Mercredi soir, France 5 diffuse la finale du concours de lecture à voix haute que la chaine organise avec la Grande Librairie. Sélectionnée parmi près de 140.000 candidats, Lou Huli représentera le lycée Saint-Vincent de Senlis.
A l’autre bout du fil, la voix est douce, le timbre assuré. Même si elle revient parfois sur ses propos pour trouver le bon mot et dégoter avec soin la bonne formule, Lou Huli, lycéenne de Senlis, se livre en toute simplicité sur l’aventure un peu folle qui a marquée ses derniers mois. Du haut de ses 17 ans, l’élève de première, fait partie des douze finalistes d’un grand concours adressé aux collégiens et lycéens de l’Hexagone et lancé en septembre 2019 par La Grande Librairie et France 5.
?Et si, tous ensemble, on faisait lire la France ?!
— La Grande Librairie (@GrandeLibrairie) August 22, 2020
?Après des mois de préparation l'heure de la grande finale est enfin arrivée !
?Rdv, mercredi 26 août, à 20h50, sur @France5tv pour une soirée exceptionnelle en compagnie de nos 12 finalistes : https://t.co/8QUWug410C pic.twitter.com/1HN1IClOcm
L’opportunité est repérée par Sonia, la documentaliste de l’établissement et portée aux oreilles de Lou par ses professeurs de français et de théâtre. "Au final, ça s’inscrivait dans une certaine logique et puis je n’avais rien à perdre" commente-t-elle d’un ton enjoué.Après son inscription au concours en octobre tout s’est accéléré. Un groupe composé d'élèves de première et de quelques secondes est constitué et se retrouve deux fois par semaine, les mardis et vendredis à l’heure du déjeuner "On a appris à comprendre, à analyser en profondeur un texte, à articuler", expose Lou. "On leur a fait faire des exercices de respirations. On les a aidés à apprendre à poser leur voix. Parfois, on leur soumettait des textes avec très peu de ponctuation pour qu’ils trouvent leur rythme", emboite sa professeure de Français, Virginie Hougron qui l’a accompagné tout du long. Cette dernière a pioché dans des exercices qu’elle avait utilisé pour préparer d’autres jeunes à des concours d’éloquence en collaboration avec la Faïencerie de Creil.C’est la première fois que je participe à un événement pareil. A la base, avec des copines on s’est un peu inscrites pour rigoler parce qu’on avait du temps le midi et au fur et à mesure je me suis prise au jeu.
Le choix de textes engagés
Puis, l’heure des choix est venue. Celui du texte d’abord. Lou décide de présenter un extrait d’Une vie, l’autobiographie de Simone Veil. "Il y a dans ce texte une sincérité rare. J’ai choisi un extrait où elle parle d’un événement marquant, la Shoah, et relève l’importance du devoir de mémoire, qu’oublier c’était recommencer. C’est un sujet auquel j’ai été sensibilisée très tôt par mes parents. Du côté de mon père, certains membres de la famille ont réussi à échapper à la Shoah, c’est donc quelque chose qui me touche de près. C’est un texte qui me parle pour plein de raisons. C’est une femme qui a vécu tellement de choses. Il y a une espèce d’âme particulière qui se dégage de ce texte."Un choix qui a facilité celui du jury, constitué de professeurs et d’élèves, chargé d’élire le candidat qui représenterait le lycée. "Lou est rapidement sortie du lot. Quand on a envoyé la première vidéo avec Sonia on y croyait vraiment. Lou m’émeut à chaque fois quand elle lit. Elle a une sobriété incroyable. Sa lecture est très incarnée, mais cela reste de la lecture pas du théâtre", décrit sa professeure de français.Elle fait partie de ses jeunes plutôt calmes, pas forcément très expansifs, studieux qui sont aussi exigeants avec eux-mêmes qu’envers le contenu que leur propose l’équipe pédagogique. Elle veut toujours aller un peu plus loin. C’est aussi quelqu’un d’engagé et ça s’est vu dans ses choix.
Choisie parmi 140.000 candidats
La première étape était passée. Lou faisait alors partie des 100 élèves choisis parmi les 140.000 candidats ayant envoyé une vidéo. Pour la suite du concours et accéder à la finale télévisée, il a fallu trouver un nouveau texte. Tandis que la pandémie de coronavirus faisait rage et que le confinement s’imposait en France, le duo a fait au mieux en communiquant exclusivement par WhatsApp et Skype."Je lui ai soumis pas mal de textes, des classiques, mais elle faisait ses choix et avait une idée très précise de là où elle voulait aller. J’ai beaucoup admiré ça chez elle. Elle a choisi des livres qu’elle avait lus, relus. Elle en a lu plusieurs pour comparer. Il y a vraiment eu un travail d’investigation. Ses choix faits, elle s’enregistrait en train de lire et m’envoyait le résultat et je lui faisais mes retours", élabore Virginie Hougron.
C’est avec un extrait du Consentement de Vanessa Springora que Lou est sélectionnée pour la finale à Paris. "J’ai choisi un extrait qui montre le phénomène d’emprise que Gabriel Matzneff avait sur elle. Et cette ambivalence qu’on sent dans tout le bouquin, où on sent que l’autrice est partagée entre l’amour qu’elle a pour lui même-si elle commence à trouver cette relation un peu bizarre. Par moment, on a l’impression qu’elle est encore cette petite fille."
Le résultat final dévoilé mercredi 26 août
L’aventure s’est poursuivie à Paris que le duo a rallié en train avec deux objectifs en tête : se faire plaisir et faire passer un message. Répétitions, appréhension du plateau, placement du regard, rencontre avec le réalisateur de l'émission et les autres candidats, tout a été fait pour aider le petit groupe à évacuer un maximum de stress.Pour l’émission enregistrée dans les conditions du direct les 20 et 21 août, les finalistes devaient préparer deux textes sans la certitude de lire le second, honneur réservé au trio final. Si Lou ne peut dévoiler ses choix, ni le résultat qui sera révélé mercredi soir, la lycéenne partage sans détour ses motivations : "Du début à la fin, j’ai fait le choix de textes contemporains. La littérature classique est importante bien sûr, la littérature a ce pouvoir de faire bouger la société et de nombreux bouquins récents ont ce pouvoir-là aussi. Ce n’est pas dans 200 ans qu’il faudra les lire et en parler, mais dès maintenant !", étaye-t-elle avec conviction.Pour la finale, l’idée était de rester dans la lignée de ce que j’avais fait jusque-là. Choisir des textes qui poussent au questionnement, qui peuvent faire bouger les lignes, des textes qui parlaient d’eux-mêmes et n’avaient pas besoin d’une interprétation théâtrale. Il n’y avait rien à surjouer.
Un enthousiasme partagé par Virginie Hougron : "Je suis très fière d’elle, parce qu’elle est restée elle-même du début à la fin. Elle a toujours gardé une grande humilité et elle est restée dans le cœur du concours qui était la lecture et non l’éloquence. On n’y est pas allé pour gagner et écraser les autres, mais vivre une expérience hors norme. Elle voulait faire passer des messages forts et le pari est de mon point de vue réussi." rajoute-elle énigmatique avant de lâcher enfin : "Je peux vous dire une chose. C’est qu’elle a conquis la salle. Après sa prise de parole, un silence s’est imposé. Personnellement, j’avais les poils hérissés et je peux vous dire que tous les professeurs accompagnateurs se sont tournés vers moi. Ils avaient été totalement embarqués.
Le jury composé d'Isabelle Carré, Alain Mabanckou, Cécile Coulon, Eric-Emmanuel Schmitt était-il lui aussi séduit ? Il faudra attendre mercredi 26 août pour le savoir. Une chose semble néanmoins certaine, celle qui voulait faire entendre sa voix n’a pas seulement été entendue, mais écoutée. Une nuance loin d'être un détail qui ne peut que témoigner d’une mission accomplie.