Sylvaine Grévin interpelle les ministres Eric Dupont-Moretti et Gérald Darmanin dans une lettre ouverte dans laquelle elle dénonce les dysfonctionnements dans la procédure judiciaire sur la mort de sa sœur. En 2017, Bénédicte Bélair était retrouvée morte à son domicile, à Pont-Sainte-Maxence.
"C'est le combat d'une vie", le combat d'une sœur pour une autre. Sylvaine Grévin est intimement persuadée que sa sœur, Bénédicte Belair a été victime de son conjoint. Il y a 6 ans et demi, elle était retrouvée morte à son domicile, à Pont-Sainte-Maxence, dans l'Oise.
Dans une lettre ouverte datée du 24 juillet, Sylvaine Grévin, présidente de la Fédération Nationale des Victimes de Féminicides interpelle les ministres de l'Intérieur Gérald Darmanin et de la Justice Eric Dupont-Moretti pour dénoncer des "dysfonctionnements" dans la procédure judiciaire.
"Une affaire judiciaire grave et scandaleuse"
Dans cette lettre, elle retrace tout d'abord le cheminement de l'affaire Belair. Le parcours de sa sœur victime de violences conjugales depuis de nombreuses années : dépôts de plaintes, examens médicaux et constitution d'un dossier pénal...
Après être partie loin de son domicile et de son ex-conjoint, Bénédicte revient quelque temps plus tard, " elle était totalement sous son emprise ". La relation reprend et les violences recommencent et perdurent, jusqu’à la funeste date du 4 avril 2017. Le corps de la quinquagénaire est retrouvé sans vie par son ex-conjoint à son domicile.
L'affaire est classée rapidement, après seulement quelques mois d'instruction. La toute première autopsie réalisée conclut à une chute accidentelle de Bénédicte Belair. Convaincue du contraire et déterminée Sylvaine Grévin porte plainte avec constitution de parties civiles et accède aux pièces de l'enquête préliminaire.
" L’ensemble de son corps présentait de multiples blessures : plusieurs fractures de côtes, une cinquantaine d’hématomes et un hématome sous-dural au cerveau, des mutilations au niveau orbital", détaille-t-elle dans la lettre.
Condamnation de l'Etat pour faute lourde en 2021
Ce n'est que le début des " défaillances", et "d'un parcours judiciaire jalonné de dysfonctionnements". En effet, par la suite la famille découvre que l'ensemble des scellés de l'enquête ont quasiment tous disparu, détruits en 2018, sur autorisation du procureur.
"Bénédicte n'a pas été protégée et entendue de son vivant. Et elle a été invisibilisée après sa mort."
Sylvaine Grévin
Pour ces faits, l'Etat a été condamné pour faute lourde en 2021. S'ensuit un an plus tard une décision rarissime : le juge d'instruction est dessaisi du dossier. Six ans et demi après les faits son ex-compagnon a été mis en examen pour violences aggravées commises entre le 1er janvier 2015 et le 4 avril 2017. Il est également placé sous le statut de témoin assisté, mis en cause pour le meutre de Bénédicte.
Une décision "scandaleuse et incompréhensible". Sylvaine Grévin assure : "au vu des éléments du dossier, c'est encore une façon de protéger l’institution des défaillances et les manquements gravissimes des magistrats."
Tout récemment, l'affaire a connu un nouveau rebondissement. L'un des gendarmes chargé d’enquêter sur l'affaire a été lui-même condamné pour violences conjugales en 2012 et visé par une enquête préliminaire pour "non-assistance à personne en péril". Il est finalement radié de la gendarmerie en juin 2022.
Améliorer la prise en charge des victimes
Et si la lettre ouverte de la présidente de la FNVF a pour but de mettre en lumière l'ensemble des dysfonctionnements de l'affaire Belair, l'objectif est plus large. "'A travers l'histoire de ma sœur, c'est aussi une façon de dénoncer l'ensemble des victimes qui sont laissées-pour-compte, méprisées par des années de procédures."
Le parcours de Bénédicte est loin d'être un cas rare, c'est ce que constate Sylvaine Grévin avec sa fédération et les témoignages des familles.
"Depuis toutes ces années, on n'a pas tiré les leçons, il reste énormément à faire..."
Sylvaine Grévin
De l'affaire de sa sœur, elle veut en faire un "cas d'école", pour " comprendre comment de telles défaillances ont pu exister. Et pour que ça n'arrive plus". Elle réclame notamment la création d'un comité d'examen des décès dus à la violence domestique comme c'est le cas dans d'autres pays. L'objectif étant d'identifier des améliorations à effectuer dans les systèmes judiciaires.
Pour elle, une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences conjugales est urgente et des moyens nécessaires, elle chiffre les besoins à la somme de 1 milliard d'euros. "C'est plus possible, cette année encore 61 femmes ont perdu la vie, laissant derrière elles des orphelins".