80 ans de la Bataille d'Angleterre : à Audembert, sur les traces de l'ancienne base d'Adolf Galland, as de la Luftwaffe

Juillet 1940, Seconde Guerre Mondiale. La Bataille d'Angleterre a débuté et la Jagdgeschwader 26 , redoutable escadre de chasse allemande, installe son champ d'aviation dans le village d'Audembert (Pas-de-Calais). Nous sommes partis sur ses traces et celles de son Kommodore, Adolf Galland.

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La scène se déroule en 1966. Une équipe de télévision réalise pour l'ORTF un documentaire sur la Bataille d'Angleterre de 1940, épisode majeur de la Seconde Guerre Mondiale. Elle se présente à un rendez-vous sur le tarmac de l'aérodrome de Calais-Marck, où un homme les attend à bord d'un petit avion de tourisme. La cinquantaine, brun, cheveux gominés et petite moustache, il porte une veste et une cravate à rayures qui siéent à ses activités de représentant en assurances.

Cet homme, c'est Adolf Galland, l'as allemand aux 104 victoires, pilote redoutable et ex-officier de haut rang de la Luftwaffe qui devint, pendant la Seconde Guerre Mondiale, le commandant de la chasse du Reich hitlérien. Son patronyme français lui vient d'un ancêtre huguenot.

"J'ai vécu dans le Pas-de-Calais pendant une année et demi", raconte-t-il devant la caméra, avec un fort accent germanique. "Je vais vous montrer où était mon escadre", propose-t-il, en souriant, à l'équipe de télévision qui embarque à bord de son appareil.

De là-haut, les souvenirs défilent au rythme des paysages de la Côte d'Opale. "Il y avait au moins une trentaine de terrains d'aviation autour de Calais", décrit Galland, aux commandes de son coucou. "Sans compter la plage ! La plage était remplie de carcasses d'avions qui avaient atterri en détresse".
Celui qui terrorisait les aviateurs britanniques à bord de son Messerschmitt vire maintenant vers l'intérieur des terres, où les maisons d'un petit hameau retiennent immédiatement son attention. "Voilà mon terrain !", s'exclame-t-il soudain, dans une joie presqu'enfantine. "Audembert ! Vous voyez les abris pour les avions ? Nous décollions d'ici, comme ça...". Et l'Allemand de mimer une spirale ascendante avec sa main.  


Les derniers vestiges de l'aérodrome d'Audembert 

Ce hameau qu'Adolf Galland est venu de nouveau survoler, plus de 20 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, s'appelle le Colombier. Il est situé à l'ouest du village d'Audembert.Aujourd'hui, seul un oeil attentif et averti permet de déceler, le long de la départementale 238, les derniers vestiges de l'ancienne base aérienne de la Luftwaffe qui fut l'une des principales têtes de pont de l'aviation allemande pendant la Bataille d'Angleterre, entre le 10 juillet et le 31 octobre 1940.

A un carrefour, derrière une clôture, on peut ainsi apercevoir une butte, où affleurent quelques blocs de bétons, couverts par la végétation. Ils marquent l'entrée d'un bunker, désormais condamné.
Un peu plus loin, au lieu-dit du Breuil, deux allées parallèles mènent vers un gîte rural. Elles sont l'héritage des "taxiways", les voies de circulation de l'aérodrome d'Audembert, que les Allemands et les Britanniques appelaient aussi "Wissant", du nom de la station balnéaire voisine.
Le long d'une de ces allées, on découvre sous les arbres quelques murs en béton : il s'agissait des hangars qui abritaient les Messerschmitt B109 de la Jagdgeschwader 26 (JG26), l'escadre de chasse d'Adolf Galland.
D'autres anciens hangars sont également visibles un peu plus loin à l'entrée du hameau de Warcove, au croisement des départementales 238 et 249.

Certains servent de bâtiments agricoles.
Dans ce secteur, on peut encore entrevoir une ancienne piste d'accès et les entrées d'abris anti-aériens.
 
Il y a aussi ce bunker d'observation qui donne sur le champ où décollaient et atterrissaient les chasseurs allemands.
 
Il s'agissait à l'époque d'une piste en herbe.
 
Une visite au Musée Mémoire 39/45 de Calais (situé au parc Saint-Pierre près de l'hôtel de ville) permet de se faire une idée de ce à quoi ressemblait l'aérodrome d'Audembert pendant la Seconde Guerre Mondiale. A côté des "reliques" des Messerchmitt et des Spitfire abattus dans les environs, plusieurs photos nous montrent Adolf Galland en compagnie du maréchal Hermann Göring, le commandant en chef de l'aviation nazie. 
Ces photos datent du 5 décembre 1941 : le dernier jour d'Adolf Galland à Audembert, en tant que Kommodore de son escadre.
 
Göring avait organisé une cérémonie en son honneur pour sa nomination à la tête de l'inspection générale de la chasse allemande, avec le titre de General der Jagdflieger. Galland devenait ainsi l'un des plus hauts responsables de la Luftwaffe. Ses faits d'armes dans le Pas-de-Calais lui avaient valu une ascension-éclair alors qu'il n'avait pas encore 30 ans.
Ce 5 décembre 1941, la Bataille d'Angleterre est terminée depuis un peu plus d'un an, mais la Jagdgeschwader 26 continue d'affronter, quasi-quotidiennent, les avions de la Royal Air Force britannique.

Je sais qu'il est difficile ici de venir à bout de l'ennemi ici. Il n'est jamais loin. Il peut surgir de partout, sans crier gare. C'est la raison pour laquelle un succès décisif ne repose pas seulement sur le courage individuel des hommes, mais sur l'organisation et le leadership.

Hermann Göring, commandant en chef de la Luftwaffe

"Je suis ravi de pouvoir rendre visite aujourd' hui, sur les côtes de la Manche, à l'escadre qui a monté la garde face à l'Angleterre, seule, avec la Jagdgeschwader 2, tandis les principales forces de la Luftwaffe devaient être employées à l'Est (les Allemands avaient lancé leur offensive sur l'Union soviétique le 22 juin 1941 NDR)", déclare Göring devant les pilotes rassemblés. "Les succès de l'escadre ont été grands ; ses pertes ont été lourdes, mais inévitables. (...) J'ai intentionnellement laissé cette extraordinaire Jagdgeschwader à l'Ouest. (...) Je sais qu'il est difficile ici de venir à bout de l'ennemi ici. Il n'est jamais loin. Il peut surgir de partout, sans crier gare. C'est la raison pour laquelle un succès décisif ne repose pas seulement sur le courage individuel des hommes, mais sur l'organisation et le leadership".

"Aujourd'hui, l'escadre vit peut-être son moment le plus difficile et le plus amer, puisque je dois vous prendre votre Kommodore pour le placer à la tête de l'ensemble de la chasse", poursuit le Reichsmarschall au sujet de Galland. "Mais seul le meilleur homme, le chef le plus expérimenté, peut être promu pour diriger nos forces aériennes de chasse... Je sais que chacun d'entre vous est fier d'avoir eu la chance de combattre sous les ordres d'un tel commandant".
La cote d'Adolf Galland au sein du régime hitlérien est alors à son zénith. Le 28 novembre 1940, les services de propagande du Reich s'étaient déjà déplacés à Audembert pour filmer et immortaliser sa 57e victoire en combat aérien contre un Hurricane britannique, au-dessus de l'Angleterre. 

Les images avaient notamment été diffusées le 31 janvier 1941 par Les Actualités Françaises en France occupée.


Un terrain d'aviation stratégique

Cette popularité, Adolf Galland la doit aux nombreux succès de la Jagdgeschwader 26 pendant la Bataille d'Angleterre : 260 victoires revendiquées entre le 10 juillet et le 31 octobre 1940, dont 35 à son seul tableau de chasse personnel. 

L'as allemand avait rejoint cette escadre le 6 juin, pendant la Bataille de France, mais il n'en était pas encore le patron. Aussi doué dans un avion qu'ambitieux en dehors, Galland faisait partie de la génération montante d'officiers de la Luftwaffe qui connut son baptême du feu pendant la Guerre d'Espagne (1936-1939).
Il s'était porté volontaire au sein de la Légion Condor pour soutenir les troupes nationalistes du général Franco. L'aviation du Reich y expérimenta ses nouveaux Messerschmitt Bf109 et Junkers Ju 87 Stuka, ainsi que de nouvelles "techniques" comme les bombardements en piqué ou l'usage des bombes incendiaires. Elle s'illustra sinistrement lors du bombardement de Guernica au Pays basque (plus de 1600 morts pour 7000 habitants). "Une erreur", admettra Galland bien plus tard.

Je crois que j’avais le seul chasseur de la Luftwaffe équipé d’un allume-cigare et d’un support pour cigare si je devais me mettre sous oxygène.

Adolf Galland, pilote puis commandant de la Jagdgeschwader 26

Pendant la Guerre d'Espagne, le pilote avait adopté comme mascotte, sur son avion, le Mickey Mouse de Walt Disney, tenant une hache et un cigare. "Je prends toujours mes cigares sur moi et je suis devenu célèbre pour ça", racontera-t-il. "J’avais même un humidor (armoire à cigares NDR) que j’avais récupéré en Espagne et que je gardais dans mes quartiers pour les conserver au frais. Je crois que j’avais le seul chasseur de la Luftwaffe équipé d’un allume-cigare et d’un support pour cigare si je devais me mettre sous oxygène". 
A l'issue de la Blitzkrieg de mai-juin 1940 contre les Pays-Bas, la Belgique et la France, son escadre, la Jagdgeschwader 26, revendiquait déjà 162 succès. Elle avait notamment détruit une cinquantaine d'appareils alliés, au-dessus de Dunkerque, pendant l'Opération Dynamo.

Ses Messerschmitt étaient reconnaissables par la lettre "S" peinte de part et d'autre des cockpits. Une référence à Albert Leo Schlageter, un nationaliste allemand fusillé en 1923 pour espionnage et sabotage par les troupes françaises d'occupation de la Ruhr. Une icône pour les Nazis.
Composée de trois groupes de chasse, la JG26 prit ses quartiers à Audembert à partir du 15 juillet 1940. Les Britanniques avaient déjà utilisé les champs de ce village comme terrain d'aviation auxiliaire à la fin de la Première guerre mondiale.

Pour les Allemands, ils ont un intérêt stratégique : Audembert est situé tout près des deux postes de commandement installés aux caps Gris-Nez et Blanc-Nez, à une trentaine de kilomètres à peine des côtes anglaises. Un atout pour les Messerschmitt dont l'autonomie en carburant était limitée.

"A partir du moment où on atteignait les côtes britanniques, on avait peut-être 30 minutes de temps de vol et moins de 20 minutes si on volait près de Londres", expliquera Galland. "Ce temps se réduisait dramatiquement si vous engagiez le combat, ce qui vous forçait à utiliser plus de carburant".Outre Audembert, les groupes de chasse de la Jagdgeschwader 26 investirent aussi les champs d'aviation de Marquise et de Caffiers, dont il reste encore aujourd'hui quelques discrets vestiges.
L'escadre effectua sa première sortie de la Bataille d'Angleterre le 24 juillet 1940. Sa mission était de soutenir une attaque de bombardiers Dornier Do 17 sur un convoi de navires, au-dessus de l'estuaire de la Tamise. La confrontation avec les Spitfire des 54 et 64 Squadron ne fut pas à son avantage : deux de ses pilotes - Joseph Schauff et Erich Noack - furent tués.

Un troisième - Werner Bartels - dut se poser en catastrophe, sur le ventre, près de Margate.Blessé, il fut capturé par les Anglais. 
Son Messerchmitt abattu fut ensuite publiquement exposé, tel un trophée, dans un parc de Croydon, au sud de Londres. Les habitants venaient se faire photographier à côté de l'appareil.
 
Lors de cette première mission, les chasseurs de la JG26 durent rompre le combat, en raison de soucis de carburant. Galland était quand même parvenu à abattre un Spitfire ce jour-là, près de Margate, tout comme son équipier Karl Straub.

Les succès ultérieurs de l'escadre d'Audembert montrent qu'elle sut très vite tirer les leçons de cette déconvenue. Pendant la Bataille d'Anglerre, l'escadre perdit toutefois 25 de ses pilotes, morts au combat où accidentellement. Un aviateur d'une autre unité, Erwin Aichele (JG51), se tua à Audembert, le 29 juillet 1940, en ratant l'atterissage de son Messerschmitt endommagé par des tirs ennemis au-dessus de la Manche. 
Galland, lui, connaîtra sa plus grosse frayeur après la Bataille d'Angleterre, dans le ciel du Pas-de-Calais. Le 21 juin 1941, son chasseur sera sérieusement touché lors d'un affrontement avec un groupe de Spitfire, entre Boulogne-sur-Mer et Saint-Omer. Blessé, Galland tentera immédiatement de sauter en parachute mais son harnais se coincera dans l'antenne radio située à l'arrière du cockpit.

Je saignais de la tête et d’un bras et je m’étais en plus esquinté la cheville en atterrissant. J’ai été mis à l’abri par des Français qui auraient très bien pu m’achever facilement.

Adolf Galland, après avoir dû sauter en parachute de son avion en juin 1941

"Beaucoup de choses vous traversent l’esprit à ce moment-là", racontera-t-il. "Je me souviens avoir pensé à ma mère, à des formalités administratives que je n’avais pas encore finies, notamment quelques promotions et recommandations pour des récompenses pour certains de mes pilotes. J’ai aussi pensé à un rendez-vous avec une femme très spéciale que je ne pourrai pas honorer. Quasiment tout ce qui était dans ma tête à ce moment-là n’avait rien à voir avec la situation. J’ai finalement décidé de me détendre et d’accepter la mort".
Mais Galland parviendra à se libérér in extremis et à déployer sa toile, juste avant de toucher le sol. "Je saignais de la tête et d’un bras et je m’étais en plus esquinté la cheville en atterrissant. J’ai été mis à l’abri par des Français qui auraient très bien pu m’achever facilement. Ils m’ont mis dans leur charrette tirée par des chevaux et m’ont transporté jusqu’au poste de secours le plus proche. J’étais très reconnaissant et je leur ai payé la course".
 

Code d'honneur

Le 22 août 1940, après un mois de combat au-dessus de la Manche et du sud-est de l'Angleterre, et plusieurs revers essuyés par l'aviation allemande, Adolf Galland devint Kommodore de son escadre, en remplacement du major Gotthard Handrick. Ce dernier était une célébrité en Allemagne, puisqu'il avait remporté la médaille d'or à l'épreuve de pentathlon moderne aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Mais il n'était plus vraiment dans les petits papiers de Göring qui l'envoya en Roumanie sur le futur front de l'Est.
Lorsqu'il revint de Berlin où il avait été informé de sa promotion, Galland mit immédiatement en place de nouveaux schémas tactiques pour les escortes de bombardiers. Des schémas qu'il expérimenta le soir même lors d'une mission contre l'aérodrome de Manston, près de Ramsgate.

Lors de cette attaque, la Jagdgeschwader 26 revendiqua trois Spitfire abattus, dont vraisemblablement celui d'un certain Michael Keymer, du 65 Squadron, contraint de sauter parachute au-dessus de Bazinghen. Selon le témoignage d'une habitante, le pilote anglais se fractura les jambes à la réception et fut sommairement abattu par un officier allemand, du nom de "Damberger".
Il est peu probable qu'Adolf Galland eut cautionné un tel acte.

Je n'aurais jamais eu l'idée de poursuivre le combat contre un pilote sans défense. Nous avons toujours refusé de tels procédés.   

Adolf Galland en 1969

Bien qu'implacable et déterminé aux commandes de son Messerschmitt, il respectait ses adversaires et s'était fixé un code d'honneur, en refusant fermement de mitrailler les pilotes ennemis sautant en parachute. "A ce moment-là, le coup porté a atteint son but puisque l'avion n'a plus de pilote ou plus d'équipage", expliquera-t-il en 1969, à la télévision française, sur le plateau de l'émission Les Dossiers de l'Ecran, où il dialoguera avec plusieurs de ses anciens rivaux, notamment l'Anglais Peter Townsend et les Français Pierre Clostermann, Jacques Andrieux et Jacques Soufflet. "Je n'aurais jamais eu l'idée de poursuivre le combat contre un pilote sans défense. Nous avons toujours refusé de tels procédés".   
Deux pilotes britanniques purent témoigner de l'esprit "chevaleresque", voire amical, de Galland. Le premier, c'est Philip Thomas Wareing, qui avait du sauter de son Spitfire, près de l'aérodrome de Calais/Marck, le 25 août 1940. Capturé par des soldats allemands, il avait été conduit à Audembert auprès d'Adolf Galland qui lui avait offert des cigarettes, du chocolat et un verre de cognac, s'excusant de ne pas pouvoir lui proposer de whisky, les stocks laissés en France par les Britanniques ayant déjà été vidés.

Wareing fut ensuite transféré en Belgique puis en Pologne, d'où il s'évada en 1942.

Le second pilote à avoir pu apprécier le sens de l'hospitalité de Galland à Audembert fut Douglas Bader. On le surnommait l'"as cul-de-jatte" de la Royal Air Force, car un accident survenu au début des années 1930 l'avait privé de ses deux jambes ce qui ne l'empêchait ni de marcher, ni de piloter, grâce à des prothèses.
L'histoire se déroule cette fois après la Bataille d'Angleterre, le 9 août 1941. Le Spitfire de Bader est abattu au-dessus de Saint-Omer et le pilote atterrit en parachute dans le village voisin de Boëseghem où il est capturé par les Allemands. 

On a offert aux Britanniques un passage sûr pour qu’un avion largue des jambes artificielles de remplacement. Ils les ont larguées, mais seulement après avoir bombardé ma base aérienne...

Adolf Galland

Quand Adolf Galland l'apprend, il vient immédiatement à sa rencontre. "Une de ses jambes artificielles est restée dans son Spitfire quand il a sauté en parachute et l’autre s’est fracassée quand il s’est posé", racontera le pilote allemand. "Il a été touché et est entré ensuite en collision avec un de mes chasseurs. Les deux hommes ont survécu. On connaissait Bader, il était plutôt connu comme pilote, et le seul pilote sans jambe de la Royal Air Force. C’était comme une célébrité. On s’est tous sentis mal pour cet homme courageux et j’ai fait une requête auprès de la Croix Rouge internationale, avec l’approbation de Göring bien sûr. On a offert aux Britanniques un passage sûr pour qu’un avion largue des jambes artificielles de remplacement. Ils les ont larguées, mais seulement après avoir bombardé ma base aérienne..."
"Bader était à l’aise avec ses nouvelles prothèses", expliquera Galland. "Il m’avait demandé de voler dans un de nos Me-109 et je lui ai répondu que j’aurais bien aimé exaucer son vœu mais que ce ne serait pas possible. Il a demandé ensuite s’il pouvait quand même s’asseoir dans le cockpit et je l’ai fait monter à bord du mien. Il s’est vite familiarisé avec les instruments et a pu remarquer à quel point le tableau de bord était bien disposé et logique. C’était l’officier britannique typique. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais il était très préoccupé de savoir quel était le grade de l’homme qui l’avait abattu. Je savais ce que ça signifiait et nous avons trouvé un de nos jeunes officiers qui avait confirmé avoir abattu un avion et nous l’avons présenté à Bader qui a semblé soulagé de ne pas avoir été descendu par un conscrit".

Mais grâce à ses nouvelles prothèses, Douglas Bader s'évadera de l'hôpital de Saint-Omer où il est détenu, avec la complicité d'un groupe de résistants audomarois.
Il sera repris et transféré dans une prison allemande, où il restera jusqu'en avril 1945. Après la guerre, il deviendra ami avec Galland.
 

Le quartier général du Colombier   

Le commandant de la Jagdgeschwader 26 avait reçu Douglas Bader à Audembert, dans son propre quartier général, installé dans une belle demeure du hameau du Colombier. Elle appartenait à la famille Deschamps qui avait pris le chemin de l'exode pour se réfugier en Bretagne.
Outre Göring et Bader, plusieurs figures de la Luftwaffe y défilèrent, comme l'as allemand Werner Mölders, prédécesseur de Galland dans les fonctions de General der Jagdflieger (c'est son décès accidentel le 21 novembre 1941 qui entraîna sa nomination).
L'actuelle propriétaire de la maison a accepté de nous ouvrir ses portes.
 
Danie Requillart avait 2 ans en 1940 quand ses parents ont fui les combats. "Quand on est revenu à la Libération, la maison avait été repeinte pour la camoufler, les meubles avaient disparu", nous explique-t-elle. "Les Allemands avaient posé des chiens-assis sur la toiture pour pouvoir aménager des dortoirs".

Après la guerre, Galland  a voulu revenir ici voir la maison, mais mes parents ont toujours refusé.

Danie Requillart, propriétaire de la maison qui abritait l'ancien QG de la JG26

Mais le plus impressionnant, c'était le bunker que la famille découvrit à son retour, dans le jardin. Les officiers s'étaient aménagés un abri souterrain pour pouvoir dormir en sécurité en cas de bombardement ennemi. Dissimulé derrière des buissons et des fleurs, il sert aujourd'hui de terrasse.
A l'intérieur, il ne reste rien d'autre qu'un sol boueux, quelques canalisations d'époque et une cheminée qui permettait aux occupants de se chauffer.
 

"Après la guerre, Galland  a voulu revenir ici voir la maison, mais mes parents ont toujours refusé", nous confie la propriétaire. Une légende familiale raconte qu'un de ses doudous, laissés dans la maison, avait été placé par le pilote allemand dans le cockpit de son Messerschmitt. 

La Jagdgeschwader 26 quitta deux fois Audembert pendant la Seconde Guerre Mondiale. La première, c'était en décembre 1940 : avec l'hiver et la pluie, le terrain d'aviation était devenu impraticable. Galland et son escadre déménagèrent temporairement plus au sud, dans la Somme, sur l'aérodrome d'Abbeville/Drucat.

En tournée d'inspection sur les côtes de la Manche, Adolf Hitler vint les rencontrer, le 24 décembre 1940, au château de Bonance, près de Port-le-Grand, où se trouvait leur nouveau quartier général.


La JG26 retourna à Audembert en juin 1941. Le second départ eut lieu un an plus tard. Définitif cette fois. Désormais exposée à des raids alliés de plus en plus fréquents, l'aviation allemande déserta l'aérodrome où une unité d'infanterie la remplaça en 1943. L'escadre resta quelques temps toutefois dans la région, avec des groupes stationnés sur les aérodromes de Saint-Omer (Wizernes, Arques, Clairmarais), d'Abbeville et Wevelghem en Belgique.

De son côté, Adolf Galland combattit jusqu'à la fin de la guerre. Dans un dernier baroud d'honneur, au sein d'une unité d'élite dotée de Messerschmitt à réaction Me 262, il fut abattu par un chasseur américain, en Allemagne, le 26 avril 1945.

Blessé, il négocia ensuite sa reddition avec les Alliés, à Innsbrück, en Autriche, le 1er mai.

Il fut transféré en Grande-Bretagne pour être interrogé puis fut détenu en Allemagne jusqu'au 28 avril 1947.

Avant la chute du Reich, Galland était en conflit ouvert avec Hermann Göring, le chef de la Luftwaffe, dont il critiquait déjà les errements stratégiques pendant la Bataille d'Angleterre. Il soutint même la fronde d'un groupe d'officiers emmené par Günther Lützow, Hannes Trautloft et Johannes Steinhoff, ce qui lui valut de perdre le commandement de la chasse allemande le 23 janvier 1945. 

Selon Galland, Göring voulut le faire arrêter mais Hitler refusa.

Après la guerre, les officiers rebelles Steinhoff et Trautloft prolongèrent leur carrière, au sein de la nouvelle Bundesluftwaffe, en Allemagne de l'Ouest. Mais pas Adolf Galland, car les Américains s'y opposèrent.

En 1955, le général Nathan Twining, chef d'Etat-major de l'US Air Force, dénonça, en interne, ses relations avec le sulfureux Hans-Ulrich Rudel, un autre ancien officier de la Luftwaffe, ex-pilote de Stuka, connu pour son antisémitisme et ses convictions nazies (il fonda notamment le Kameradenwerk qui aida plusieurs criminels de guerre et protégea Joseph Mengele, le médecin du camp d'extermination d'Auschwitz). 

Galland avait en effet rejoint clandestinement ce personnage en Argentine en 1948 pour conseiller l'armée de l'air du dictateur Juan Perón. 

L'ex-commandant de la Jagdgeschwader 26 et de la chasse allemande se disait "apolitique" et n'était pas membre du NSDAP, contrairement à Rudel.

Mais il avait eu de bonnes relations avec Hitler qui le décora à maintes reprises et lui prêtait une oreille attentive.

"Hitler était une personne très étrange car sa personnalité pouvait en fait changer instantanément", confiera Galland, vers la fin de sa vie, aux historiens américains Colin D.Heaton et Anne-Marie Lewis. "A un moment, il pouvait rire à une blague ou discuter joyeusement de son dernier grand projet. Et si quelqu’un disait quelque chose qui le contredisait ou remettait en cause ses convictions sur un sujet, il pouvait faire une crise de rage. Je l’ai vu en plein d’occasions, et je savais que c’était une personne instable. Son addiction à la drogue était sans doute le principal facteur de ses troubles de la personnalité, mais je pense que même avant ça, c’était un égocentrique. Cependant, je dois lui en rendre crédit, il avait une mémoire photographique, il n’oubliait rien et lisait tout.

Faute de pouvoir prolonger sa carrière militaire, Adolf Galland se reconvertit dans les affaires au sein du groupe d'assurances Gerling.

En 1968, il fut consultant sur le film La Bataille d'Angleterre de Guy Hamilton, aux côtés d'autres vétérans de cette bataille,  comme les Britanniques Peter Townsend, Douglas Bader et Robert Stanford Tuck (qui fut le parrain de son fils).

L'as allemand d'Audembert est décédé le 9 février 1996, à l'âge de 83 ans. 

► Rendez-vous en septembre pour d'autres articles autour de la Bataille d'Angleterre à l'occasion des cérémonies officielles prévues au Royaume-Uni.   

SOURCES

► Livres :
  • Colin H.Heaton et Anne-Marie LewisThe German Aces Speak
  • Donald Caldwell JG26 Luftwaffe Fighter Wing War Diary - volume one : 1939-42
  • Dominique Lormier Histoires extraordinaires de la Seconde Guerre mondiale
  • Yves Le Maner (sous la direction de) Tombés du Ciel - Les aviateurs abattus au-dessus du Nord Pas-de-Calais (1940-1944)
  • Christer Bergström Battle of Britain: An Epic Conflict Revisited
  • James S.Corum Rearming Germany
  • Gerald Steinacher Les nazis en fuite
Sites internet : A visiter :
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