Rugby : Romain Carlier, le nouveau départ d'un champion miraculé

Il y a deux ans, il avait frôlé la mort. Depuis, le rugby l'a "relevé". A 29 ans, Romain Carlier, grièvement brûlé lors d'un accident du travail, s'accroche à l'ovalie pour se reconstruire, au prix d'une forte résilience. 

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En avril 2017, des travaux sont en cours à la maison de retraite de Guiscard, dans l'Oise. Sur le chantier, alors qu'il vient charger sa brouette, un intérimaire reçoit 7 tonnes de bitume. Le Samu intervient et le place en coma artificiel, avant d'être transporté en urgence à l’hôpital d’instruction des armées, le HIA Percy, à Clamart (92), spécialisé dans les grands brûlés. Cet intérimaire, c'est Romain Carlier, rugbyman de 27 ans du Rugby club compiégnois (RCC). 
 

"J'avais du goudron des pieds jusqu'aux pectoraux. Je me suis dit: « Ca y est, je suis mort »", se souvient ce miraculé, deux ans plus tard. A l'époque, il se réveille au bout d'un mois et demi de coma, brûlé à 55%.  "Quand j'ai vu mon corps tout violet, c'était très dur. Je me disais: « Pourquoi moi? »." Intubé et alimenté par sonde, il sera - après 29 opérations - amputé de deux doigts et perdra 43 kg, la moitié de son poids. Marqué à vie, physiquement et psychologiquement, l'ancien arrière du Rugby club Compiégnois est un "miraculé" selon son médecin. 


Une période douloureuse avant un lent retour à la lumière, retracé dans un livre "Ne sifflez pas la fin, le match de ma vie". "Je voulais faire passer le message que, même au plus bas, on peut toujours se relever si on s'en donne les moyens", explique Romain, grand gaillard aux cheveux châtains, regard malicieux et sourcils arqués. Son survêtement laisse entrevoir ses bras et ses jambes marquées par les cicatrices mais son visage est indemne. "J'ai de la chance dans mon malheur car mon identité est toujours là", dit-il en souriant. 


Le monde du rugby derrière Romain


Ce jour-là, l'équilibre encore chancelant, le jeune homme transpire, muscles gainés, en soulevant des haltères dans une salle de boxe à Compiègne. Sans le rugby, passion qui l'anime depuis l'âge de sept ans, sa reconstruction aurait été impensable."C'est sa musculature qui a permis les greffes nécessaires sur ses jambes. Sans cela, il mourait", résume la journaliste Clémence Outteryck, qui a co-écrit le livre.

En plus de sa résistance physique, Romain pourra aussi compter sur le monde du rugby, avec lui dans cette épreuve. Le jeune homme reçoit des dizaines de visites, de messages et de photos, "jusqu'au Kenya et en Afrique du Sud". Et même une vidéo où une vingtaine de joueurs professionnels s'adressent à lui, dont l'international anglais Jonny Wilkinson. "J'étais en larmes. Je me suis dit: « je ne suis personne, et toutes les stars de mon enfance me soutiennent »", raconte-t-il, ému. Et d'abonder : "Le rugby, c'est une grande famille".

"C'est mon sport, il coule dans mes veines."

Une solidarité salvatrice. "Ces images m'ont boosté. J'ai pensé « si eux croient en moi, pourquoi pas moi ? »." Revenir sur un terrain devient alors son "objectif ultime". "C'est mon sport, il coule dans mes veines. Même si ça doit prendre des années, je sais que je remettrai les crampons." Et nul doute, pour son entourage, que le sportif atteindra son but. "C'est un travailleur acharné", doté "d'énormes qualités physiques", confirme Youssef Mourtafi, son ami et ex-entraîneur qui suit depuis ses 13 ans un "garçon super attachant, capable de tout donner".
 

Des champions déterminés à se relever 


Avant lui, d'autres rugbymen - comme le Toulousain Tony Moggio, devenu tétraplégique ou l'ex-professionnel Aristide Barraud, grièvement blessé lors des attentats du 13 novembre 2015 - se sont accrochés au sport pour ne pas sombrer. Touché par l'histoire de Romain, l'ancien international Damien Traille, qui a écrit la préface de son livre, se dit "admiratif de son courage et de sa détermination". "J'espère qu'il rejouera. Je suis persuadé qu'il a le mental pour le faire", glisse-t-il.

En attendant, Romain enchaîne les séances de kinésithérapie et les procédures administratives. Il n'a aucune nouvelle de l'enquête. Son club l'a nommé entraîneur des trois quarts de l'équipe junior. Une première étape, sans précipitation. "Avec mon corps qui décide à ma place, j'ai appris à vivre au jour le jour."

 
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