Le 17 octobre 1820, trois membres de la bande la plus emblématique des Chauffeurs du Santerre, arrêtés par Vidocq, sont guillotinés à Rosières-en-Santerre. Menés par Prudence Pezé, surnommée la Louve de Rainecourt, ces voleurs et assassins ont fait des centaines de victimes à l'est de la Somme.
C'est une histoire vieille de deux siècles mais "dont on parle encore dans la commune". Madame le maire l'assure : à Rosières-en-Santerre dans la Somme, l'affaire des chauffeurs du Santerre "est passée à la postérité locale. Il y a eu trois bandes qui ont successivement sévi dans le secteur dès 1800, explique Françoise Maille-Barbare. La première a commencé ses forfaits vers 1800. Il arrive que des troupes de théâtre amateur jouent une pièce sur ces bandes. La plus célèbre, c'est celle menée par la Louve de Rainecourt".
Vols, tortures et assassinats
La Louve de Rainecourt, c'est le surnom de Prudence Pezé, dite également la veuve Guirault. Cette fileuse de métier devient en 1818 la cheffe d'une bande de malfrats violents et sans scrupules. Ils écument la campagne entre Péronne et Montdidier la nuit et pénètrent dans les fermes, torturent ou tuent les habitants. Pour leur faire avouer où sont cachées leurs économies, ils n'hésitent pas à brûler les pieds de leurs victimes, pratique qui leur vaut ce nom de "chauffeurs". Ils terrorisent la population et les gendarmes ne parviennent pas à mettre la main sur ces délinquants itinérants.Infiltré quatre mois
En 1820, le préfet de la Somme décide de demander de l'aide à la police de Paris. Vidocq, alors chef de la Sûreté dans la capitale "se porte volontaire pour démasquer ces bandits, raconte Jean-Paul Lefèbvre-Filleau, auteur de Vidocq contre les chauffeurs de la Somme paru aux éditions Bertout. Il a lui-même été un truand et connaît ce milieu. Il décide donc d'infiltrer la bande incognito. Chaque jour, il fait discrètement un rapport au commandant de gendarmerie". Il loge dès 1819 à l'hôtel du cygne à Rosières. "C'est aujourd'hui une maison d'habitation située en face de l'église de la commune", précise Françoise Maille-Barbare.Pendant quatre mois, le célèbre policier originaire d'Arras vit le quotidien des malfrats, allant même jusqu'à commettre des vols par souci de véracité. Début 1820, une opération est montée pour arrêter les chauffeurs du Santerre. Ils seront appréhendés en flagrant délit dans le petit village de Berny-en-Santerre. "L'arrestation a été mouvementée, explique Jean-Paul Lefèbvre-Filleau. Il y a eu plusieurs coups de feu". Et des blessés. Parmi eux, le lieutenant de la veuve Guirault, Capelier, aubergiste à Rainecourt. Il mourra des suites de ses blessures.
Rue François-Vidocq et rue de la Guillotine
Le lendemain de leur arrestation, des centaines de personnes se pressent le long du chemin qui mène les criminels de leur geôle de Péronne au tribunal à Amiens. Le 17 octobre 1820, trois membres de la bande sont guillotinés à Rosières-en-Santerre. Il s'agit de Charles Lematte, 54 ans, de Prudence Pezé, veuve Guirault, dite la Louve de Rainecourt, 54 ans et enfin de Rémi Germain, 38 ans.Rosières-en-Santerre a gardé la mémoire de ce fait divers local : la ville abrite une rue François-Vidocq et une rue de la Guillotine. "C'est le chemin dans lequel a eu lieu l'exécution", selon Françoise Maille-Barbare. On trouve également à Rosières un calvaire surmonté d'une croix. Sur le socle, une plaque gravée de deux dates : celle de l'exécution de la bande de la Louve de Rainecourt et celle à laquelle a été guillotiné Lemaire, le chef de la troisième et dernière bande de Chauffeurs du Santerre, le 31 décembre 1857.