Procès de l’eau contaminée dans l’Oise : Suez est convoqué devant la justice en 2024

Quatre ans après la contamination du réseau d’eau potable de Breuil-le-sec, le groupe Suez, gestionnaire du réseau d’eau de la commune en 2019 est convoqué devant le Tribunal judiciaire de Beauvais en janvier 2024. Cette pollution avait provoqué plus de 250 cas de gastro-entérites chez les habitants et des hospitalisations.

Des enfants, des personnes âgées, des familles entières de Breuil-le-Sec ont été intoxiquées dès le 24 avril 2019. Atteints de diarrhées et de vomissements, certains ont été hospitalisés plusieurs jours après avoir bu l’eau du robinet. Au lendemain de cette intoxication, une équipe de France 3 Picardie s’était rendue sur les lieux, à Breuil-le-Sec, dans l’Oise, pour rencontrer les habitants. La mairie distribuait alors des bouteilles d’eau.

Une épidémie de gastro-entérites aigües

Une épidémie de gastro-entérites aigues causée par le dysfonctionnement du réseau d’eau. Une erreur humaine est à l’origine de cette contamination. A la station d’épuration de Breuil-le-Sec, gérée à l’époque, par la société Suez, un technicien a mélangé, par accident, les réseaux d’eau potable et d’eaux usées. Le directeur de la communication du Pays du Clermontois nous expliquait, lors de ce reportage, que des purges sur le réseau étaient effectuées avec le prestataire Suez.

Ils savaient que l’eau n’était pas potable dès le deuxième jour.

Virginie, habitante de Breuil-le-Sec

Mais, un mois plus tard, certains habitants étaient toujours malades. Delphine a perdu 10 kilos en quatre semaines. En arrêt maladie, elle nous confiait ses angoisses : "J’ai peur de mourir. Je ne peux plus rien faire, étendre le linge, faire le ménage. J’ai peur pour ma fille, malade aussi."

C’est aussi le cas de Virginie, qui enchaînait les arrêts maladie depuis son intoxication. Lorsque nous l’avions rencontré, elle était en colère contre l’Agence régionale de santé et le gestionnaire du réseau, coupables, selon elle, de les avoir laissé boire de l’eau contaminée pendant quatre jours. "Ils savaient que l’eau n’était pas potable dès le deuxième jour mais c’était à l’ARS de nous le dire. C’est inadmissible. On ne l’a su que quatre jours après." Le directeur de la sécurité sanitaire et de la santé environnementale de l’Agence Régionale de Santé se défendait à notre micro : "Les résultats n'étaient disponibles que le vendredi soir, et ont nécessité une analyse approfondie avec Suez pour identifier l'origine de la contamination et prendre les mesures de protection de la population dès le samedi matin" (27 avril).

Une erreur de Suez

20 cas de personnes malades sont officiellement annoncés alors. En réalité, ce sont 267 personnes de cette commune de 2500 habitants qui vont contracter une gastro-entérite aigüe et sept enfants ont été hospitalisés.

Un rapport publié en novembre 2019 par Santé publique France confirme qu'il s'agit d'une pollution du réseau d'eau potable qui est à l'origine de ces problèmes de santé. Du 24 au 27 avril, les 2700 habitants de Breuil-le-Sec consomment comme à leur habitude l'eau du robinet. À l'origine de l'incident, l'absence d'un disconnecteur automatique (un clapet anti-retour) entre le réseau d'eau potable et celui des eaux usées. Une erreur reconnue par le délégataire Suez qui annonce, avoir donné, en juin 2019, à titre de compensation, 100 euros par foyer.

Le maire de Breuil-le-Sec, que nous avions également rencontré, attendait, lui aussi, des réparations. C’est chose faite. Dans les colonnes du Courrier Picard, l’édile a déclaré avoir obtenu un dédommagement de 50 000 euros, après un accord avec le groupe Suez. "Pour nous, le dossier est clos (…) Cette somme a été investie dans la rénovation de la place de Verdun", annonce-t-il dans l’édition du 12 avril.

Convocation au Tribunal judiciaire 

Pour ceux qui ont refusé ces compensations, c’est sur le banc du Tribunal judiciaire que l’affaire sera jugée en janvier 2024. L’association Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise, le Roso, qui avait porté plainte en juin 2019 contre le gestionnaire Suez, s’est constituée partie civile dans ce procès. Le groupe Suez est convoqué pour  "introduction de matière susceptible de nuire à la salubrité des eaux destinée à la consommation humaine et violation délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité et prudence." D’après Didier Malé, président de l’association, une trentaine d’habitants de Breuil le Sec devraient se constituer partie civile également. Il souhaite d’ailleurs les inviter à constituer un dossier en commun avec l’association. Mais il regrette que, ni la mairie, ni la communauté de communes n’aient porté plainte contre Suez. "Vis-à-vis des habitants, c’est scandaleux. C’est choquant de savoir que sans l’association, il n’y aurait pas eu de poursuite. Avec ces 50 000 euros, la mairie va refaire place au lieu d’améliorer le réseau d’eau, la sécurité des habitants."

Nous allons demander une réparation pour préjudice moral, entre 15 000 et 20 000 euros.

Didier Malé, président du Roso

Pour le Roso, le plus important est de faire respecter la santé publique. "Quatre ans après les faits, des habitants refusent toujours de boire l’eau du robinet. Ils n’ont plus confiance. Nous allons demander une réparation pour préjudice moral, entre 15 000 et 20 000 euros. Le préjudice se calcule pour chacun en fonction des certificats médicaux et des séquelles.", indique Didier Malé, qui pointe du doigts les dysfonctionnements des délégations de service public. "J’ai consulté de nombreux dossiers d’appels d’offre et on se rend compte que les gestionnaires Suez et Veolia ont l’habitude de rogner les prix pour convaincre les collectivités. Ils mettent le paquet sur la gestion administrative et il ne reste plus grand chose pour l’aspect technique. Tout ça pour faire baisser la facture mais c’est la sécurité qui est en jeu. J’espère que ce procès mettra la lumière sur ces manœuvres", ajoute le président de l’association Roso.  

Pour l’heure, nous n’avons reçu aucune réponse à nos sollicitations auprès du Groupe Suez.

 

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