Après un bon début de saison, les apiculteurs du nord notent une baisse d'activité dans leurs ruchers depuis le retour du froid dans les Hauts-de-France. L'arrivée précoce du printemps, suivi d'une baisse des températures, provoque une pénurie alimentaire chez ces polinisateurs, qui tentent de se réchauffer dans leurs ruches, risquant d'accélérer leur mortalité et de faire baisser les récoltes de miel de printemps.
Depuis que le froid s'est de nouveau abattu sur les Hauts-de-France, le bourdonnement des insectes mellifères s'est arrêté. Alors que cette année, les jonquilles et le colza ont teint la région de jaune plus tôt que prévu grâce au soleil et à un hiver doux, la pluie est revenue se déverser sur les terres agricoles, et le mercure a regagné sa température de janvier.
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En ce mois d'avril au climat changeant, les apiculteurs notent que les abeilles ne pointent plus le bout de leurs ailes dehors. Trop occupées à tenter de réchauffer leur ruche. "Elles doivent chauffer l'essaim à 34°C pour que le couvain et la reine restent au chaud." Philippe Marcuz est un apiculteur de la métropole de Lille. Dans ses dizaines de ruchers, le nordiste a noté une activité anormale des abeilles pour la saison.
"En ce moment elles devraient aller chercher du nectar, du pollen et de l'eau. Sauf qu'avec le temps qu'il fait, il n'y a pas de pollen et l'eau est très froide, les abeilles meurent de froid avant de retrouver la ruche", rapporte tristement le professionnel. "Les fleurs de printemps sont apparues très tôt. Les pissenlits, le colza, l'acacia... Mais depuis 15 jours c'est l'arrêt complet."
Les fleurs de printemps sont apparues très tôt. Les pissenlits, le colza, l'acacia... Mais depuis 15 jours c'est l'arrêt complet.
Philippe Marcuz, apiculteur
Une baisse des récoltes du miel de printemps
Pour pouvoir aller butiner, les abeilles attendent que le thermomètre se stabilise à 10°C minimum. En dessous de cette minimale, elles attendent sagement dans leur ruche que le climat se réchauffe, pour sortir de nouveau. Un problème de nourriture peut alors se poser, si le froid s'éternise.
Philippe explique : "Pour créer de la chaleur, les abeilles tremblent, font aller leurs muscules sur les ailes. Il leur faut beaucoup de carburant : le nectar. Or en ce moment il y en a très peu." Les apiculteurs surveillent donc leur épuisement, quitte à les nourrir eux-mêmes si les températures actuelles ne remontent pas, pour éviter l'hécatombe.
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Les apiculteurs ont l'habitude de voir leurs abeilles mourir au printemps. Celles-ci travaillent tellement pendant un mois, dès les premières floraisons, qu'un fort taux de mortalité est enregistré. Pour anticiper ces décès et éviter une perte de main-d’œuvre, la reine recommence à pondre dès le mois janvier. "Elles sont habituées à leur climat, les reines connaissent l'ordre des saisons. Le problème c'est lorsqu'il y a de forts changements de température, comme maintenant."
Elles sont habituées à leur climat, les reines connaissent l'ordre des saisons. Le problème c'est lorsqu'il y a de forts changements de température, comme maintenant.
Philippe Marcuz
Sans rentrées de nectar, la reine freine sa ponte pour éviter aux ouvrières de mourir de faim. Ce qui conduit à une baisse de la population d'abeilles pour les futures miellées, et par conséquent moins de pots de miel de printemps.
Le problème des prédateurs
Pour autant, Philippe Marcuz préfère ne pas s'inquiéter. Selon lui, la situation n'est pas bonne, mais pas encore alarmante, d'autant plus que les météorologues prévoient une hausse des températures dès le début de semaine prochaine. L'apiculteur espère pouvoir compter sur ce redoux pour sauver sa cuvée de miel de printemps 2024.
"Il ne faut pas tirer des plans sur la comète. On a déjà raté les récoltes de miel de colza, mais on reste optimistes. Ce n'est pas encore catastrophique... Par contre si ce temps-là s'éternise c'est vrai que ça risque d'être la misère", évoque-t-il d'un ton solennel, à l'autre bout du téléphone.
On a déjà raté les récoltes de miel de colza, mais on reste optimistes. Ce n'est pas encore catastrophique... Par contre si ce temps-là s'éternise c'est vrai que ça risque d'être la misère.
Philippe Marcuz
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L'année dernière a été synonyme de bonne récolte pour cet apiculteur amateur, qui a pu conserver quelques réserves de miel. De quoi assurer des rentrées d'argent le temps que les butineuses se remettent en marche. Et puis, même si le coche a été manqué pour certaines fleurs, Philippe n'a pas encore tiré de croix sur les miellées d'acacia et d'érable qui doivent encore arriver pour sauver cette récolte de miel de printemps.
Finalement, les températures actuelles sont moins dangereuses pour les abeilles de la région que d'autres aléas, bien plus mortifères, comme le développement des prédateurs. Philippe parle notamment du varois de l'abeille ou du désormais bien connu frelon asiatique, contre lesquels aucun traitement vraiment efficace n'a pour l'instant été trouvé.