Témoignages. Retards à la SNCF, le quotidien usant d'infirmières qui travaillent à Paris : "dans mon vestiaire, j'ai un sac de couchage"

Publié le Écrit par Mary Sohier
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Elles vivent dans l'Oise et sont infirmières à l'hôpital Lariboisière à Paris. Depuis quelque temps, elles voient les problèmes de transport se multiplier. Les retards des trains régionaux sont fréquents. Aujourd'hui, elles se disent fatiguées. Témoignages.

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Son sommeil est perturbé, elle en fait presque des cauchemars : "Ça m'arrive de me réveiller la nuit pour vérifier les horaires de train." Nathalie Berthe habite à Vieux-Moulin, une petite commune à 9 kilomètres de Compiègne dans l'Oise. Elle est infirmière en rhumatologie et se rend tous les jours à l'hôpital Lariboisière à Paris pour travailler. Un trajet qui doit, sur le papier, durer 54 minutes. Sauf que dans la réalité, c'est plus compliqué : "Régulièrement, nous avons des retards. Les raisons sont à chaque fois différentes : problèmes de caténaires, incendie au bord des voies ou sur les transformateurs, feuilles sur les voies, arbres tombés. Parfois aussi, il y a des retards au départ car il n'y a pas d'agent ou pas de conducteur. Ça va de 10 minutes à 1 heure. 'Veuillez-nous excuser de la gêne occasionnée', c'est une phrase que je ne supporte plus." Et selon elle, c'est de pire en pire : "Je prends le train depuis 18 ans et j'ai vu la situation se dégrader. Depuis cinq ans, c'est très difficile."

Conséquence : Nathalie Berthe a de plus en plus de mal à assurer sa prise de service à 6h45. "Il y a des périodes où je prends un train plus tôt pour arriver à l'heure parce que sinon ça retarde la prise en charge des patients. Et quand ça ne suffit pas, mes collègues restent le temps que j'arrive. On est obligé de s'entraider entre les étages, mais ça désorganise les services." Ce que confirme Karine Jan, cadre de santé supérieure au sein de l'hôpital : "Comme il y a une continuité 24 heures sur 24, les équipes d'avant restent en attendant les collègues. [...] C'est stressant pour les agents."

Des retards à l'aller, mais aussi au retour. Là encore, Nathalie Berthe a une solution : "Dans mon vestiaire, j'ai un sac de couchage, des affaires de toilettes et un pyjama au cas où. Quand ce sont les grèves ou qu'il y a des pannes et que les trains ne repartent pas avant 21 heures, je préfère rester dormir à l'hôpital. Sinon, je ne rentre pas avant minuit chez moi et je dois me lever le lendemain pour prendre le train de 5h30, je préfère me reposer et être en forme."

"Ce qui me fatigue, ce n'est pas mon travail d'infirmière, c'est la SNCF

Cette organisation a, bien sûr, des conséquences sur sa vie personnelle : "J'ai choisi de travailler à Paris par choix parce que c'est un service très intéressant. Ce qui me fatigue, ce n'est pas mon travail d’infirmière, c'est la SNCF. Je suis tout le temps sur les applications à regarder si j'ai un train. [...] Heureusement que mes enfants sont grands et qu'ils ne sont plus à la maison. Quand vous avez une vie de famille, ce n'est pas gérable."

C'est pourtant le quotidien de sa collègue Océane Bellile, elle aussi infirmière en rhumatologie. Elle vit à Crépy-en-Valois et doit jongler entre son activité professionnelle et sa casquette de mère seule : "J'ai deux enfants de 3 et 6 ans en garde alternée. Une semaine sur deux, c'est l'angoisse pour arriver à l'heure au travail et pour repartir. En plus, la SNCF a supprimé des trains. Quand je suis d'après-midi, soit j'arrive en retard au boulot, soit je dois payer une heure supplémentaire de nourrice."

En octobre 2022, la SNCF a en effet annoncé la suppression de 140 trains dans les Hauts-de-France. Face à la colère suscitée, l'entreprise a décidé de faire machine arrière. Néanmoins, les usagers doivent subir de façon aléatoire l'annulation de 50 à 120 dessertes par jour. "Quand je n'ai pas de train le soir, je prends le RER B jusqu'à Mitry Claye en Seine-et-Marne et je dois trouver quelqu'un pour venir me récupérer en voiture. C'est un facteur de stress déjà qu'on est stressé par notre travail."

Un frein au recrutement ?

À 58 ans, Nathalie Berthe se pose, elle, des questions sur son avenir : "Je n'avais pas prévu de partir à la retraite tout de suite, mais le train me fait réfléchir. Ça m'interroge et ça m'inquiète." Plus largement, ces problèmes de circulation pourraient-ils avoir un impact sur les futures embauches ? Peut-être, à en croire la cadre Karine Jan : "On a un peu peur ce que ça devienne un frein au recrutement. Il ne faut pas. On a besoin de gens de province. On est situé à 200 mètres de la gare du Nord donc c’est stratégique pour les personnes qui vivent dans l'Oise ou du côté de Meaux. C'est une chance, il n'y a pas de métro, ni de RER à prendre. Il y a quelques années, c'était bien."

En février 2023, la SNCF a annoncé lancer des sessions de recrutement de conducteurs de train. Objectif : remettre rapidement en circulation tous les TER des Hauts-de-France. La compagnie cherche également des contrôleurs, agents d'escale, de maintenance... En tout, 440 postes sont à pourvoir.

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