La nage en eau vive et en hiver, un plaisir autant qu'un défi pour le corps : "c’est la même sensation qu’un saut en parachute"

Peu populaire en France, la nage en eau vive, même en hiver a pourtant quelques adeptes en dehors des traditionnels premiers bains de l'année le lendemain du Nouvel An. Pour certains, se baigner dans l'eau froide répond à une démarche de bien-être. Pour d'autres, il s'agit de repousser leurs limites physiques.

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Un dimanche matin de fin janvier sur la base nautique de Longueuil-Sainte-Marie dans l’Oise. Ils sont plusieurs dizaines au bord du bassin, un bonnet de bain et des lunettes de piscine sur la tête. Certains sont en peignoir. D’autres, une serviette de bain autour des épaules. Tous sont là pour se baigner. En plein air. En plein hiver. Dans une eau aussi grise que glacée : pas plus de 4°C. Et pas beaucoup plus dans l’air.

Pousser les limites de son corps

"Tout est dans la tête… Épaules sous l’eau… C’est parti… Top pour les chronos", entend-on dans un mégaphone. Dans l’eau, deux nageurs s’immergent. Ils doivent nager sur 250 m. Nager en eau vive, ce n’est pas la première fois pour eux. Mais jamais dans une eau aussi froide. Sur la rive, tout le monde les encourage.

"Et voilà Steve qui a rendez-vous maintenant avec les serviettes chaudes !" Steve qui a besoin d’être soutenu en sortant de l'eau pour marcher jusqu’à la tente où il va pouvoir se réchauffer. Recroquevillé sur une chaise, il grelotte. Littéralement. "J’ai froid. Encore plus froid que tout à l’heure. Il faut que je me réchauffe", articule-t-il difficilement. On l’enroule dans des serviettes chaudes. On lui verse de l’eau tiède sur le dos. "Essaie de respirer tout doucement. Tranquillement. Pour reprendre ton rythme cardiaque progressivement", lui conseille-t-on. Steve tente de parler, mais sa mâchoire est paralysée par le froid. "Les premiers cent mètres, on est un peu saisis par le froid, annone le nageur. Au fur et à mesure, on a les pieds et les mains qui s’engourdissent. Au-dessus de 10°C, je trouve que ça va. En dessous, c’est difficile. Et alors en dessous de 5°C... Pfff… En dessous de 5°C, on sent vraiment la différence entre chaque demi-degré... Ah ça y est, je me réchauffe… Waouh… Je n’ai jamais eu aussi froid."

Steve tente de se réchauffer à l'aide de serviette tiède après avoir nagé dans l'eau glacée. © Julien Guéry / FTV

Mais pourquoi s’infliger ça ? "C’est le fait d’être dans une zone d’inconfort. Au début, on se demande ce qu’on fait là. Après, c’est une lutte. On continue à nager pour finir. Sur le coup, c’est très euphorisant", explique l'homme qui reprend peu à peu des couleurs.

Cette épreuve, au sens littéral du terme, c’est la première édition de La fête du glaçon, organisée par l’association l’Ois’eau libre, après une édition test réussie en 2024. Cette compétition de nage en eau froide, voire glacée selon la météo, est ouverte à tous. Encadrée médicalement, elle se tient sur la base nautique de Longueuil-Sainte-Marie où les 60 membres de l’association s’entraînent en toute saison. Les nageurs ont le choix de la distance, jusqu’à 1 000 m. Des courses de 50 m sont prévues pour les novices, désireux de mettre leur corps à l’épreuve. "Les dix premiers mètres, ça va. Et ensuite, on n'arrive plus à respirer et là… Je ne suis pas sûr de recommencer ! À moins qu’on me force ! À voir !", s’interroge un jeune participant.

Les nageurs ont le choix de parcourir 50 à 1 000 m selon leur niveau. © Julien Guéry / FTV

"C’est tout sauf des fous furieux ! Ce sont des gens heureux, met au point Marc Lamarre, médecin généraliste. Quand on entre en contact avec de l’eau froide, les premiers moments sont toujours désagréables. Mais au bout de quelques minutes, la douleur qui vous saisit se transforme en plaisir. Et il n’y a pas de mal à se faire plaisir ! Progressivement, je suis persuadé que tout le monde est capable d’affronter cette expérience et d’y trouver du plaisir. Il faut que ce soit un acte volontaire. Parce qu’une chute accidentelle dans de l’eau à cette température, c’est sûr qu’on meurt très vite."

Les bains froids, un remède bien-être

À plus de 150 km de là, d’autres baigneurs se préparent à entrer dans l’eau. Ils habitent Mers-les-Bains, la station historique des premiers bains de mer. Mais en cette fin janvier, avec un vent de sud-ouest de force 8, il n’est pas certain qu’ils puissent se baigner. "C’est rare que ce soit à ce point-là. On a l’habitude, mais là quand même… Les vagues arrivent de loin. Il y a une profondeur impressionnante", remarque une dame.

Même s'il fait grand beau, les conditions du jour sont trop dangereuses pour qu’ils nagent dans la mer. Mais l’appel du large est tel que nos nageurs, bouillants d’enthousiasme, trouvent une plage plus favorable, à Ault.

"Je pense qu’on va se régaler ! L’eau est à 7°C. C’est super !" sourit Claire déjà en maillot de bain. "Je me baigne pratiquement tous les jours, quand la mer le permet. En général, toute seule. Et l’hiver, j’adore les bains d’hiver. C’est autre chose. Ça n’a rien à voir. J’ai la sensation que tout le négatif s’en va. C’est important pour mon équilibre. Et j’adore ça." À peine sa phrase terminée qu’elle est déjà au milieu des vagues.

Les bains d'hiver sont une habitude pour Claire © Julien Guéry / FTV

Sur les galets, Mathieu Hochart observe le groupe de baigneurs. Pour ce psychologue, les bains froids n’ont que des effets positifs. Et pas seulement sur le corps. "Ça a un effet sur l’humeur. Ça a des vertus antidépressives, énumère celui qui habite également à Mers-les-Bains. La thérapie par le froid est utilisée en médecine. Ça peut booster les défenses immunitaires. Il y a toute une tradition en médecine d’utiliser les bains froids."

Un quart d’heure plus tard, tous sortent de l’eau, un grand sourire sur les lèvres. "Qu’est-ce qu’elle est agréable. J’ai froid maintenant alors que dans l’eau, je n’avais pas froid", entend-on au milieu des rafales de vent.

"C’est génial ! C’est vivifiant, s’enthousiasme un soixantenaire. Ça aide à la circulation du sang. Après un bain froid, on se sent super bien. Franchement. Le but, ce n’est pas d’y rester une demi-heure, trois quarts d’heure. Dix minutes suffisent."

Quand nager devient extrême

S’immerger dans l’eau glacée est peu populaire en France. Si pour les nageurs de Mers-les-Bains, se baigner même en hiver est une démarche de bien-être, pour les habitués du bassin de Longueuil-Sainte-Marie, l’eau glacée est un défi.

"J’ai adoré ! Ah oui ! C’est la même sensation qu’un saut en parachute ! La même décharge d’adrénaline, rit presque un nageur qui vient de finir sa course. Dire qu’il y en a ici qui préparent la traversée de la Manche… Ça, c’est costaud."

Matteo Lutun est l’un de ces nageurs de l’extrême. La Manche, il compte la traverser à la nage en septembre prochain. "Pour le froid, c’est un bon entraînement ici. Mais on n’est pas du tout sur le même type d’effort : ici, c’est un effort assez court dans l’eau gelée. La Manche, c’est entre 10 et 15 heures de nage", explique le jeune homme.

Pendant ce temps, deux nageurs confirmés qui s’entraînent tous les dimanches s’apprêtent à réaliser l’exploit de la journée : nager 1 000 m dans l’eau glacée. L’objectif est de terminer la course et d’améliorer son temps : 28 minutes pour l’un, 18 pour l’autre. "Les sensations qu’on a dans l’eau sont top, affirme Kevin. On n’a pas vraiment froid. Je pense que c’est grâce à l’adrénaline. On a envie d’aller jusqu’au bout, d’accélérer."

Kevin et Louis, deux nageurs confirmés, ont parcouru 1 000 m dans l'eau glacée © Julien Guéry / FTV

"Moi, nager dans l’eau froide, ça me détend, selon Louis. À la sortie de là, on est bien, détendu. Le début de semaine est parfait ! Même quand le travail est stressant, le début de semaine est bien !"

Quel que soit l'objectif poursuivi par la pratique de la nage en eau libre, tous évoquent une sensation de liberté. Un esprit heureux. Dans un corps transi.

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