Le centre Clotaire est unique en France : pour lutter contre les violences conjugales, il prend en charge les auteurs des agressions.
« J’ai eu peur de la tuer… J’aurais pu la tuer, et me suicider. » Mettre des mots sur les maux. Au centre Clotaire, à Saint-Nicolas-lez-Arras, les auteurs de violences conjugales sont accueillis et pris en charge par des psychologues et des éducateurs.
Certains sont là parce qu’ils ont constaté qu’ils avaient besoin d’une aide. D’autres, par obligation juridique. Que des hommes, bien que les auteurs de violences conjugales ne soient pas uniquement masculins : il arrive que des femmes violentent leurs compagnons, mais elles restent une minorité.
Une béquille pour sortir de l’engrenage
Interrogé par les équipes de France 2, un agresseur sur la voie de la rédemption témoigne : pour lui, le centre est « une béquille ». Des entretiens individuels une à deux fois par mois, et chaque semaine, des réunions de parole en groupe. Pour prendre conscience de ses actes et sortir du déni. Le chemin est parfois long : « C’était pour lui faire comprendre les choses et la gérer », soutient un des hommes pris en charge depuis un an. « C’est une victime, elle est qualifiée comme telle, et vous vous êtes l’auteur », lui rappelle Séverine Lescoutre, éducatrice spécialisée au centre.
Ces hommes, agresseurs de leurs conjointes ou ex-conjointes, ne sont pas violents en dehors du couple, dit-elle. « On ne s’est jamais fait taper, alors qu’on leur dit des choses parfois très dures à entendre. » Pour protéger les victimes en revanche, il est nécessaire de les éloigner de leurs foyers, au moins un temps. Depuis 2006, c’est même une obligation juridique.
Le seul centre du genre en France
Le centre Clotaire a été nommé d’après Clotaire II, roi qui a exécuté son épouse Brunehaut. Attachée par les cheveux à la croupe du cheval de Clotaire, elle est traînée ainsi jusqu’à sa mort. Le pôle d’accueil des femmes battues de l’association Solidarité femmes accueil (SOLFA) porte son nom. Le symbole est fort. Pour aider l’un, il faut soigner l’autre : c’est en tout cas dans cette optique qu’a été créé, en 2008, le centre Clotaire.
En coopération avec le parquet, la préfecture et la communauté urbaine arrageoise, le centre bénéficie d’un financement public. Il est le seul du genre en France : dans le domaine des violences conjugales, la prise en charge des agresseurs n’est pas considéré comme une priorité. A tort, selon Benoît Durieux, le directeur de la structure : « un auteur de violences conjugales peut avoir plusieurs victimes dans sa vie s’il n’est pas pris en charge." D’où la nécessité d’éduquer, rappelle-t-il.
Depuis la création du centre, 700 hommes y ont été accompagnés. Le taux de récidive à la sortie est de 10% ; contre près de 37% pour l’ensemble des violences conjugales au niveau national (chiffres 2016, Ministère de l’intérieur). En 2016, 123 femmes sont décédées des coups d’un conjoint ou ex-conjoint. Les Hauts-de-France sont la troisième région la plus touchée par les violences cojugales, après l’Ile-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes.