles VII pour permettre à Jeanne de s’emparer de Paris, avoue Jacques Tanguy. Il devait se dire : « elle commence à me casser les pieds, celle-là. Elle veut attaquer celui avec lequel je suis en train de discuter pour essayer d’obtenir son ralliement.»"
Le siège de Compiègne
Paris tombe aux mains de l’armée royale le 8 septembre 1429. Et celle qui devient un caillou de plus en plus gros dans la poulaine de Charles VII, roi de France, veut encore continuer. Objectif suivant : Compiègne.
Par sa position aux portes de Paris, la ville de l’Oise est un lieu clé pour celui qui la détient. Compiègne appartient au royaume de France. Mais Charles VII la donne au duc de Bourgogne en août 1429 contre sa promesse de faire la paix. Or, les habitants de la ville refusent cet arrangement. Le duc de Bourgogne décide donc de prendre la ville de force.
Elle fait ça sans le soutien du roi de France. En plus, à l’époque, aider des révoltés, ça ne se fait pas.
Jacques Tanguy, guide-conférencier
Le siège de Compiègne par l’armée bourguignonne commence en mai 1430. Jeanne d’Arc a pris conscience depuis la bataille quasiment avortée de Montépilloy en juillet qu’lle est la seule dans son camp à vouloir en découdre. Elle a compris qu’elle est, certes crainte des Anglais, mais aussi de Charles VII qui préfère la négociation avec les Bourguignons que ses initiatives belliqueuses.
Malgré ce sentiment d’isolement, Jeanne continue sa quête. Elle arrive à Compiègne le 13 mai. 10 jours plus tard, elle parvient en pleine nuit à traverser les lignes ennemies par la forêt pour entrer dans la ville avec une troupe de 300 à 400 hommes payés sur ses propres deniers. "Elle fait ça sans le soutien du roi de France, précise Jacques Tanguy. En plus, à l’époque, aider des révoltés, ça ne se fait pas."
Mise aux enchères
Le 24 mai 1430, Jeanne d’Arc décide d’attaquer les assiégeants. Elle réunit une nouvelle troupe d’environ 500 hommes. Vers 5 heures du soir, elle tente une percée dans le camp ennemi installé à Margny-les-Compiègne. "Mais elle n’y connait rien aux principes stratégiques : sa seule technique, c’était « tout droit, on fonce ». Ce qui était complètement contraire aux principes de l’époque où on rusait en passant à droite ou à gauche. Elle va sortir de Compiègne, mais derrière on va refermer les portes pour éviter que les Bourguignons n’entrent dans la Ville. Isolée à l’extérieur, Jeanne est faite prisonnière par Jean de Luxembourg."
Jeanne est jetée au bas de son cheval par un archer qui a saisi sa cape. Elle est immédiatement mise au cachot dans une cellule près du pont de Compiègne qui enjambe l’Oise.
La captive est ensuite gardée une ou deux nuits à Clairoix avant d’être emprisonnée dans le château de Beaulieu-les-Fontaines près de Noyon. Elle tentera vainement de s’en échapper. Elle y restera jusqu’au 25 mai.
Le but de la guerre à l’époque, c’est ça : faire des prisonniers et les vendre pour financer la guerre.
Jacques Tanguy, guide-conférencier
"Comme tout prisonnier, elle va être mise aux enchères parce que le but de la guerre à l’époque, c’est ça : faire des prisonniers et les vendre pour financer la guerre, nous éclaire Jacques Tanguy. Donc, c’est au plus offrant. On peut se poser la question de savoir pourquoi Charles VII ne la pas rachetée. Probablement parce qu’elle lui cassait les pieds !"
Symbole de résistance
En revanche, les Anglais la veulent. Car Jeanne d’Arc est devenue un symbole de résistance contre eux. Ils vont donc acheter la Pucelle de Domrémy 12 000 livres tournoi, "une somme tout à fait considérable à l’époque".
Les Anglais veulent Jeanne d’Arc pour la juger. Et la juger religieusement. Ils veulent un procès d’église. "Parmi les alliés des Anglais, l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. Il est pro-bourguignon et les habitants de Beauvais veulent rallier le roi de France. Donc, ils l’ont chassé de la ville. Il s’est réfugié à Rouen auprès du régent d’Angleterre, le duc de Bedford. Donc Jeanne va être envoyée, non pas à Beauvais où elle aurait dû être jugée mais à Rouen", explique Jacques Tanguy.
Mais envoyer Jeanne d’Arc directement de Compiègne à Rouen n’est pas possible : il y a trop de poches détenues par le roi de France dans la zone. On va donc faire faire un détour à Jeanne.
Jeanne est emprisonnée depuis un mois à Beaulieu-les-Fontaines, dont elle essaye de s'enfuir, quand commence son périple jusqu’à son procès. Elle est envoyée en juillet 1430 à Beaurevoir dans l’Aisne où elle est enfermée dans le château, possession des comtes de Luxembourg. Elle se blessera en sautant de la tour de garde pour s’échapper.
7 mois de voyage
Début novembre, Jeanne d’Arc part sous bonne escorte à Arras. La légende voudrait qu’elle ait été emprisonnée au collège Saint Joseph de la ville. Mais il paraît plus probable qu’elle fut retenue au château de Saint-Laurent-Blangy. D’Arras, la précieuse prisonnière est transportée à Drugy dans la Somme, en passant par Avesnes-le-Comte et Lucheux.
À Drugy, Jeanne d’Arc est enfermée dans une des pièces du château. Le temps de son séjour, elle recevra les visites régulières des bénédictines de l’abbaye de Saint-Riquier. Nous sommes mi-novembre 1430. Jeanne d’Arc continue son voyage vers Rouen et ses juges. De Drugy, ses geôliers l’amènent à la forteresse du Crotoy en passant par Abbeville.
Elle y reste incarcérée du 21 novembre au 20 décembre 1430. Le 8 décembre, les Bourguignons livrent leur prisonnière aux Anglais. Jeanne d'Arc et ses gardes franchissent à pied la Baie de Somme pour être emprisonnée dans la tour du château de Saint-Valéry-sur-Somme. Pour s’y rendre, elle passe par la porte du Haut, aujourd’hui dénommée Porte Jeanne d’Arc.
À la page 490 de l’histoire des comtes du Ponthieu et maïeurs d’Abbeville édité en 1657, il est indiqué que "elle ne s’arresta pas en ville de S. Valéry, car ses gardes la conduisirent droit à la ville d’Eu, et de là, à Dieppe, puis enfin à Rouen".
Pour faire un procès religieux, il faut respecter des règles. IL faut d'abord faire une enquête.
Jacques Tanguy, guide-conférencier
Une plaque sur les remparts du château de St-Valéry-sur-Somme disparu aujourd’hui atteste seulement que "Jeanne d’Arc, prisonnière venant du Crotoy, fut conduite à Saint Valéry en décembre 1430".
Jeanne d’Arc arrive à Rouen le 23 décembre 1430 après être passée par Eu et Dieppe. Soit 7 mois après sa capture à Margny-les-Compiègne.
Un procès religieux et politique
Les conditions de voyage de l’époque n’expliquent pas à elles seules que le trajet ait été si long : "Pour faire un procès religieux, il faut respecter des règles, précise Jacques Tanguy. Il faut d’abord faire une enquête : on va envoyer des gens jusqu’en Lorraine à Domrémy pour enquêter sur Jeanne. Il faut aussi consulter les autorités religieuses qui sont représentées à l’époque par la Sorbonne qui était religieuse. Ils veulent savoir comment Jeanne était par rapport à Dieu et à la doctrine".
Il faut aussi former le tribunal devant lequel comparaitra Jeanne d’Arc. Et la dimension politique de ce procès religieux n’aide pas les accusateurs. "Ils vont avoir des difficultés à réunir ce tribunal parce que beaucoup se disent que le vent est train de tourner et que ce n’est peut-être pas une bonne idée de siéger dans ce tribunal pro-anglais".
Après une enquête préliminaire ouverte le 9 janvier 1430, le procès de Jeanne d’Arc s’ouvre le 21 février devant une assemblée de théologiens et des religieux, présidée par Pierre Cauchon, évêque répudié de Beauvais. La Pucelle d’Orléans est convaincue d’hérésie et de sorcellerie. Elle est condamnée au bûcher. Et est brûlée vive place du vieux marché à Rouen le 30 mai 1431.