Cette Beauvaisienne a créé l'association Destins de femmes dans le quartier Saint-Jean de Beauvais en 2005. Elle a su devenir un repère pour les femmes victimes de violences conjugales et petit à petit, elle aide à changer les mentalités.
"Lorsqu'une femme victime de violences conjugales vient à moi, elle n'a pas besoin de parler. Je le vois dans ses yeux". Fatiha Bouzekri sait de quoi il retourne car elle est passée par là. Elle a d'abord vécu l'exile de l'Algérie qui l'a vue naître, puis le mariage forcé, avant de subir les coups et les brimades de son époux pendant des années.
La voix est tremblante lorsqu'elle évoque la peur pour elle et pour ses enfants. La colère est toujours vive lorsqu'elle repense à ses plaintes ignorées au commissariat de son quartier. Comme ce soir où elle s'est enfuit de chez elle avec ses enfants pour demander de l'aide. On lui ferme la porte au nez car "on ne prend plus les plaintes à cette heure-ci".
"J'ai toujours refusé de me soumettre" dit-elle, alors les coups pleuvaient. "Je comptais les jours, en attendant que ma dernière fille ait 16 ans et soit en âge de choisir où elle veut vivre". Le moment venu, elle rassemble son courage, quitte son mari et crée Destins de femmes.
On ne fait pas la cuisine, on va au musée, à des ciné-débats, je veux ouvrir les femmes à la culture
Fatiha BouzekriHauts féminin - France 3 Hauts-de-France
Quinze ans plus tard, tout le monde connaît Fatiha dans le quartier Saint-Jean à Beauvais. Les activités, qu'elle initie, sont en grande partie artistiques. "On me disait : vous allez faire des couscous et des gâteaux entre femmes ! Jamais de la vie, nous on va au restaurant".
Ce temps partagé permet de créer du lien, de la confiance et de libérer enfin la parole. Au fil des années, Fatiha a pu constituer un réseau fort autour d'elles. Des élus qui s'engagent, un bailleur social présent pour les situations d'hébergement d'urgence, et des acteurs du quartiers, dont Dalila, policière qui anime des cours de self défense : "On leur apprend les gestes qui sauvent", explique-t-elle.
Avec le temps, les mentalités changent aussi. Elle raconte l'histoire de Karima partie en vacances pour la première fois de sa vie en laissant les repas pour la semaine au frigo. "Le premier jour d'école, son mari a envoyé les enfants sans cartable ! Au retour de sa femme, il a reconnu tout ce qu'elle faisait pour sa famille et aujourd'hui il la regarde autrement".
Pour Fatiha, c'est une somme de petites victoires. "Quand je vois une femme retrouver le sourire, c'est ma façon de faire ma thérapie et de guérir mes propres blessures".