"Nos mentalités doivent évoluer" : des collégiens réalisent un documentaire pour décrypter et dénoncer toutes les discriminations

Stop au sexisme, au racisme, à l’homophobie et à la grossophobie. Des élèves de troisième d'un collège de Calonne-Ricouart, près de Béthune, ont réalisé en six mois seulement un documentaire de 33 minutes, pour dénoncer toutes ces discriminations. Récit d’une aventure d’éducation aux médias, vraiment unique.

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Depuis deux ans, Fanny Gay-Vienne, la professeure documentaliste du collège Frédéric Joliot-Curie de Calonne-Ricouart (Pas-de-Calais) a monté une classe média et initie, entre autres, ses élèves à la réalisation audiovisuelle.

La classe média, cette année, est une classe de troisième comptant vingt-deux élèves, tous volontaires, dont six sont en section cinéma-audiovisuel, une option coanimée par leurs enseignants de lettres modernes, d'arts plastiques et Fanny Gay-Vienne. Forts de leur expérience de l’an dernier, avec deux vidéos réalisées sur l’évolution des stéréotypes sexistes dans la publicité et dans les films et séries, dans le cadre du projet "Le média c’est toi !", encadré par France 3 Hauts-de-France, l’INA et l’ESJ Lille, les élèves ont décidé cette année de réaliser un documentaire, toujours accompagnés par France 3 et l'ESJ.

Avec leur professeure de Français, Elsa Luczak, ils ont débattu avant de tomber d'accord sur un sujet réalisable : les discriminations sexistes, homophobes, racistes et grossophobes.

"Ça vient d'eux, c'est ça qui est le plus important"

Fanny Gay-Vienne, professeure-documentaliste

Des mises en scènes habiles pour un message percutant

Chaque partie du documentaire est introduite par une saynète. Ici, des élèves reproduisent une situation dans le métro, avec l'incrustation d'une image sur fond vert, pour dénoncer le manspreading et le sexisme ordinaire ; là, ils jouent une scène de harcèlement grossophobe dans les couloirs du collège.

Les élèves ont émaillé leur film de nombreux exemples, issus de la télévision ou du web, pour compléter ou illustrer leurs propos. Ils relèvent parfois des contenus qui, sous l'apparence de la dénonciation ou de l'humour, sont discriminatoires, comme une publicité qui se moque des femmes en voiture.

Ils ont aussi réalisé des interviews. Deux assistants d'éducation de l'établissement, un jeune homme et une jeune femme, interrogés par les élèves sur le sexisme, exposent leur expérience et donnent des exemples d'actions qu'ils mettent en place dans l'établissement. "On retrouve beaucoup, dans la cour de récréation, les garçons tournés vers le foot ou le basket", relève Maeva. Pour le tournoi de foot organisé par le collège, des équipes mixtes ont été imposées.

Son collègue masculin est très attentif aux blagues dans la cour, qui peuvent dégénérer. "Il y a humour et humour. Il faut savoir faire la part des choses entre la petite blague qui marche sur le coup et une blague qui est récurrente et qui fait qu'au bout d'un moment on se demande si c'est une blague ou pour faire passer une idée", soulève-t-il.

"Nous avons beaucoup à faire contre les discriminations sexistes, et ça commence à l'école"  

Le bilan que dresse Fanny Gay-Vienne est très positif, malgré la complexité de mener un tel projet avec une classe entière. "Au début, les élèves se reposaient les uns sur les autres", avoue-t-elle. Puis, "ils se sont mobilisés quand on est passés en quatre petits groupes de quatre à six élèves". En début d'année, la classe ne jouissait pas d’une bonne réputation auprès des autres enseignants. Elle leur paraissait bavarde et trop "attentiste". "Ce projet média a aidé la classe à se fédérer et à donner confiance aux élèves individuellement", assure la professeure documentaliste.

"Cette expérience a permis de développer les compétences en écriture de la classe et l'expression des idées, notamment en améliorant la confiance en soi des élèves. En travaillant en petits groupes, chacun a pu trouver sa place. En autonomie, souvent, un ou deux élèves prennent le lead et imposent leurs idées", analyse, in fine, l’enseignante.

Les mises en scènes sont toujours habiles et enrichissent profitablement le documentaire. Pendant les tournages, les groupes étaient autonomes, grâce à un travail préparatoire important. Les storyboards étaient complets et précis et tous les textes mis au propre. Par exemple, dans le groupe qui traitait la question du racisme, un élève discret, qui n'apparaît d'ailleurs pas à l'image, a trouvé une bonne idée de mise en forme, en jouant sur les zooms à l'entrée de chaque plan, pour donner du dynamisme.

Retour sur les grandes étapes du projet

Pour préciser leur sujet, les élèves ont travaillé dès le mois d’octobre au plan de leur film, à la recherche documentaire (infos, lois, données statistiques, illustrations). En novembre, la classe a passé une journée à l’ESJ et a pu s’entraîner, à cette occasion, à la prise de parole face caméra dans les studios de l'école de journalisme lilloise. Deux étudiantes à l'académie ESJ (qui prépare aux concours des écoles de journalisme) ont animé un atelier d'écriture. Selon Fanny Gay-Vienne, cette sortie a permis de renforcer la cohésion de la classe. Par la suite, elle a été divisée en quatre groupes, chacun traitant l’un des thèmes du projet. 

Au fil des semaines, Fanny Gay-Vienne et sa collègue de français Mme Luczak, ont accompagné les élèves dans l'écriture des textes, l’élaboration d’un story-board et les ont aidés à cadrer leurs idées, foisonnantes. Par exemple, au départ, il y a eu l'idée de faire des parodies pour dénoncer le racisme, mais ce projet a été mis de côté, car risqué et ambivalent. Les élèves ont compris que si l’humour peut aider à faire passer un message, il ne faut pas oublier que la clarté est un objectif premier du journalisme.

Enfin, le montage a mobilisé onze élèves. Ceux de la section cinéma ont formé leurs camarades, en autonomie. En bref, selon Fanny Gay-Vienne, la réalisation aura nécessité au total 32 heures de travail en classe.

Trois filles de la classe veulent s'orienter vers le journalisme

Le film a été finalisé à la mi-avril et mis à disposition sur l'ENT (Espace Numérique de Travail), pour les parents et l'ensemble des élèves. Le 31 mai, en début d’après-midi, une projection du documentaire était programmée dans l’établissement. Elle a été suivie d'un échange avec d’autres classes du collège et avec les parents (la moitié des parents de la classe média avait pu se libérer pour l’occasion), en compagnie notamment de Rémi Dos Santos, militant LGBTQIA+ que les élèves avaient interrogé dans le chapitre sur l’homophobie.

Certains parents ont tout découvert du film lors de cette rencontre et l’ont accueilli avec empathie. Ce type d’initiative permet, on l’a compris, de commencer à libérer la parole après avoir permis l’écoute. D’autres parents se sont dits heureux de voir dénoncées clairement les discriminations, particulièrement les propos racistes et xénophobes, dont leur enfant a pu être victime ou témoin. 

Pour lutter contre les clichés et les idées reçues, dans leur conclusion, les élèves insistent sur le rôle de l'éducation. "Cela nous apprend ou non l'ouverture d'esprit dès le plus jeune âge. Les enfants reproduisent généralement ce qu'ils voient et entendent à la maison, à la télévision, sur internet ou à l'école", énonce Lila-Rose. Le mot de la fin aura très certainement fait mouche auprès de leurs parents et camarades : "Nos mentalités doivent évoluer".

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