Au sud-ouest de Beauvais, un improbable observatoire astronomique est installé dans une maison du village de Thury-sous-Clermont. Il referme un véritable trésor : une lunette astronomique unique, restaurée par une association qui partage sa trouvaille avec le public.
Pour ouvrir le dôme bleu de ce petit observatoire, il faut de l'huile de coude : tous les mécanismes sont activés par des leviers manuels, des engrenages d'un autre temps. Mais dans son pull aux motifs de galaxie, Gilles Sautot ne cache pas son plaisir lorsqu'il écoute le grincement des panneaux métalliques qui coulissent.
Une fois le dôme ouvert, Gilles peut contempler les planètes grâce à un objet aussi rare qu'insolite : une lunette astronomique construite en 1935. Ses lentilles ont été fabriquées à la main par l'homme qui était à l'époque le meilleur opticien du laboratoire de l'observatoire de Paris, André Couder. Bienvenue à Thury-sous-Clermont, 683 habitants, où une poignée de passionnés partagent ce patrimoine hors du commun.
"Le projet paraissait un peu fou"
Tout commence en 2009, quand la lunette sort de l'oubli. "Tout l'intérieur de la monture était remplie de rouille donc on ne pouvait plus s'en servir, se souvient Gilles. C'était un bel objet qui était en piteux état. Je me suis dit 'il faut faire quelque chose'. Donc c'est un émerveillement et surtout une responsabilité de la réparer et de la restaurer. Le projet paraissait un peu fou."
Il décide alors de créer une association pour collecter des fonds et rassembler les compétences nécessaires à la restauration de la lunette. En temps normal, Gille préfère les télescopes aux lunettes. Mais celle-ci achève de le séduire lorsqu'il se rend compte qu'elle n'a rien de banal : "À la fin du remontage, en 2015, on découvre que la pièce maîtresse, qui est l'optique, a été construite par un grand opticien français qui s'appelle André Couder. C'était la cerise sur le gâteau, car cela voulait dire qu'en plus d'être jolie, elle allait très bien marcher, que l'optique allait nous donner de très belles images, très fines, en particulier sur les planètes."
"À ma connaissance, elle est unique au monde, ajoute-t-il. Des tubes comme ça, il y en a un autre en France, à côté de La Rochelle. Mais sur une monture comme ça, je ne connais que celle-là." Malgré son âge, cette lunette permet d'observer les planètes avec tout autant de précision que ses homologues modernes.
Elle aurait même un supplément d'âme, à en croire Cyril Legrand, trésorier de l'association Thury observatoire. "J'aime bien la comparaison avec la photo, vous avez la photo argentique et numérique. Ce que je reproche un peu à la photo numérique, c'est que ça fait des images un peu lisses alors que l'argentique a un certain grain, développe-t-il. Vous avez la même chose avec les instruments anciens, ici, vous avez des lentilles gravées à la main. Quand j'observe par exemple la lune au travers de cette lunette, l'image me semble plus cristalline."
"Les gens sont sidérés"
Après avoir patiemment restauré la lunette, les membres de l'association Thury observatoire organisent de nombreuses animations pour partager cette expérience avec le plus grand nombre. "On ouvre deux fois par mois, indique Gilles. C'est soit un public local, du village, soit des gens d'Amiens, de Beauvais, on a aussi des astronomes amateurs qui viennent de Lille, donc l'observatoire, vit, il est ouvert."
On voit les cratères de la lune comme si on était dans une capsule Apollo.
Gilles SautotFondateur de l'association Thury observatoire
Les lieux sont privés, mais Daniel Latrides, ancien ingénieur propriétaire de la maison depuis trois ans, s'est pris au jeu. "Ça me prend un petit peu de temps, mais c'est agréable, je suis à la retraite, autant rendre mon temps utile. On est un peu dans une période où on remet en question la science, où on ne fait plus confiance aux scientifiques, comme si la science était quelque chose de relatif. La science, c'est quelque chose de solide qui est éprouvé."
Il participe maintenant à ces rendez-vous de vulgarisation scientifique en tant que membre de l'association. Il faut dire que lorsque le public regarde dans l'antique optique, la belle lunette fait mouche. "On voit les cratères de la lune comme si on était dans une capsule Apollo. Je ne vous mens pas, l'optique est tellement bonne que l'on voit vraiment des images très nettes et ça, les gens le ressentent bien. Il y a une émotion, quand on montre les anneaux de Saturne, par exemple, les gens sont sidérés" sourit Gilles.
Le prochain rendez-vous pour observer les planètes grâce à ce petit bout d'Histoire est fixé le 12 avril.