1940, la bataille de France au jour le jour : 2 juin, Hitler en tournée d'inspection dans le Nord et le Pas-de-Calais

EPISODE 25 - C'était il y a 80 ans. Le début de la Seconde Guerre Mondiale. Alors que les combats se poursuivaient à Dunkerque, Adolf Hitler effectuait en personne une tournée d'inspection dans le Nord et le Pas-de-Calais, notamment à Bouchain où les Français avaient tenu tête à ses troupes.

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A 8h30, Adolf Hitler et son escorte quittent le château de Brigode à Annappes, après y avoir passé la nuit.
 


Escorté par trois automitrailleuses et survolé par un avion de reconnaissance, le convoi traverse Lille.
 


Après quelques arrêts pour rencontrer des généraux, Hitler se rend à au mémorial de guerre canadien de la crête de Vimy et à Notre-Dame-de-Lorette où il visite la nécropole de 14/18.
 


Le dictateur allemand connaît bien le nord de la France. Durant la Première Guerre Mondiale, il a séjourné notamment dans les Weppes et à Haubourdin en 1916, où il a peint quelques aquarelles.
 

 


Ce 2 mai 1940, Hitler poursuit sa tournée d’inspection à Arras, puis Douai. La veille, le parcours a été soigneusement nettoyé. Les carcasses de véhicules sur les routes ont été alignées sur les bas-côtés.
 


A Bouchain, depuis 8h, les habitants ont été rassemblés et enfermés dans une grande ferme du hameau de Boucheneuil. Ceux qui ne peuvent pas bouger sont gardés chez eux par deux soldats.
 


En début d’après-midi, le convoi s’arrête devant la Tour d’Ostrevant.
 


Hitler est de mauvaise humeur. Il se fait expliquer par ses officiers pourquoi deux de ses divisions ont été bloquées face à la ville pendant une semaine du 21 au 26 mai.
 


Après avoir visité les fortifications de Bouchain et l’ancien front, Hitler repart vers l’aérodrome de Niergnies, près de Cambrai.

Là, il discute avec des soldats allemands blessés avant de s’envoler vers son QG à Charleville.

 

 


Les clichés de cette visite d’Hitler juste après la fin des combats ont été pris par Heinrich Hoffmann de la Propaganda-Kompanie.

Copiés sur microfilms, ils ont été découverts aux Etats-Unis. C’est grâce à l’historien Jean-Paul Pallud que l’association "Les Amis de Bouchain et de son Musée" (Musée d'Ostrevant Bouchain à la Tour d'Ostrevant) a pu obtenir des tirages de ces photographies.

 

A Dunkerque, les rembarquements se poursuivent


Pendant qu’Hitler visite les anciens champs de bataille, à Dunkerque, les combats font encore rage. Ce dimanche 2 juin, les avions allemands visent tout particulièrement les soldats qui attendent d’embarquer dans les dunes.
 


Un communiqué officiel allemand pour la journée mentionne : "Les rassemblements de troupes sur la plage de Dunkerque ont été attaqués à la bombe avec succès". Les évacuations continuent de nuit. 
 


Les marines britanniques et françaises ont décidé de démarrer les évacuations à 17 heures pour limiter les pertes. Une flotte de 57 navires de toute taille se présente pour embarquer les soldats, 26 500 gagneront l’Angleterre dont 20 000 depuis le port.
 


 


Parmi eux, le soldat Langlart : " Le dimanche 2 juin nous avons pu embarquer à bord d’un dragueur de mine qui était amarré à la jetée Est. C’était à l’époque une estacade ajourée en bois. Beaucoup de bateaux y étaient amarrés, des bateaux de pêcheurs ou des bateaux de guerre plus importants. J’ai pu embarquer à bord du dragueur de  mine anglais le Kelett qui est parti dans la nuit".
 


"Je me souviens qu’à l’entrée du port, il y avait une épave de bateau qui était coulée en travers de la sortie et c’était assez difficile de naviguer pour en sortir. Nous avions passé ces 3 /4 jours ici à Dunkerque soit dans les Dunes soit dans le port sous les bombes des Stukas ou les tirs d’artillerie allemande, c’est ainsi que l’estacade était déjà coupée en plusieurs endroits que nous avons franchis sur des madriers mis au-dessus des brèches".
 

M.Langlart, ancien combattant, témoigne dans le documentaire "Dunkerque 1940" réalisé par Bernard Claeys et diffusé le 28 mai 1978 dans l'émission "Hexagonal, Histoire de France" (FR3).


"La traversée a été relativement facile. Le lendemain matin je me suis retrouvé dans le port de Sheerness, sur la rive sud de la Tamise. Là, les Anglais nous ont fort bien accueillis. Pour nous l’Angleterre c’était vraiment le repos après avoir passé quelques jours angoissants ici à Dunkerque".
 

 
Joseph Kessel est correspondant de guerre. Ce 2 juin, il assiste aux évacuations depuis le port de Dunkerque et à l’embarquement de soldats français à bord du Gâtinais : "Je reculai instinctivement pour ne pas être étouffé par la ruée frénétique à laquelle je m’attendais, par la marée humaine dont j’étais certain qu’elle déferlerait. Rien n’eut été plus naturel de la part d’hommes qui avaient combattu pendant des semaines, avaient été harcelés sans trêve, avaient fait des marches de 70 kilomètres par jour et qui, depuis 3 jours, attendaient sous les bombes qu’on vînt les chercher, sentant l’étau se resserrer sur eux, d’heure en heure. Or quand le Gâtinais accosta … tout se passa dans l’ordre le plus strict, avec une méthode et une rigueur à quoi les circonstances donnaient une grandeur saisissante".
 

Pendant 2 ou 3 heures, j’ai eu la plus belle peur de ma vie. Celle qui noue les tripes et paralyse. Bombes et obus tombaient de tous côtés. Des mines explosaient. Des navires se déchiquetaient, sombraient, s’enflammaient.

Joseph Kessel, correspondant de guerre à Dunkerque.


A bord du Gâtinais, au large de Dunkerque, le baroudeur Joseph Kessel a peur : "Pendant 2 ou 3 heures, j’ai eu la plus belle peur de ma vie. Celle qui noue les tripes et paralyse. Bombes et obus tombaient de tous côtés. Des mines explosaient. Des navires se déchiquetaient, sombraient, s’enflammaient".
 

 
40% des bombes larguées sur Dunkerque ce jour-là le seront sur les dunes de Malo à Zuydcoote pour toucher les soldats qui y attendent les bateaux.
 


Les blessés sont dirigés vers l’hôpital de campagne installé dans le Sanatorium de Zuydcoote.
 

 
Le médecin-major Jacques Mordal parcourt régulièrement la route qui mène de Dunkerque au Sanatorium : "Dès la sortie de la ville, un invraisemblable fouillis de camions et véhicules de toutes sortes culbutés dans les fossés ou dans le canal par un service d’ordre implacable qui tient à garder perméable cette voie sacrée de Dunkerque… C’est une énorme chose que ce sanatorium bâti en lisière des dunes, où tout ce que les armées comptaient comme groupes sanitaires et d’ambulances chirurgicales était venu grossir les services hospitaliers déjà en place".
 


Dans le Sanatorium, les équipes de chirurgien se relaient jour et nuit dans trois salles d’opération. Même à ce rythme, la salle de triage de l’hôpital ne désemplit pas. Parfois jusqu’à 800 blessés y attendent d’être pris en charge.
 


A chaque visite, le sous-préfet Le Gentil est impressionné par les lieux. "Partout le sang coulait sur le carrelage et l’odeur de ce sang, de la sueur et des vêtements sales suffoquait littéralement. Partout on entendait les gémissements des malheureux qui souffraient et les appels de ceux qui réclamaient à boire"Dans ses mémoires, il salue le sacrifice des infirmiers, médecins, femmes de service et religieuses qui se démenaient dans cet énorme hôpital où ont été soignés 57 837 blessés en 40 jours.
 


Comme des pièces d’artillerie françaises étaient installées non loin du Sanatorium, des bombes allemandes tombaient parfois sur les bâtiments malgré la grande croix rouge étalée sur le sol de la cour.

Autour de Dunkerque, la défense acharnée du périmètre


Dès le matin, les Allemands bombardent tout le périmètre de Dunkerque. A l’ouest, autour du village de Spycker les Français luttent à 1 contre 10. Les 3 derniers de canons de 155 utilisés par des marins dispersent des Panzers qui se regroupent pour attaquer le village.
 


Ensuite ils détruisent des mortiers allemands à la demande des défenseurs de Spycker. Lorsque les dernières munitions sont tirés, les marins détruisent leurs canons et regagnent le quai Félix Faure, à Dunkerque, pour embarquer. Spycker tombe en fin d’après-midi.

Vers midi,  Bergues est bombardée. Des bombes de 1000 kilos sont lâchées sur les remparts du sud-est où une brèche est ouverte. Les fantassins attaquent au lance-flamme. A 15h,  la ville est prise.
 


Vers 6h du matin, les Français ont tenté une contre-attaque pour repousser les Allemands au-delà du canal de la Colme vers le pont du Benkies Mille entre Hoymille et Warhem.
 


D’après l’historien Dominique Lormier, il faudra l’intervention de 50 bombardiers allemands vers 10h pour arrêter la progression des Français. Il cite, dans La bataille de Dunkerque, le lieutenant Sigogne qui participe à ces combats : "Le terrain découvert et inondé ne permet pas de se terrer, les pertes sont sévères : tués et blessés… A 8 h25, les blessés sont entassés dans une cave. Le hameau des Neiges est en feu. Les points tenus sont hachés impitoyablement, nous tenons toujours malgré de nombreux renforts ennemis".
 


En fin de matinée, blessé à deux reprises par des éclats d’obus, le lieutenant Sigogne se replie vers un centre de secours 1500 mètres en arrière. Se battant à un contre 10, les Français n’arriveront pas à dégager leurs soldats encerclés à Hoymille.

L’écrivain et lieutenant Julien Gracq (de son vrai nom Louis Poirier) est fait prisonnier à Hoymille. Il est emmené vers Ypres. En 1951, dans son roman Le Rivage des Syrtes, il situera l’action dans un paysage de lagunes. Sans doute un souvenir des marais inondés dans lesquels il s’est battu autour de Téteghem.
 


Au milieu des combats, Jacques Duquesne et sa famille restent à l’abri dans la cave de leur maison de Téteghem, toute la matinée, sous le bombardement. Le garçon de 10 ans n’est pas près d’oublier sa tentative de sortie. "J’ai demandé à aller aux toilettes au rez-de-chaussée. Tandis que j’y parvenais, presque aussitôt un obus a éclaté, très près, si près qu’il a comme soulevé la maison… Mais elle a retrouvé, semble-t-il, l’équilibre, intacte".

Les derniers soldats britanniques quittent Dunkerque


A 18h45, six avions allemands survolent le Fort des Dunes à Leffrinckoucke et lâchent chacun une torpille. Deux explosent dans la cour du fort.
 


La garnison est protégée dans les casemates mais des hommes n’ont pas le temps de se mettre à l’abri. Parmi eux, le général Janssen qui est tué sur le coup d’un éclat à la tête. Ses deux officiers d’état-major sont tués à ses côtés. Les victimes seront enterrées sur place à 23h.
 


Le colonel Blanchon remplace le général Janssen à la tête de la 12e DIM. A 23h, les derniers soldats britanniques quittent Dunkerque sur le Saint-Helier, l’Opération Dynamo est officiellement terminée. 

Mais sur le front, dans les dunes ou la ville, il reste 66 000 soldats français encerclés.


► La suite de notre série demain avec la journée du 3 juin 1940. Vous pouvez relire les épisodes précédents dans le récapitulatif ci-dessous :
 

 

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