Démêler "le vrai du faux", c'est le thème de la septième édition du Carnaval des possibles, ce dimanche 29 septembre 2024. Dans l'Oise, la base de loisirs de Saint-Leu d'Esserent fourmille d'associations, de débats, de spectacles et concerts pour réfléchir à la lutte contre la désinformation et les idées reçues.
Depuis sept ans, le Carnaval des possibles réunit des dizaines d'associations, des artistes et des milliers de visiteurs le temps d'une journée de fête et de débats. Comme le nom l'indique, la philosophie de l'événement est de montrer l'éventail des possibles sur des questions de société, en rassemblant celles et ceux qui s'engagent dans la recherche de solutions pour les transitions sociales et environnementales.
"Nous cherchons à allumer la lumière : notre objectif, c'est de lutter contre la résignation, contre cette idée qu'il n'y a plus rien à faire, car ce n'est pas vrai, résume Thierry Patinet, membre du collectif le Carnaval des possibles. Nous voulons redonner espoir, mais pas benoîtement : nous cherchons à faire de l'éducation populaire contre les idées reçues et la manipulation de l'opinion."
Chaque année, un thème est choisi pour faire écho aux préoccupations sociétales. Celui de cette septième édition, c'est "Le vrai du faux", car la lutte contre la désinformation est devenue centrale pour les associations et collectifs militants.
Une ère de la post-vérité ?
L'information n'a jamais été aussi foisonnante et accessible, mais en parallèle, la désinformation et les fake news sont considérées comme une menace croissante pour les sociétés démocratiques. À tel point que certains observateurs parlent d'ère de la post-vérité.
Pour que les gens se questionnent, ressortent curieux et critiques
Thierry PatinetMembre du collectif organisant le Carnaval des possibles
"Trump nous aide en montrant jusqu'où on peut aller dans la désinformation, constate Thierry Patinet. Ce qui nous interroge : comment ça se fait que ce qu'il raconte soit pris pour argent comptant ? Cet exemple peut faire rire, car c'est loin de nous, mais ce sont les mêmes problèmes en France. Quand on discute avec les gens, on se rend compte que de nombreuses personnes s'enferment de plus en plus dans un cylindre de croyances, dans des illusions de connaissance."
Dont acte. Au Carnaval des possibles, de nombreux stands associatifs proposent cette année des jeux pour lutter contre les idées reçues. Celui des Amis de la Confédération paysanne invite par exemple à réfléchir à l'alimentation, avec des "Vrai ou Faux ?" sur la consommation de viande de bœuf et de poisson. Une façon d'aborder de façon amusante des débats qui peuvent se révéler complexes, "pour que les gens se questionnent, ressortent curieux et critiques" ajoute Thierry Patinet.
Questionner l'environnement médiatique
Le phénomène d'enfermement dans certaines croyances est renforcé par les réseaux sociaux, dont les algorithmes proposent à leurs utilisateurs des contenus qui confirment ce qu'ils pensent déjà. Le Carnaval des possibles veut interroger les effets de ce phénomène sur les individus.
"Certains recherchent des infos qui les confortent, sur le fait que la terre soit plate, etc. Mais avant, on s'engueulait sur ces questions, il y avait du débat. Maintenant, c'est comme si on n'était plus capable de simplement en discuter, regrette Thierry Patinet. Donc pour faire société, la question de la capacité à se parler, à se comprendre pour construire les solutions difficiles des transitions nous oblige à nous questionner sur les médias. Même si cela n'excuse pas la manière de penser des gens qui se contentent d'infos vues sur certaines chaînes de télévision et les réseaux sociaux."
Mais il n'est pas question ici de juger, car tout le monde est concerné par ce phénomène, comme le précise notre interlocuteur : "C'est un accompagnement nécessaire, il faut faire un effort contre-intuitif, même contre nous-mêmes. Même entre militants, on se rend compte qu'on a du mal à discuter de certains sujets, comme la vaccination COVID il y a quelque temps. Le but n'est pas de faire consensus, mais prendre ce temps du débat. "
Pour ouvrir ces espaces de débat et apporter une vision critique de l'environnement médiatique, le Carnaval reçoit des intervenants spécialistes. Le responsable national d'Acrimed (l'association Action-Critique-Médias) ouvre le bal dès 13 heures avec un débat sur la désinformation dans les médias. C'est ensuite au tour de Frédéric Amiel, coordinateur national des Amis de la Terre, d'intervenir sur les idées reçues sur l'écologie, thème de son dernier livre. À 15 heures, un autre débat sera consacré à l'éducation aux médias.
Avec ces échanges et moments chaleureux, les organisateurs espèrent voir émerger de nouvelles idées. "Il ne suffit pas de dire : il n'y a qu'à. La question, c'est : comment on s'y prend pour créer une transition juste et qui fonctionne ?", conclut Thierry Patinet.
Et cela peut prendre plusieurs formes, où l'art joue son rôle : théâtre, animations et concerts rythmeront la journée jusqu'à 18 heures. Une occasion de remettre en question les idées reçues pour imaginer collectivement de nouveaux "possibles". L'an dernier, le Carnaval a accueilli plus de 3 000 curieux.