Au Portel sur le littoral du Pas-de-Calais, depuis novembre, un arrêté municipal interdit l’accès à la jetée, jugée dangereuse. Un choix "ridicule" pour certains pêcheurs qui demandent une sécurisation de la digue.
"Pourquoi nous priver nous, pêcheurs, de la digue Carnot à cause d’inconscients ?" Les yeux rivés sur l’horizon, Jean-Yves, pêcheur boulonnais, ne cache pas son inquiétude. Voilà quarante ans qu’il foule la digue Carnot au POrtel sur le littoral du Pas-de-Calais, canne à la main, en quête de maquereaux, de bars ou de merlans. Des poissons, selon lui, "bien plus accessibles ici en pleine mer qu’au bord de la plage."
Avant d’aller pêcher sur la jetée, il consulte la table des marées et la météo. Pas question de prendre le moindre risque. "Je ne viens pas pêcher ici s’il y a des vents forts, assure Jean-Yves. Ceux qui ont des accidents viennent de loin et ne sont pas sensibilisés."
"Un mur, ce n’est pas ce qui va régler le problème"
D’une longueur de trois kilomètres, la digue Carnot est un spot fortement prisé des professionnels comme des amateurs. Selon Fabrice Gosselin, président de l’association des pêcheurs à pied de la Côte d’Opale, "jusqu’à 6000 d’entre eux viennent s’y installer chaque jour". Une tradition ancestrale mise à mal par un arrêté municipal publié en novembre dernier, visant à interdire l’accès à la jetée la nuit et par mauvais temps. En cause : des accidents à répétition.
Pour cet habitué, la dangerosité du site portelois ne fait aucun doute. "En vingt ans, nous avons recensé plus de 200 accidents, explique Fabrice Gosselin. Nous n’avons jamais eu de réponse pour sécuriser les lieux." Depuis fin avril, un portique est en cours d’installation pour limiter l’accès à la digue. Une solution insuffisante pour ce pêcheur qui prône l’installation de rampes, des coffres avec bouées et des bouts pour éviter tout drame. "Un mur, ce n’est pas ce qui va régler le problème, déplore-t-il. Même l’été sur la jetée, il y a des trous et des algues, ce qui en fait une vraie patinoire. La nuit, c’est souvent des pêcheurs chevronnés."
La pêche sur la digue, une question de "survie"
Le 22 mai dernier, quelques dizaines de pêcheurs avaient manifesté contre la fermeture de la digue. Si pour beaucoup d’entre eux, pêcher reste un loisir, c’est aussi, pour d’autres, un complément de revenus. "Je connais des pêcheurs qui vont passer quand même car c’est indispensable pour eux, ajoute Fabrice Gosselin. Ils ont besoin de la pêche pour survivre."
Les travaux devraient prendre fin en juin.