"On demande des garanties financières" : pour la journée internationale du droit à l'avortement, le Planning familial partage ses inquiétudes

Le 28 septembre célèbre le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), autorisé en France depuis le 17 janvier 1975 et inscrit dans la Constitution le 8 mars 2024. Mais malgré les progrès du droit, l'association Planning familial souligne les inégalités d'accès à l'avortement et ses craintes pour l'avenir.

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"Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les trois cent mille avortements qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays, qui bafouent nos lois et qui humilient ou traumatisent celles qui y ont recours", affirmait Simone Veil, en 1974, à la tribune de l'Assemblée Nationale, dans le discours de présentation de la loi qui ouvrira ce droit aux Françaises.

Près de cinquante ans plus tard, la liberté d'interrompre volontairement sa grossesse est inscrite dans la Constitution et 243 623 IVG ont été pratiquées en France en 2023, d'après la Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques). Un chiffre qui reste globalement stable depuis vingt ans, avec une légère augmentation en 2023. 

Cependant, à l'occasion de la journée internationale du droit à l'avortement, Lucie Houlbrèque, bénévole au Planning familial d'Amiens, exprime ses inquiétudes pour l'avenir. "On demande des garanties financières. Inscrire le droit, garantir le droit, ce n'est pas inscrire les moyens de ce droit, constate-t-elle. Si on ne forme pas plus de soignants, si on n'ouvre pas plus de centres, si on ne permet pas une meilleure éducation à la sexualité, on ne peut pas garantir ce droit."

Des inégalités qui persistent

Pour préparer cette journée internationale, le Planning familial a commandé un baromètre à l'institut de sondage IPSOS : il en ressort que de nombreux freins persistent dans l'accès effectif à l'avortement.

L'un des freins cités est le manque de structures ; le Planning familial estime qu'au niveau national, 130 centres pratiquant l'IVG ont été fermés en quinze ans. Le journal Le Monde a pour sa part recensé 45 fermetures d'établissements hospitaliers pratiquant l'IVG entre 2007 et 2017. Une situation qui impacte particulièrement les femmes en milieu rural. 

"Dans les Hauts-de-France, on constate que dans l'Aisne, c'est plus difficile d'y avoir accès, car les centres IVG sont éloignés, indique Lucie Houlbrèque. C'est aussi une zone plus rurale, cette difficulté d'accès aux soins est commune aux zones les plus rurales. Il faut savoir que l'IVG est un soin qui est urgent, puisqu'on a une date limite pour avorter, jusqu'à quatorze semaines."

Elle regrette que le délai moyen d'attente avant d'avoir accès à l'IVG soit de sept jours, soit deux de plus que les cinq jours recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). D'après le baromètre du Planning familial, plus de la moitié des femmes ont dû attendre plus de sept jours avant d'obtenir un rendez-vous. 

"En France, la principale explication aux difficultés d’accès à l’IVG résulte essentiellement du désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant. La charge du maintien effectif de ce droit repose essentiellement sur une poignée de praticiens militants dont beaucoup se trouveront bientôt à la retraite" soulignait un rapport parlementaire réalisé en 2020. 

Le nombre d'IVG augmente légèrement 

En Picardie, d'après les dernières données de la Drees, le nombre d'avortements reste stable dans la Somme (1713 en 2023 contre 1733 en 2022), mais il est en augmentation dans l'Oise et dans l'Aisne, comme au niveau national. Dans ces deux derniers départements, environ 200 IVG supplémentaires ont été pratiquées en 2023, par rapport à l'année précédente. 

Pour Lucie Houlbrèque, ces augmentations traduisent avant tout un manque de prévention : "Ce n'est pas alarmant en soi, l'IVG est un événement de la vie d'une femme, pas un drame. Par contre, cela veut dire qu'on a toujours besoin d'éducation à la sexualité. On a besoin également que la loi soit vraiment mise en place, la loi qui permet ces cours d'éducation à la sexualité dans les collèges et les lycées : c'est normalement trois fois par an. Vous pouvez demander à vos enfants, ce n'est pas le cas." Une analyse fondée sur des données : une étude de 2022 montre que malgré les 21 séances d'éducation sexuelles prévues pour l'ensemble de la scolarité par la loi de 2001, les élèves ne bénéficient en moyenne que de 2,7 séances. 

Un droit toujours fragile 

Autre enseignement du baromètre : plus d'un tiers des femmes ayant avorté disent avoir subi des pressions et 63 % craignent d'être jugées par leur entourage ou leur milieu professionnel. 27 % ont dû faire face à un refus d'accompagnement de la part d'un professionnel de santé.

Ces chiffres traduisent une réalité qui contraste avec l'avancée des droits : l'avortement n'est pas pleinement accepté par la société française. "Réduire la stigmatisation des femmes" est d'ailleurs la première piste évoquée pour lever les freins à l'avortement, lorsque l'étude interroge celles qui y ont eu recours. "L’IVG apparaît en effet bien souvent comme simplement « tolérée » en France, mais pas toujours garantie", indique également le rapport parlementaire de 2020.

"On est très inquiètes, nous, associations féministes et en particulier le Planning familial, de ce nouveau gouvernement, ajoute enfin Lucie Houlbrèque. Plusieurs membres du gouvernement sont contre l'IVG, ils ont voté contre, contre l'accès aux droits." Trois ministres du gouvernement Barnier ont en effet voté contre son inscription dans la Constitution, dont le ministre de l'Enseignement supérieur, Patrick Hetzelf, et le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. 

Dans le baromètre publié par le Planning familial, 51 % des femmes interrogées ayant eu recours à un avortement craignent un recul de ce droit dans un futur proche en France. 

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