Hérissons, faons, écureuils, rapaces... De nombreux animaux sauvages blessés sont soignés et pris en charge par des associations de sauvegarde de la faune sauvage. Leur but à toutes : les rendre à leur milieu naturel. Exemple dans l'Oise avec Picardie faune sauvage.
Il y a du monde sur les pelouses des jardins du château de Pierrefonds. Tous sont bénévoles de l'association Picardie faune sauvage. Ils sont venus participer au relâcher des quatre faucons crécerelle que l’association de préservation de la faune sauvage a recueilli avant l’été.
Des mois de soins
Christophe Rousseau, le responsable capacitaire de l’association, sort deux caisses de transport de chat du coffre de sa voiture. Dans chacune, deux rapaces plutôt stressés. Un stress rapidement apaisé avec le chapeau de fauconnerie posé sur leur tête pour leur obstruer la vue, le sens le plus développé chez les rapaces. "Ils ont trois mois. Il y en a deux qui sont nés au château. Malheureusement, avec la météo qu’on a eue, soit trop chaud, soit trop froid, ils sont tombés beaucoup trop vite du nid. Donc ils ont grandi au centre, explique Christophe Rousseau en chapeautant le dernier faucon sorti de la caisse. Les deux autres, Max et Nave, viennent de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. Ils ont été découverts par les gens de la tour de contrôle. Ils ont grandi au centre aussi. En général, avec les juvéniles, j’essaie de les relâcher sur les sites où ils sont nés. D’autant que, comme les petits faucons restent assez longtemps avec leurs parents, ceux-ci ont tendance à les reprendre en charge. Mais je ne peux absolument pas les relâcher sur l’aéroport parce qu’ils courent un risque."
Quatre bénévoles ont été choisis pour relâcher les faucons. Munis de gants, les uns à côté des autres, un oiseau dans les mains, ils attendent le décompte pour finalement rendre à la nature ces animaux sauvages. Les faucons s’envolent. Chacun dans une direction. Des petits cris strient le ciel. "C’est bon signe, selon Christophe. Ce sont des cris de territoire. Ça veut dire qu’ils communiquent entre eux sans signe d’hostilité. C’est un signe qu’ils ont gardé leur indépendance et leur côté sauvage. Et c’est exactement ce que l’on veut. Parce que le but, ce n’est pas d’en faire des animaux qui soient proches de nous. C’est de continuer à avoir des animaux qui sont sauvages et qui ont en pleine capacité dans leur milieu naturel."
On a pu sauver cinq hérissons, sept faucons (...) et aussi des chouettes grâce à l’association.
Victoria Garot-Plaisant, administratrice adjointe du château de Pierrefonds
On comprend le grand sourire d’émotion et de satisfaction de Christophe Rousseau : un relâcher d’animaux dans son milieu naturel, c’est l’aboutissement de souvent des mois de soins et de prise en charge. "Ce sont des animaux qui arrivent soit malades, soit blessés, soit trop jeunes. En tout cas dans un état dans lequel ils n’auraient pas survécu dans la nature. Et les voir partir comme ça, avec un beau vol, en bonne santé, on a réussi. Et ça, c’est chouette. C’est pour ça qu’on le fait en fait !"
Le problème complexe du hérisson
Le château de Pierrefonds n’a pas été choisi au hasard. Le site est en effet parfaitement adapté aux faucons crécerelle qui aiment nicher dans les monuments en hauteur. Et si les quatre rescapés de Picardie faune sauvage peuvent s’y installer, c’est grâce à une chauve-souris malade, découverte dans les caves du château. "On a l’habitude d’avoir des chauves-souris dans le château. Mais cette chauve-souris semblait malade, se souvient Victoria Garot-Plaisant, administratrice adjointe du château de Pierrefonds. On a fait une petite recherche et on a trouvé cette association. On les a contactés en voyant que ça correspondait à leur champ de compétences. L’association est intervenue très rapidement et a pris en charge cette petite chauve-souris. Et au fil du temps, on a continué ce partenariat en fonction de nos besoins avec l’association. On a pu sauver cinq hérissons et sept faucons. On a également des choucas, une espèce protégée qui s’est installée dans nos tours. Et on a aussi des chouettes qu’on a pu également sauver grâce à l’association."
Faucons, chouettes, faon, furet, cigogne, écureuil… Toutes sortes d’animaux sauvages passent dans les locaux de Boissy-Fresnoy de Picardie faune sauvage.
Créée en 2021 dans ce village de la campagne de l’Oise, elle fonctionne grâce à ses bénévoles et aux dons. Des bénévoles très sollicités en été pour prendre en charge l’animal le plus régulièrement accueilli au centre de soins : le hérisson.
On a déjà une belle biodiversité mais si on peut la renforcer, c’est une bonne chose.
Romain Van de Walle, chef jardinier de l'abbaye de Royaumont
Le problème du hérisson, c’est qu’il en a plusieurs : "Son premier problème, c’est la route. Malheureusement, quand ce sont des chocs avec un véhicule, généralement, ça reste assez grave. Son deuxième souci, c’est tout ce qui tondeuse et débroussailleuse parce qu’ils vivent dans nos jardins, énumère Christophe Rousseau. L’autre souci, c’est l’usage de produits anti-limaces. Or les hérissons mangent les limaces et subissent l’effet de ce poison. Et quand on les récupère, le traitement pour qu’ils puissent l’évacuer est très long. On doit les garder très longtemps pour qu’ils puissent se remettre d’aplomb. Et ensuite, on sait tous que les hérissons sont porteurs de puces, de tiques et de parasites en tout genre. Et ça aussi, c’est un problème. Ils sont aussi sujets aux infections des voies pulmonaires. Ils ont malheureusement un panel de problèmes qui est très très large. Ce qui fait que ce sont des animaux que l’on a très souvent."
Les tondeuses, débroussailleuses et autres insecticides, les deux couples de hérissons qui viennent d’être relâchés dans le potager de l’abbaye de Royaumont n’ont plus à s’en méfier. Ici, tout est fait à la main. Les nouveaux assistants de Romain Van de Walle ont été relâchés dans le potager pour une bonne raison : "un potager, c’est vraiment un endroit où les hérissons vont pouvoir manger tout ce qui est insectes, mais aussi limaces, escargots et c’est bien pour nous !" s’enthousiasme le chef jardinier des lieux. "Le partenariat avec Picardie faune sauvage a été mis en place cette année. On a d’abord accueilli un cygne et maintenant ces quatre hérissons. Et on espère accueillir encore d’autres animaux sauvages qui ont été blessés. Ça a vraiment du sens pour nous. On a déjà une belle biodiversité, mais si on peut la renforcer, c’est une bonne chose."
Le pari de la survie
Une biodiversité dont fait partie le magnifique cygne qui vogue tranquillement sur les eaux du canal des jardins de l’abbaye. D’abord curieux de notre présence, Maurice (ainsi surnommé comme tous les cygnes recueillis par l'association) s’éloigne soudainement à l’arrivée de Christophe Rousseau. "C’est comme ça avec tous les animaux sur lesquels on a des soins assez intenses ou des contacts réguliers obligatoires et contraignants : en général, ils ne nous aiment pas trop ! s’amuse-t-il. Et les soins avec un cygne, c’est toujours un peu compliqué parce que c’est un gros oiseau et qui bataille un peu fort. Pour vous donner une idée de la puissance de cet oiseau, pour les formations des bénévoles, on leur montre la photo d’un cygne qui est en train de couver et à côté, il y a un renard mort : la femelle cygne l’a tué à coups d’ailes. Et là, on se rend compte de la force que ça a. C’est un oiseau qui peut peser dix kilos et qui vole. Donc imaginez la puissance de ses ailes pour pouvoir l’élever et le maintenir en vol. Et ils ne le sont jamais coopératifs ! Donc forcément, il ne m’aime pas du tout parce que c’est moi qui faisais ses soins !"
On essaie toujours de les relâcher dans des sites plus adaptés et les plus agréables pour eux. Parce que ça reste quand même des animaux qui sortent de convalescence.
Christophe Rousseau, responsable capacitaire - Picardie faune sauvage
Car l’oiseau a longtemps été pris en charge par Picardie faune sauvage pour un traitement antibiotique lourd. La plaie causée par l’hameçon et le fil de pêche restés coincés dans sa chair s’était infectée.
Relâché début août à Royaumont, il a choisi de rester sur site. Une aubaine pour Christophe qui peut assurer un suivi de l’animal. "Ça arrive très rarement avec les animaux qu’on relâche. C’est le petit plus qui fait vraiment plaisir, sourit-il. On essaie toujours de les relâcher dans des sites plus adaptés et les plus agréables pour eux. Parce que ça reste quand même des animaux qui sortent de convalescence. Donc on essaie d’avoir des sites où ils vont être tranquilles, avoir de la nourriture facilement, pouvoir sortir de convalescence et repasser à la vie sauvage le plus facilement possible."
L'année dernière, Picardie faune sauvage est venue en aide à plus de 2 000 animaux. Rares sont les données sur les chances de survie des animaux après leur réintroduction dans leur milieu naturel. Si elles varient en fonction des espèces, les centres de soin estiment généralement que 50 % à 70 % des animaux relâchés survivent après leur retour à la nature.
Avec Narjis El Asraoui / FTV