Une écrasante majorité des pêcheurs boulonnais n'ont toujours pas reçu leur licence, sésame indispensable pour reprendre leur activité côté anglais. La situation sur le port de Boulogne devient intenable, au bord de l'explosion.
Très vite, voici déjà les eaux anglaises. Depuis Boulogne-sur-Mer, un peu plus d'une heure suffit pour atteindre la frontière maritime. Des années que les pêcheurs de la région y réalisent l'essentiel de leurs prises. "Le port de Boulogne est dépendant des eaux britanniques à plus de 70% pour la pêche artisanale, et 96% pour la pêche hauturière" résume Olivier Leprêtre, président du comité régional des pêches. Problème, depuis le 1er janvier, impossible de passer au délà. Ou plutôt, dans la bande des 6 à 12 milles anglais, soit 22 kilomètres depuis le tracé de la côte britannique.
Seulement 16 licences délivrées, sur plus de 150 bateaux
Pourtant, le Brexit s'est soldé par un accord sur l'épineux problème de la pêche. Mais en pratique, il faut une licence pour chaque bateau français. Les équipages doivent prouver leur présence dans les eaux anglaises et l'exploitation de la zone avant le Brexit. "Il faut apporter la preuve de son travail côté anglais entre 2012 et 2016", précise Olivier Leprêtre. Ce sont ensuite les autorités britanniques qui, après enquête, délivrent ces préciseuses licences. Pour le mois de janvier, seules 16 de ces licences ont été distribuées aux pêcheurs boulonnais, sur plus de 150 bateaux que compte le port. L'écrasante majorité n'a toujours rien reçu. Et c'est donc toute la filière de la pêche qui retient son souffle. "Ce serait dramatique si ça restait en l'état. C'est vraiment urgent pour nous, les licences avaient été promises sous 3 jours, nous n'avons toujours rien au mois de février", peste Olivier Leprêtre.
De plus, les pêcheurs subissent une forme de "double peine". En plus de leur perte d'exploitation, liée à l'interdiction de se rendre dans les eaux anglaises, le poisson vient à manquer. En cause, la présence de nombreux pavillons étrangers sur la même zone. "Les français, les hollandais, les belges se partagent un espace réduits. Il y a donc un phénomène de surexploitation de la ressource car tous les bateaux sont concentrés sur la même zone. En ce moment, le poisson disparaît à vitesse grand V" explique Olivier Leprêtre.
Sur le port de Boulogne, la situation est donc au bord de l'explosion. Pour ces raisons mais aussi à cause du manque d'explication. "C'est difficile d'y voir clair, personne ne nous explique pourquoi nous n'avons pas de licence, pourquoi il faut justifier de son antériorité côté anglais entre 2012 et 2016. Tout ça ajoute à la frustration et à l'énervement." La pression est telle que plusieurs sources confirment que des actions de pêcheurs pourraient avoir lieu, allant même jusqu'à un blocage du port. Dans un dernier mot, Olivier Leprêtre explique : "en ce moment, certains pêcheurs sont en train de creuver."