Polémique du tabac à la Maison de la presse de Noyon : et si tout le monde avait tort ?

La nouvelle majorité municipale de Noyon, dans l'Oise, a cassé le projet de la Maison de la presse qui pensait pouvoir vendre du tabac pour compléter son activité, suscitant une polémique à la fois politicienne et juridique.

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Une histoire de tabac enflamme les premiers mois de mandat de la nouvelle maire de Noyon (Oise), Sandrine Dauchelle (LR), avec l’opposition qui souffle sur les braises. La Maison de la presse du centre-ville, à la recherche d’un repreneur, se dit condamnée par la municipalité, qui lui refuse un argument de poids : le droit de vendre du tabac, activité plus profitable, en plus des livres.


Suite à la faillite d’un bar-tabac voisin, le Balto, l’ancienne municipalité en avait racheté la licence IV de débit de boisson en promettant à la Maison de la presse - via une "attestation" soumise entre les deux tours de l’élection municipale - de la lui revendre, en y liant l’activité de débit de tabac. "Il y en a 1500 qui l’ont fait en France et c’est grâce à ça qu’elles tiennent", affirme Philippe Bidault, copropriétaire du commerce.

Désillusion lors du dernier conseil municipal : la licence sera revendue aux repreneurs du bar, pas à la Maison de la presse, pour des raisons juridiques.

Je ne fais pas de promesses que je ne peux tenir. Juridiquement, on nous a formellement indiqué que ce n’était pas possible. Alors j’ai tranché. Je ne suis pas une maire fantaisiste.

Sandrine Dauchelle, maire de Noyon


Un débat juridique complexe

La réglementation des débits de tabac est arride, mais quelques principes fondamentaux peuvent être posées : c’est l’État qui donne les autorisations de création ; tout commerce y est éligible, sauf les pressings et boucheries ; les mairies sont en revanche compétentes pour transférer un dit existant d'un commerce à un autre, à l'intérieur de sa commune.

Alors, pour vendre du tabac, la Maison de la presse devait-elle se battre pour la licence IV du Balto ? 

D'après nos échanges avec les douanes de Picardie, non. La vente de la licence n'emporte pas l’activité de débit de tabac. Les nouveaux propriétaires de la licence n’auront d'ailleurs pas de droit automatique à vendre du tabac : ils devront formuler une nouvelle demande aux douanes. Sur le papier, il eut été possible de vendre la licence de débit de boisson aux repreneurs du bar, tout en transférer l'activité de tabac à la maison de la presse.

Philippe Bidault conteste : "J'ai eu cinq échanges avec une responsable des douanes qui m'a assuré que la licence et le débit de tabac étaient indissociables, et que nous pourrions ensuite rendre le volet débit de boissons, qui évidemment ne nous intéresse pas. Franchement, je ne me battrais pas comme ça s'il y avait le moindre grain de sable."

La justice sera peut-être amenée à trancher. "On va vers le tribunal administratif, annonce Philippe Bidault. Il y a deux irrégularités. On ne va pas abandonner."

étudier de près les projets des deux parties, or Sandrine Dauchelle est bien en peine d’expliquer ce que les investisseurs comptent faire de l’immeuble qu’ils rachètent : "Je peux me renseigner si vous le souhaitez."
 

Boules puantes

Au-delà du débat juridique, Philippe Bidault ne cache pas son amertume. Pour lui, la nouvelle édile veut surtout faire table rase du passé, et favoriser ses proches.

On a l’impression qu’elle est dans la rancœur par rapport à son prédécesseur. Nous, on ne fait pas de la politique. Si elle nous avait dit dès le départ qu’elle avait des personnes à servir en premier, on aurait fermé et voilà ! Mais elle nous a amusé, pour finalement rétrocéder la licence à des investisseurs, qui font un placement, et qui habitaient pendant des décennies à côté de chez elle.

Philippe Bidault, copropriétaire de la Maison de la presse


"Je ne les connais pas du tout, ça fait partie des rumeurs de mes opposants, dément catégoriquement Madame le maire. Je fais les choses sans esprit partisan. S'il y a polémique, c’est parce que Patrick Deguise et Olivier Garde (l’ancien maire et l’ancien conseiller animation, ndlr) se sont engouffrés là-dedans pour mon début de mandat."

Ultime critique : le prix de revente de la licence, 5 000 euros, alors qu’elle avait été achetée plus du double. Explication de Sandrine Dauchelle : "Trois licences avaient été achetées par l’ancienne équipe depuis 2010, à 11 000 euros, 5 000 euros et 0 euro ; on a divisé par trois pour ne léser personne." Outre la licence vendue aux repreneurs du Balto, deux autres sont en effet cédées à l’hôtel du Cèdre (qui réclamait depuis longtemps le droit de proposer un verre à ses clients) et au restaurant-cave à vins Les Ange-Vins.
 

Fermeture en février ?

La polémique a été largement relayée par la presse et sur les réseaux sociaux. Des pétitions auraient réuni près de 2300 signatures à ce jour, dont plus de 700 en ligne sur une page Change.org dont l'ancien maire Patrick Deguise (LREM) a fait sa couverture Facebook.


Quelle qu’en soit la cause, la Maison de la presse de Noyon est menacée. "Avec toutes ces tergiversations, notre repreneur s’est désengagé", se désole Philippe Bidault. Il s'agissait d'un buraliste soissonnais, qui avait besoin de poursuivre une activité de tabac encore trois ans pour prétendre à la retraite du secteur.

La maire de Noyon enjoint les copropriétaires à modifier leur annonce immobilière, qui faisait mention d’une licence IV. "Ce n’est pas de ma faute s’il n’y a pas la queue devant la Maison de la presse depuis quelques années, lâche la maire Sandrine Dauchelle. Je leur ai conseillé de se diversifier en servant de point relais, en vendant du matériel de musique, artistique… Il y a des tas de gens en difficulté en ce moment, et ils ne remuent pas la terre entière."

Des solutions trop peu rentables selon les copropriétaires, pour une Maison de la presse qui veut continuer à faire travailler six salariées (la moitié à temps plein) à forte ancienneté. Un combat quotidien qui semble avoir lassé les patrons, âgés de 63 et 68 ans, qui vendent leur commerce "à 30% du prix d'achat". "Mon objectif, c'est surtout de maintenir l'emploi, et un pôle culturel que les Noyonnais affectionnent", martèle Philippe Bidault. Sans repreneur, il envisage de fermer en février.
 

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