ENTRETIEN. Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat : "agir collectivement, s'indigner, participer au monde, c'était pour moi une évidence"

Premiers engagements politiques, affaire Shaïna, pornographie : Laurence Rossignol s'est livrée sur ses combats féministes dans un entretien réalisé dans son bureau du Sénat.

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La sénatrice PS de l'Oise et vice-présidente du Sénat Laurence Rossignol est connue pour ses engagements féministes. Elle a ouvert les portes de son bureau, qu'elle partage avec son équipe de collaboratrices, à Marie Sicaud, présentatrice de l'émission Hauts Féminin. 

Cet engagement, c'est quelque chose qui était déjà ancré dans votre famille ?

Je suis d'une famille dans laquelle la politique est présente depuis plusieurs générations. J'ai entendu parler politique toute mon enfance, aussi bien sur le plan international que sur les enjeux intérieurs. J'avais des femmes féministes dans ma famille, un peu écolo même déjà. Agir collectivement, s'indigner, participer au monde, vouloir le transformer et le changer, c'était pour moi une évidence. 

Vous étiez à Beauvais pour le procès de l'affaire Shaïna Hansye. Vous dites qu'elle concentre tout ce qu'on peut faire de pire aux femmes dans notre monde. 

Shaïna, c'est histoire la plus triste et la plus révoltante que je connaisse. C'est l'histoire d'une jeune fille qui d'abord subit un viol, et qui, parce qu'elle dénonce son viol, cesse d'être une victime aux yeux de son environnement pour devenir une coupable, celle qui a osé parler. Et après le viol, c'est la mauvaise réputation. Elle devient une mauvaise fille. Pour parler crument, c'est une pute parce qu'elle a été violée - alors qu'elle est victime - et surtout parce qu'elle a porté plainte. Ensuite, pour elle s'enchaînent une série d'événements : il y a un passage à tabac, des mises à l'écart, des rumeurs sur elle, une espèce de pesanteur que les garçons entretiennent. Ça finit par ce drame terrible : cette jeune fille a un petit copain, elle se retrouve enceinte, et c'est une violence d'être enceinte quand on a 15 ans, puis elle est assassinée de coups de couteau dans le ventre, ensuite brûlée. 

En quoi votre rôle de sénatrice et de vice-présidente sert cet engagement féministe ? 

Un premier volet consiste à porter dans le Sénat, dans l'assemblée parlementaire, dans le débat public, les revendications des femmes. Et ne croyons pas que les femmes ont tout obtenu comme je l'entends parfois. "Qu'est-ce qu'elles veulent encore ?" On veut encore beaucoup. On n'a toujours pas l'égalité salariale, les femmes sont toujours minoritaires en nombre dans le monde politique, elles sont toujours victimes de violences, la justice ne les traite pas toujours bien et la police non plus. Ça progresse, ça avance, mais il y a encore beaucoup à faire. Je vois les jeunes filles aujourd'hui soumises et exposées à beaucoup de violences encore.

Il y a la question de la pornographie sur laquelle j'ai beaucoup travaillé. On a rendu un rapport dans lequel on recueille un certain nombre de données et on en tire la conclusion que la pornographie est composée à 90% d'images de violences faites aux femmes. Des violences, de l'apologie de l'inceste et du viol, des images racistes également. La pornographie colonise les cerveaux, produit des représentations de la sexualité que l'on retrouve ensuite dans la vraie vie sous forme de violences à l'encontre des jeunes filles et des femmes. 

Est-ce que vous pensez que n'importe quelle jeune fille aujourd'hui peut arriver à la place que vous occupez ? 

Je le souhaite, et je souhaite que beaucoup de jeunes filles aient aussi d'autres rêves. Il y a des tas d'autres façons de s'engager. (...) Ce que je souhaite surtout, c'est que ces jeunes filles puissent se dire qu'elles peuvent être utiles, elles peuvent réussir dans ce qu'elles tentent et que leur parole, leur action va peser. Elles ont entre leurs mains une partie du destin de la communauté que nous formons. (...) Dans une démocratie, c'est nous qui faisons évoluer la société, qui la transformons. Je souhaite que ces jeunes filles aient envie de transformer la société, d'y prendre toute leur place, et leur dire que l'engagement collectif avec des copines, d'autres filles, c'est terriblement réjouissant et épanouissant. On est heureuse à être une militante féministe. 

durée de la vidéo : 00h13mn00s
L'émission Hauts Féminin avec Laurence Rossignol, sénatrice PS de l'Oise et vice-présidente du Sénat ©FTV

Retrouvez l'intégralité de l'émission Hauts féminin avec Laurence Rossignol, ci-dessus et sur france.tv

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