Dans un camion aménagé planté sur la populaire plage de Berck (Pas-de-Calais), la Légion étrangère "recrute", tentant d'attirer plus de Français dans ses rangs.
"Vous aimez nos valeurs ? Alors commencez par enlever votre casquette !", raille, autoritaire, l'adjudant Sang-Jin Lee, devant un adolescent en short et claquettes. "Dix-huit ans, Français, célibataire... Vous êtes un excellent candidat !", s'enthousiasme le légionnaire, torse bombé sous sa cravate verte.
"Vous connaissez les risques ? Vous pensez-vous capable de tenir, sans contact extérieur pendant six mois ? Sans télévision, sans playstation ?", assène-t-il. Sous ses lunettes de soleil, l'adolescent acquiesce timidement. "A l'école, on va vous massacrer psychologiquement ! Et vous allez passer la serpillère", insiste l'adjudant.
A Berck, comme sur une soixantaine de plages françaises cet été, "la Légion vient montrer qu'elle existe, informer sur ses missions, les avantages et inconvénients", explique M. Lee, chef du poste d'information lillois.
"Là où sont les gens"
Couvrant sept départements, son détachement "recrute toute l'année. Mais l'été, il y a moins de candidats, alors on va là où sont les gens : les plages !", sourit-il.
Unité "d'élite" et "de combat" forte d'environ 8.000 hommes de 150 pays, la Légion doit recruter cette année "1.245 hommes, entre 17 ans et 40 ans non révolus". Souvent en première ligne, ils interviendront sur des missions intérieures comme Vigipirate, ou des opérations à l'étranger de l'Armée de Terre.
Avec 5.000 candidats déclarés depuis janvier, la Légion séduit "beaucoup d'étrangers, attirés par son histoire, sa réputation". Mais ses 11 régiments manquent cruellement de Français, indispensables pour "transmettre la langue et la culture", des valeurs aux "us et coutumes", précise le soldat, se souvenant, amusé, de jeunes légionnaires invités au restaurant qui avaient "arrosé leur foie gras de Ketchup-mayonnaise".
De plus, le déploiement prochain d'un nouveau système d'information "nécessitera certainement une meilleure maîtrise de la langue". "On a 8 à 10% de candidats Français" et "16% de francophones (incluant belges, québécois...) dans les régiments", déplore Sang-Jin Lee, visant "20 à 25% de francophones" d'ici 2025.
Sélection sévère
Mais les vacanciers, jetant parfois un oeil curieux sur les affiches et un légionnaire de carton au traditionnel képi blanc, passent souvent leur chemin, laissant seuls les militaires. A quelques mètres, les camionnettes des gendarmes et policiers rencontrent plus de succès.
"La Légion, c'est très cadré. Les entraînements paraissent plus durs, les missions plus périlleuses qu'ailleurs, ça me plait !", se réjouit Logan, 18 ans, l'un des rares visiteurs. Deux heures plus tard, Goran, 15 ans, se présente à son tour, cherchant à "se dépasser, physiquement et mentalement". "La sélection commencera dès votre arrivée au poste d'information !", prévient M. Lee.
Après un premier test physique et psycho-technique, "vous partez une dizaine de jours à Paris", puis "trois à quatre semaines à Aubagne (Bouches-du-Rhône)", subissant de nouveaux tests, visites médicales, et vivant "en communauté", détaille-t-il.
"Les meilleurs" intègreront l'école de Castelnaudary (Aude) puis l'un des régiments. Et après trois ans en unité de combat, ils pourront choisir une spécialité : mécanique, électronique, administration...
1200 euros
Dotés d'une "nouvelle identité", pour garantir leur sécurité et gommer les différences, les recrues "intègrent ainsi une nouvelle famille". Salaire de départ ? "1.200 euros net".
Seul corps militaire acceptant les anciens prisonniers, sauf ceux condamnés pour "viol, crimes de sang et trafic de drogue", la Légion est "souvent un moyen de prendre un nouveau départ". Les femmes en sont en revanche exclues.
Pour Logan et Goran, rien n'est sûr. "C'est très dur physiquement", lâche l'adjudant Lee, et "le problème des Français, c'est qu'ils échouent plus souvent aux tests".