Ils vendent une partie de leur maison pour financer les travaux : avantages et risques d'une nouvelle solution de financement

Pour trouver de l'argent pour leurs travaux, certains propriétaires font appel à une nouvelle start-up qui propose d'acheter une partie du bien, en échange de liquidités immédiates. Quels sont les risques d'un tel pari ? Le point sur ce nouveau type de financement immobilier.

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Ambroise Masurel et sa famille ont emménagé dans leur nouvelle maison à Compiègne il y a un an. Malheureusement, le premier automne a réservé une mauvaise surprise au couple et leurs quatre enfants.

"Dès que les températures ont baissé, un mois et demi après notre emménagement, on a vite constaté qu'on allait avoir un vrai souci, se souvient Ambroise Masurel. Cette chambre du premier étage est orientée au nord. L'hiver dernier, même en chauffant au rez-de-chaussée, la température ne dépassait jamais 16°C, c'est limite, en termes de confort."

L'isolation du premier étage s'avère défectueuse. La famille a besoin de toutes les chambres, un bébé vient d'arriver, il faut faire les travaux rapidement. Seulement, ils viennent d'investir toutes leurs ressources dans l'achat de la maison et les devis annoncent plus de 46 000 € de travaux.

Au pied du mur, Ambroise Masurel décide d'opter pour un nouveau service de financement de travaux : la start-up Vasco, qui achète une part de sa maison et lui permet ainsi de trouver les liquidités nécessaires.

Des investisseurs silencieux

Si Ambroise Masurel et son épouse avaient opté pour un prêt classique, la banque leur proposait un taux d'intérêt élevé. "On va être plutôt sur des taux de crédit à la consommation, aux alentours de 7 % à 8 %, détaille Ambroise Masurel. Donc, il nous fallait un financement externe, pour préserver notre trésorerie mensuelle. On était sur une mensualité qui aurait été entre trois et quatre cents euros par mois, ce qui n'est vraiment pas neutre pour une famille de six. Avec cette somme-là, vous pouvez faire vos courses et vous nourrir l'esprit plus libre, éventuellement avoir des loisirs."

Le jeune propriétaire entend parler de la société Vasco dans les médias. Le principe est simple au premier abord : la start-up achète une part de la maison, pour dix ans. Dans le cas d'Ambroise Masurel, c'est 12 % du bien. Elle paie donc les propriétaires pour cet achat, ce qui leur donne accès aux liquidités nécessaires pour réaliser leurs travaux. Vasco est nu-propriétaire, c'est-à-dire que la start-up n'a pas le droit de jouissance du bien.

Même quand on fait un crédit immobilier, c'est la banque qui est propriétaire de la maison, financièrement. Ça revient au même.

Ambroise Masurel

Propriétaire

Pour sortir de ce montage dans un délai de dix ans, le propriétaire principal a trois options : soit il rachète la part cédée à Vasco, soit il vend sa maison et reverse son pourcentage à la start-up, soit, au bout de dix ans, il signe une nouvelle convention avec la start-up, qui augmente alors sa part de propriété.

Céder une partie de son bien ne semble pas effrayer Ambroise Masurel. "Même quand on fait un crédit immobilier, c'est la banque qui est propriétaire de la maison, financièrement. Ça revient au même, observe-t-il. Sauf que je ne vois pas la société Vasco comme un tiers, mais comme un partenaire : ils m'ont laissé autonome. Ils annoncent la couleur sur le fait que ce sont des investisseurs silencieux, qui laissent la jouissance totale et intégrale au propriétaire du logement. J'ai pu faire mes travaux comme je l'entendais, en choisissant l'entrepreneur qui me convenait, en qui j'avais confiance."

Seule limite, les travaux représentant plus de 10 000 € ou qui modifient la structure du bien : le propriétaire doit alors avoir l'accord préalable de Vasco. Le Compiégnois espère pouvoir racheter sa part d'ici à quelques années, ou vendre la maison en réalisant une plus-value.

Le pari de Vasco

En un an, la start-up a déjà séduit une dizaine de propriétaires et espère atteindre les cent dossiers d'ici à la fin de l'année. Son argument choc : c'est le projet de travaux qui compte, pas le profil des propriétaires.

"On ne va pas aller regarder les revenus, l'endettement, l'âge, la santé. Ça va nous permettre de financer des personnes qui, normalement, n'auraient pas accès au financement bancaire, résume Sébastion Prot, co-fondateur de Vasco. Par exemple, des personnes trop âgées pour emprunter ou des personnes en copropriété dans des immeubles : elles sont bloquées, car la copropriété a financé des travaux, mais elles n'ont malheureusement pas de quoi payer ces travaux. Sans nous, elles devraient quitter leurs logements. On a permis de débloquer des projets comme ça."

Mais qu'y gagne la start-up ? Elle devient en réalité propriétaire d'une part plus importante que la valeur qu'elle paie au propriétaire. "Pour un bien évalué à 400 000 €, si la société prête 40 000 €, cette part de propriété va être ramenée à 1,4 fois ce montant. C'est-à-dire 56 000 €", précise Daniel Ledeloffre, bénévole à l'UFC Que Choisir.

Donc, pour avancer une somme équivalente à 10 % du bien, Vasco devient en réalité propriétaire de 14 % de la maison. Le propriétaire se voit prêter 40 000 € mais doit rembourser 56 000 €. Un peu comme un crédit avec son taux d'intérêt, sauf qu'il n'y a pas de mensualités.

Les risques du dispositif

Si les propriétaires parviennent à rembourser Vasco et ont bien compris ce que cela leur coûte, le dispositif peut donner un réel coup de pouce. Là où les choses pourraient se corser, c'est dans le cas où ils n'auraient pas les moyens d'en sortir à l'issue des dix ans prévus par la convention. "C'est là où ça peut engager le client au-delà de ce qu'il aurait voulu, avertit Daniel Ledeloffre, bénévole à l'UFC Que Choisir. Je pense qu'on est sur des engagements à long terme et l'on sait que la vie réserve beaucoup d'aléas."

Si le propriétaire signe une nouvelle convention pour dix ans, la part de Vasco augmente alors de 1,4 %. Dans le cas d'Ambroise Masurel qui a cédé 12 % de sa maison, la part de Vasco progresserait pour atteindre 16,8 % de sa maison. Ce qui augmenterait donc la somme qu'il devrait rembourser à la start-up.

D'après les experts consultés, les termes de la convention permettraient aussi une prolongation sans renouvellement, qui comporte des inconnues. "Au bout de dix ans, si la convention devient à durée indéterminée, la start-up retrouve le droit d'usage et d'habitation puisqu'il n'était abandonné que pour dix ans, renchérit maître Julie Duthion, notaire à Beauvais. Donc le propriétaire va devoir payer un loyer pour pouvoir occuper son bien, un loyer qui correspond à la quote-part de la start-up sur la valeur normale du loyer de ce bien. Étant propriétaire en indivision, la start-up pourrait aussi exiger la vente du bien."

Le propriétaire s'engage dans la convention à mettre le bien en vente à partir de la neuvième année. Donc s'il ne le fait pas, il engage quelque part sa responsabilité auprès de la start-up.

Maître Julie Duthion

Notaire à Beauvais

Autre point de vigilance que soulève maître Julie Duthion, "le propriétaire s'engage dans la convention à mettre le bien en vente à partir de la neuvième année [ndlr : s'il n'a pas remboursé la start-up avant]. Donc s'il ne le fait pas, il engage quelque part sa responsabilité auprès de la start-up."

La question de la valeur du bien fait enfin réagir la notaire et l'UFC Que Choisir. "Si le bien se dégrade, se détériore et que le propriétaire y est pour quelque chose, car il n'a pas fait les travaux d'entretien, il va être responsable de la baisse de valeur vis-à-vis de la société" prévient maître Julie Duthion. Au contraire, si la valeur du bien progresse, la société en bénéficie aussi.

"Ce n'est pas du mécénat", résume la notaire. L'UFC Que Choisir souligne que le dispositif est "juridiquement cadré" et permet de débloquer certaines situations. Mais comme toute solution de financement, il comporte des risques.

Avec Marie Sohier / FTV

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