Les incivilités sont en augmentation sur le réseau de bus de l’agglomération Creil Sud Oise. La direction, consciente du problème, annonce vouloir renforcer les mesures pour protéger les chauffeurs. Mais ces derniers sont nombreux à être inquiets.
Déjà 8 mois que Gilbert [prénom fictif pour préserver l’anonymat, N.D.L.R.] a cessé de conduire des bus dans l’agglomération creilloise. Ce salarié, victime d’une agression, n’est pas encore parvenu à reprendre le travail : "Dernièrement, j’ai appris une autre agression, une énième agression d’un collègue. Je ne vais pas vous mentir, j’ai revécu toute la scène qui m’est arrivée..." confie-t-il.
Ce soir-là, Gilbert est agressé par un usager qui souhaite voir le bus faire une halte en dehors de l’arrêt. Impossible pour le conducteur : le règlement l’interdit. Mais le passager n’en reste pas là. Après son premier tour de service, il le suit jusqu’aux salles de repos et l’agresse verbalement. "Il m’a tiré l’épaule, il voulait qu’on en vienne aux mains. Heureusement pour moi, des personnes se sont interposées." Gilbert a porté plainte mais depuis il appréhende, et ne sait pas encore dire s’il sera capable de reprendre le travail.
Et le cas de Gilbert n’est pas isolé. La société RD Creil doit actuellement se passer de cinq salariés en accident du travail suite à des incivilités, des agressions ou autres formes de violences. Hicham El Abiad, délégué syndical CFDT à RD Creil décrit une situation qui semble inextricable. "La violence est due au pourcentage de fraude qui est à peu près de 70% ici. C’est énorme et c’est ça qui ramène un petit peu l’incivilité, les agressions. (…) On ferme les yeux sur les tickets, sur le masque pour ne pas avoir de conflit mais on arrive toujours quand même à avoir des violences, des menaces de mort jusqu’à aller chez les gens, chercher où ils habitent... C’est grave."
On commence à en avoir ras-le-bol parce qu’on ne se sent pas en sécurité (…) Les conducteurs crient au secours et puis au bout du compte, ils se mettent en accident de travail puis ils ont du mal à revenir.
Hicham El Abiad, délégué CFDT RD Creil
Cette situation compliquée, le directeur de la société ne l’ignore pas. Il reconnaît que depuis quelques mois, les insultes, menaces et gestes d’énervement sont en augmentation et condamne fermement ces gestes.
Pour tenter d’améliorer la situation, RD Creil dit avoir mis en place plusieurs mesures. Une équipe de 10 médiateurs (en interne ou en externe) qui interviennent dans les bus. Des vitres anti-agressions pour la totalité des véhicules et des caméras de vidéoprotection. La présence d’agents de maîtrise sur le terrain au contact des conducteurs et de la formation.
"La sécurité est prioritaire, explique Mathieu Le Bras, le directeur de RD Creil. L’important est de garantir la sécurité de nos conducteurs donc ils sont formés pour ne pas envenimer la situation vis-à-vis d’un client qui proférerait des menaces."
Côté syndicat, Hicham El Abiad estime néanmoins qu’il faut aller plus loin. "La direction a mis en place une plateforme téléphonique pour accéder à un psychologue, c’est tout. Il y a des médiateurs, mais pas assez. Et le problème, c’est qu’on a seulement 3 contrôleurs pour 30 bus (…) et en plus, la plupart des conflits surviennent entre 17h et 22h..."
La direction annonce vouloir accentuer les contrôles sur le réseau et augmenter la présence d’agents à bord. De son côté, Hicham El Abiad explique qu’en dépit des formations, ses collègues restent humains et absorbent jusqu’à ne plus pouvoir... Et il espère beaucoup de la construction du commissariat à la gare de Creil.