L'histoire du dimanche – Mennechet, le château miraculé de Chiry-Ourscamp dans l'Oise

Niché dans l’Oise, le château Mennechet inachevé et éventré par les guerres a traversé le temps. Le bâtiment entouré de mystères et classé monument historique grâce à sa façade aspire à une renaissance. Récit.

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Sa façade en pierre blanche tranche avec le vert puissant de la pelouse et de la forêt qui l’enlacent. Toujours debout malgré les décennies, les guerres, les bombardements, l’oubli, la crise économique, le château Mennechet, perché sur les hauteurs du village de Chiry-Ourscamp dans l’Oise, est un miraculé. Rien ne laissait présager que celui qui n’est plus que ruines, mais dont la façade a été classée monument historique, traverserait le temps pour s’imposer comme incontournable dans le cœur des habitants de la commune. 

Un jour, j’ai commencé à poser des questions sur ce château que je voyais au loin tous les matins. C’était plutôt un village de taiseux. Il y avait une sorte de chape de plomb sur le passé. Les gens disaient qu’il avait été détruit pendant la guerre et ça s’arrêtait là. La mémoire était un peu défaillante du fait de l’exode qui a eu lieu dans le coin et de la volonté de passer à autre chose de ceux qui ont vécu la guerre.

Jean-Yves Bonnard, maire de Chiry-Ourscamp et professeur d’histoire

L’histoire de Mennechet, c’est l’histoire mystérieuse d’un château qui n’en est pas vraiment un, d’un bâtiment et d’un commanditaire dont on ne sait presque rien. Une histoire défrichée par celui qui est désormais maire de la commune. "Son histoire est encore obscure. Il n’existe pas d’archives spécifiques. Lors de mes recherches, j’ai pu retrouver le testament du constructeur et des descriptifs de contemporains sur cette construction extraordinaire qui s’inscrivait dans un projet de domaine global avec notamment une immense tour et deux manoirs", se remémore le natif du village.

Projet inachevé et fortune dilapidée

De ce que l'on sait, le projet est porté à l'origine par Alphonse Mennechet de Barival à la fin du XIXe siècle. L’homme épouse sa cousine dont le père est collectionneur d’art. Se prenant d'une passion similaire, il décide de construire, après le décès de son épouse, un domaine afin de lui rendre hommage et d'y exposer les peintures, sculptures et faïences qu’il possède. "Ce n’est pas vraiment un château, même s’il peut en avoir l’apparence. En fait, c’est une galerie d’art de 5m de large, 40m de haut pour 60 de long et des murs épais d’un peu moins d’un mètre. C’est une structure très ornementée, un peu similaire à celle du musée des Beaux-Arts d’Amiens", précise Jean-Yves Bonnard.

La construction de ce qui devait être une galerie d’art est lancée en 1881, mais Alphonse Mennechet de Barival décède en 1903, à 90 ans, avant la fin des travaux. Les œuvres, au nombre de 96, sont léguées par testament au musée Antoine Lécuyer de Saint-Quentin. Le reste tombe entre les mains de son neveu et héritier qui ne compte pas achever le projet et se consacre à une perspective bien plus alléchante : celle de dilapider la fortune de son oncle.

S’en suit pour le château une longue période de léthargie et de décrépitude. Le lierre s’empare progressivement des lieux donnant au château des airs de vestiges aztèques. Si les lieux ont depuis été nettoyés par le nouveau propriétaire, Yves Lavaire, le bâtiment conserve les stigmates des guerres qu’il a traversées. "Il y a des impacts de balles, d’obus, mais également des graffitis laissés par un régiment de passage lors de la drôle de guerre. Lors de la Première Guerre mondiale, on était à la limite de la ligne de front. Certains habitants sont venus prendre des pierres ici et là pour reconstruire leur maison. Ça a créé des problèmes", relate Jean-Yves Bonnard.

Des ruines classées monument historique

Les guerres successives ont eu raison d’une tour du domaine et d’un manoir. Après la Seconde Guerre mondiale, le château-galerie est détruit à 90%. Une fois son souvenir exhumé par Jean-Yves Bonnard, le lieu a changé de mains plusieurs fois et les projets se sont succédés. Un temps il est question de transformer les ruines en maison de retraite, un temps en lieu de séminaire, un temps certains songent même à le détruire.
 

Il fallait soit en faire quelque chose soit le raser. Et le maire de l’époque avait envisagé prendre un arrêté de mise en péril. Avec l’association Prométhée on s’est élevé contre. Le bâtiment est très loin de la route.  Même s’il était dangereux, il est identifié en tant que ruines sur les cartes et à plus de 50 mètres de la route. Cette décision relevait pour nous plus de la provocation.

Jean-Yves Bonnard, maire de Chiry-Ourscamp et professeur d’histoire

Une première procédure pour en faire un monument historique à l’initiative de Jean-Yves Bonnard, alors docteur en géographie, directeur du Centre départemental de documentation pédagogique, est lancé en 2006. C’est un échec. En 2008, il devient maire de la commune et relance la procédure d’inscription. Simultanément, d’importants travaux de défrichement et de nettoyage sont effectués sous l'impulsion du nouveau propriétaire. Leur engagement paie. En 2010, les vestiges du château sont inscrits aux monuments historiques.
 

"Il fait partie de notre identité"

Un changement bienvenu qui n’a néanmoins pas permis à Yves Lavaire d’enclencher le projet qu’il porte pour les lieux à savoir créer à l'intérieur du bâtiment 29 appartements. Reconstruire à l'identique la toiture originelle de l'édifice, ravagée par un incendie en 1914, est financièrement impossible et malgré la proposition d’une solution alternative contemporaine, les discussions sont au point mort avec l'architecte des bâtiments de France.

Si le temps qui passe a poursuivi son œuvre affaiblissant un peu plus chaque jour le château Mennechet, il a aussi servi à ce que le lieu s’immisce dans les discussions, accompagne la vie du village et se love au plus près des cœurs de ses habitants. En accord avec le propriétaire, le lieu désormais privé a notamment accueilli un feu d’artifice du 14 juillet ou encore le festival international du folklore de Noyon l’an passé lors duquel les lieux avaient été illuminés.
 De quoi développer encore un peu plus l'attachement des habitants envers le château atteste le maire de  Chiry-Ourscamp : "Le village compte beaucoup de collectionneurs. Désormais, il est une place forte de notre patrimoine et fait partie de notre identité. En cas de crainte autour du château, la communauté ne restera pas indifférente au contraire." Une chose est certaine, ils feront tout pour que leur miraculé ne soit plus jamais oublié.
 
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