Pas-de-Calais : le projet d’extension d’un élevage porcin de 1000 à plus de 3000 bêtes déchire le village de Robecq

Un éleveur de porcs, des riverains en colère et un maire… Le projet d’extension d’un élevage à Robecq cristallise les tensions : Alexis Lelong souhaite développer sa ferme porcine, passant de 1000 à plus de 3000 bêtes. Un projet jugé "démesuré" par les riverains qui se mobilisent.

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Depuis 12 ans, Alexis Lelong élève des porcs dans sa ferme de Robecq, dans le Pas-de-Calais. Un terrain de 90 hectares situé à équidistance des villages de Robecq, Busnes, Mont-Bernanchon et Gonnehem. 

Actuellement, son exploitation compte un peu plus d’un millier de porcs. L’éleveur souhaite l’agrandir pour tripler le nombre de bêtes et passer ainsi à un élevage de près de 3300 bêtes. "On veut moderniser l’élevage avec ma femme, tout en faisant des économies d’échelle" explique-t-il. 

Un bureau d’étude mandaté a ainsi élaboré un dossier, déposé en préfecture. Il fait actuellement l’objet d’une consultation du public, c’est-à-dire que chacun peut émettre son avis sur l’agrandissement de cet élevage. Passé inaperçu pendant le confinement, il fait l’objet depuis une dizaine de jours de vives contestations de la part des riverains, alors que le permis de construire pour démolir un bâtiment et en reconstruire deux nouveaux a déjà été accordé. 

L’enquête publique se terminant le 9 décembre, les riverains en colère se sont mobilisés en vitesse pour s’opposer au projet, avant la décision définitive du préfet, attendue dans un mois environ, d’autoriser ou non cette extension. Récit d’un débat qui déchire le petit village paisible de Robecq.

Un projet démesuré pour les riverains

Solène Dassonville, élue au conseil municipal de la commune de Gonhesmes, a pris connaissance de ce projet d’extension à la fin du mois de novembre. Elle le juge, comme d’autres habitants des alentours, totalement démesuré et met en exergue deux arguments locaux. "Il y a tout d’abord l’impact local pour les riverains." Nuisances olfactives, trafic de camions qui va s’accentuer, chute de la valeur immobilière des biens alentours… Selon elle, rien de positif. Viennent ensuite les questions de l’impact d’une telle exploitation sur l’environnement. "Les épandages vont saturer les sols en nitrate alors que nous sommes déjà situés dans une zone considérée comme sensible" dénonce-t-elle. 
Point par point, le bureau d’études à l’origine du dossier déposé en Préfecture répond à ces accusations. Priscille Rousselet parle d’un projet de modernisation des bâtiments indispensable. "Oui, il y aura plus de cochons, mais les techniques utilisées n’auront plus rien à voir. Aujourd’hui, les bâtiments ont plus de 35 ans. Ils vont être démolis pour en faire de nouveaux avec des nouvelles techniques de ventilation. Elle l’assure. Il n’y aura pas plus d’odeurs après l’extension." 

Alexis Lelong rappelle de son côté qu’aucune plainte n’a été déposée jusqu’à maintenant, et qu’il n’y aura pas "plus de rotation de camions qu’avant." Tout est question de calcul. "On fait juste des économies d’échelle parce que ces camions n’étaient pas remplis."

La question de l’élevage intensif en toile de fond 

Au-delà de l’échelle locale et du dérangement que pourrait causer cette extension dans le quotidien des riverains, les opposants au projet dénoncent l’aspect éthique "inexistant" d’une telle extension. "Le cochon en France est produit de manière intensive certes, mais on ne veut pas que le Nord Pas-de-Calais se transforme en Bretagne (région qui concentre 60% des élevages de cochon en France, ndlr)", s’insurge Solène Dassonville. 

Avec d’autres riverains, elle a distribué des tracts pour les inciter à participer à l’enquête publique et à venir manifester. "À notre petite échelle, les riverains rencontrés nous disent : moi je croyais qu’on partait vers quelque chose de plus écologique… On est dans un cercle vicieux face à ces techniques de plus en plus industrielles." 

"Après la ferme des 1000 vaches, voici un avis de la préfecture pour une consultation du public pour l’extension d’une ferme qui deviendra la ferme des 3500 porcs à Robecq, petite commune de Béthune qui espère peut-être promouvoir le village ?"

Thierry Carpentier, habitant de Robecq et opposant au projet d'extension

Ce que réfute en bloc l’éleveur de porcs de Robecq. "Notre priorité, c’est de faire que les animaux soient dans le bien-être total, en dépassant même les normes en vigueur", assure-t-il. Jusqu’à présent, les animaux sont élevés sur caillebotis intégral, ce qui ne changera pas dans le nouveau projet. Les 600 porcs charcutiers actuels se partagent 630 mètres carrés dans un bâtiment, soit un peu plus d’un mètre carré par bête. Ce ratio ne changera pas dans le nouveau projet, puisque le nouveau bâtiment flambant neuf pouvant accueillir 2000 porcs charcutiers représentera 2013 mètres carrés, divisés en 5 salles, soit la même superficie par porc qu’auparavant. 
Seule différence, la création d’une courette extérieure de 247 mètres carrés accessible aux porcs, qui ne voyaient pas la lumière du jour jusqu’à présent. "Il faut arrêter de penser que tous les éleveurs sont maltraitants envers leurs animaux, complète Priscille Rousselet du bureau d’étude. Ils vont pouvoir se promener en liberté."

Une contestation qui devrait durer

Deux points de vue opposés, des arguments qui se font face entre l’éleveur et les riverains… et un combat qui ne fait que commencer, de l’aveu même du maire de la commune de Robecq, Hervé Deroubaix, "ce sujet nous éclate dans la figure aujourd’hui." Difficile pour l’édile de se positionner, entre un agriculteur "très apprécié et très impliqué dans le village, qui m’a sollicité pour son projet" et une partie des riverains mobilisés pour stopper coûte que coûte le projet. 

"Le rôle d’un maire, c’est d’écouter l’ensemble de sa population. Ce qui m’intéresse c’est le calme, la tranquillité publique. La tournure que prend les choses nous oblige a bien faire attention."

Hervé Deroubaix, maire de Robecq

"Moi ce qui m’intéresse c’est le calme, la tranquillité publique. La tournure que prend les choses nous oblige a bien faire attention" résume le maire, qui tient à préciser quee le sujet sera à l’ordre du prochain conseil municipal et qu’un avis sera rendu très prochainement, même s’il ne jour un rôle que consultatif aux yeux de la Préfecture. 

Du côté de la filière porcine dans la région, cette nouvelle d’extension est accueillie comme une très bonne nouvelle. Gwendoline Desailly, directrice de l’interprofession porcine des Hauts-de-France, rappelle que "la production régionale ne couvre que 50% des besoins de consommation de la région", d’où la nécessité selon elle de produire plus afin de "s’inscrire dans la démarche très demandée du manger local." Lorsque nous l’interrogeons sur le nombre important de bêtes présentes, elle parle de cohérence régionale. "On compte en moyenne 147 truies par élevage dans les Hauts-de-France, et l’élevage le plus important en compte 750" affirme-t-elle. Dans le cas de l’extension de Robecq, elle parle d’un élevage familial. "1 ETP représente 100 truies, donc là il leur faut 3 employés car il y aura un peu plus de 300 truies." 
Un argumentaire de nouveau balayé par les opposants au projet. "Ça répond à une demande ? Non, affirme Solène Dassonville, mobilisée contre l’extension. Le consommateur répond à l’offre car il n’y a pas beaucoup d’alternatives." Alors la première mobilisation des opposants, prévue ce jour, se veut "symbolique" pour défendre les riverains, et la cause animale. Une association pourrait être créée prochainement pour rassembler davantage et mobiliser bien au-delà de la campagne du Béthunois.
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