Les consommateurs se tournent de plus en plus vers les fruits rouges et les agriculteurs picards s'adaptent à la demande. Cultures complémentaires ou entièrement dédiés aux fruits rouges, ils nous ouvrent les portes de cette filière exigeante.
Paul-Henri Carlu est cultivateur de fraises près de Noyon. Malgré la pluie qui complique la cueillette, le sourire ne le quitte pas. Cette année, la récolte a été plutôt bonne à la ferme de Rimbercourt dans l'Oise.
Installé depuis cinq ans, toutes les semaines, en plus de l’entretien des serres, il effectue 12 marchés en Picardie et gère le marketing et les livraisons. C'est un choix qu’il revendique.
"En deux jours, les clients ont leurs produits. Ce ne sont pas des fruits qui arrivent par des camions réfrigérés, dur et sans goût", explique-t-il. Vente directe dans son magasin, marchés et livraisons : le maraîcher multiplie les modes de distributions pour se garantir un maximum de ventes tout en évitant les intermédiaires.
Se passer de revendeurs est un choix difficile pour les agriculteurs, bien qu'il permette de dégager une marge plus importante : "On s'y retrouve, mais il faut être bon gestionnaire. Il ne suffit pas de gérer les cultures. Il faut gérer l'intégralité de l'entreprise". Pari payant pour le jeune homme : cette année, il commence à se dégager un salaire. "On s'y retrouve mieux financièrement parce que les clients reviennent". À demi-mot, il confie tout de même : "Sans la gestion du commerce et si ce n'était pas mon activité principale, je ne pourrais pas en vivre".
Les fruits rouges comme activité complémentaire
Dans le département voisin de l’Aisne, Thomas Magnien fonctionne différemment dans son exploitation familiale. Si les céréales et les betteraves représentent la majorité de son activité, il y a quatre ans, l'agriculteur a décidé de se diversifier.
Il s'est lancé dans la culture de framboises pour se garantir davantage de stabilité financière : "c'est pour avoir un revenu complémentaire qui soit décorrélé des risques de nos productions céréalières ou betteravières qu'on l'a lancée".
En revanche, pour lui, pas question de s’occuper de la distribution. Il travaille avec un professionnel de la mise sur le marché : "c'est difficile d'évacuer 100 % des productions chaque jour. Difficile de le faire avec une multitude de petits clients..."
Les intermédiaires facilitent ce commerce de fruits "fragiles"
Les metteurs en marché le privent d'une partie de sa marge, mais l'agriculteur confie : "je ne pourrai pas faire sans eux".
C’est avec une entreprise basée à Laon qu’il collabore. Créée en 1990, elle achète les fruits rouges aux producteurs, fait le conditionnement et revend à la grande distribution. Le modèle fonctionne. 400 personnes y sont salariées et la société ne cesse de s’agrandir.
Le dirigeant de Fruits rouges & Co a profité de la tendance de la consommation locale pour se développer : "Avant, les fruits rouges outre Atlantique étaient largement plus développés qu'en France. Nous, on s'est dit : 'pourquoi pas chez nous ?'".
L'entreprise séduit les clients tout autant que les cultivateurs parce qu'elle pallie les principales difficultés de la filière : "il faut être rapide et agile parce que les fruits rouges sont très fragiles". L'industriel permet de soulager les agriculteurs d'une course contre-la-montre pour vendre ses fruits qui se conservent très peu de temps.
La plupart de ses partenaires sont des cultivateurs de betteraves qui cherchaient à se diversifier. Au total, 600 hectares de fruits rouges sont désormais cultivés en Picardie tous les ans.
Avec Mary Sohier / FTV