Tchaomégot, c'est une petite entreprise innovante de l'Oise qui, depuis 2019, recycle la fibre des mégots de cigarette. Elle vient de réussir une levée de fonds pour passer à la vitesse supérieure : la startup veut devenir un leader mondial du recyclage de mégots.
Entre 20 000 et 25 000 tonnes de mégots seraient jetés chaque année en France. 30 miliards de mégots qui polluent les trottoirs et à chaque pluie, l'eau qui ruisselle dans les canalisations. Les mégots constituent la deuxième pollution la plus fréquemment retrouvée sur les plages françaises, après les bouteilles en plastique.
Face à ce désastre écologique, Julien Paque, étudiant ingénieur, a créé l'entreprise Tchaomégot, qui recycle la fibre contenue dans ces déchets pour lui donner une seconde vie. Une aventure qui a commencé en 2019 dans le garage de ses parents et qui continue à Bresles, dans l'Oise, où le jeune entrepreneur ambitionne de devenir le leader d'un marché en plein développement.
Comment ça marche ?
Équipée d'un masque qui filtre l'air, d'épais gants en plastique et d'une combinaison, Amélie Velter, ingénieure projets de Tchaomégot, verse un sac plein de mégots sur un tapis métallique troué. Du bout des doigts, elle commence son tri : touillettes de café, paquets de cigarettes et autres "intrus" sont jetés dans des poubelles.
"Nous, ce qui nous intéresse, c'est la fibre du mégot de cigarette, donc on va venir retirer tout ce qui n'en est pas", explique-t-elle en joignant le geste à la parole. Pour l'instant, l'opération est réalisée à la main, mais cela ne devrait pas durer. "L'étape d'après, c'est d'automatiser le processus de triage de manière industrielle. Pour l'instant, on est sur un site à dix tonnes de mégots par an, on va passer à 300 tonnes de mégots, se projette Amélie Velter. Le but, c'est vraiment de pouvoir automatiser et limiter le temps de contact entre le mégot et la personne qui va le recycler."
Entre l'ammoniaque, le mercure, le plomb et l'arsenic, les mégots sont bourrés de substances toxiques et cancérigènes. Limiter le contact des employés avec ces substances permettra d'améliorer leur qualité de vie tout en augmentant les quantités traitées. L'entreprise devrait adopter ces changements d'ici à quelques mois.
Une dizaine de procédés nécessaires à la transformation des mégots seront entièrement automatisés comme par exemple la séparation du tabac et des filtres. Pour la réaliser, les mégôts passent dans une machine qui isole la fibre des restes de tabac sans utiliser d'eau ni de solvants toxiques : le procédé est 100 % mécanique. La fibre doit enfin être dépolluée grâce à une technique brevetée par Tchaomégot : un solvant utilisé en circuit fermé qui permet d'extraire les polluants.
"On enlève les 0,3% de substances toxiques et les odeurs qui sont contenues dans la fibre de mégots de cigarettes, ajoute Amélie Velter. Après, on a de la fibre qui est isolante et qu'on va derrière transformer soit en doudoune, soit en isolant mural ou pour le bâtiment."
Plus de 3 millions d'euros pour changer d'échelle
"Le but, c'est vraiment de passer de cette preuve semi-industrielle à l'échelle industrielle, annonce Julien Paque, fondateur de l'entreprise. C'est à peu près les mêmes types de machines, mais à une échelle quasiment trente fois plus grosse."
La montée en puissance de la startup est rapide : elle employait trois personnes en 2020, actuellement, 26 salariés y travaillent et elle compte passer à une quarantaine, d'ici à quelques mois. Julien Paque a de grandes ambitions pour cette structure, qu'il développe en partenariat avec son père Arnaud Paque.
"Le but est de générer un flux matière et financier pour continuer à alimenter les plus grosses machines qui vont arriver, annonce l'entrepreneur. L'idée, à terme, c'est de continuer à s'étendre partout en France, puis en Europe, pour pouvoir vraiment développer des sites sur chaque région."
Le modèle économique fonctionne et permet d'envisager un déploiement à une échelle très importante
Swen SchallerInvestisseur pour Rives Croissance
Une ambition qui a su convaincre Swen Schaller, investisseur de Rives Croissance, le fonds d'investissement en capital lié à la Banque populaire. L'entreprise est par ailleurs déjà cliente de Tchaomégot, la mise en relation n'en a été que simplifiée. L'investisseur a répondu à la première levée de fonds de Tchaomégot avec une enveloppe de 3,6 millions d'euros. Bien loin des 7 000€ de financement participatif qui ont permis à Julien Paque de se lancer.
"Tchaomégot, dans le modèle qu'il a mis en place (...) on était dans une jeune entreprise du monde des startups, mais qui était dès le départ dans cette logique de rentabiliser son activité et de ne pas perdre d'argent dans sa mise en œuvre, c'était très important. Le modèle économique fonctionne et permet d'envisager un déploiement à une échelle très importante", salue Swen Schaller.
La quantité de mégots jetés est en effet l'assurance d'un énorme marché à développer. Avec les efforts pour la rénovation énergétique, les débouchés sont assurés. "Trouver de nouveaux matériaux, au lieu de produire, recycler des matériaux pour répondre à la solution écologique d'isolation des bâtiments, finalement, la boucle est bouclée", se réjouit le banquier d'affaires.
Autre argument de taille : il y a un an, l'entreprise était lauréate de l'appel à projet "Première usine" lancé par BPI France. Pour l'instant, seules quelques villes et entreprises ont noué un partenariat avec Tchaomégot, dont Béthune et Laon.
L'objectif de l'entreprise et de son nouvel actionnaire, Rives Croissance, est maintenant d'équiper complètement le premier site et de le "saturer", c'est-à-dire de l'exploiter à sa capacité maximale. Une fois ce but atteint, de nouveaux investissements seront réalisés pour créer de nouveaux sites. Les cendriers vert et jaune de Tchaomégot pourraient donc bientôt faire partie de nos paysages urbains.
Avec Mary Sohier / FTV